S’il y a un jeu dont on entend parler partout en ce premier trimestre de 2025, c’est bien Blue Prince. Le titre, sorti le 10 avril, fait déjà l’unanimité dans la presse et se hisse dans le top 10 des jeux les plus vendus du moment sur Steam, aux côtés de mastodontes comme Baldur’s Gate ou Assassin’s Creed. Autre surprise : Blue Prince n’est pas le projet de vétérans de l’industrie, mais bien un jeu indépendant développé par Tonda Ros, qui s’était illustré comme directeur de la photographie et motion designer, loin du jeu vidéo. De quoi nous intriguer et nous donner envie d’aller explorer le manoir de Mount Holly par nous-même, histoire de voir si le titre est réellement à la hauteur de tout cet engouement.
(Test de Blue Prince sur PC réalisé à partir d’une version fournie par l’éditeur)
C’est une maison bleue…
Comme beaucoup d’histoire, la nôtre commence par un courrier nous apprenant un héritage. Un grand oncle nous lègue sa maison et son titre, mais à une condition : pour garder la propriété du manoir, il faudra trouver sa mystérieuse quarante-sixième pièce secrète. Le principe de Blue Prince est ingénieux dans sa simplicité. Chaque matin, nous arrivons dans le hall d’entrée de la demeure, face à trois portes. Les pièces qui se cachent derrière changent tous les jours : à nous de bien choisir laquelle faire apparaitre à cet endroit de la maison pour avancer le plus loin possible.
Les premiers pas sont hésitants, chaque déplacement dans une nouvelle pièce diminuant notre compteur de mouvements disponibles. Une fois à zéro, l’exploration s’arrête pour la journée. Pour avancer, on ramassera des clés, des gemmes qui débloquent des salles plus intéressantes, et des pièces pour acheter des objets spéciaux (une pelle pour creuser, de la nourriture pour regagner de l’énergie…). Chaque salle placée sur le plan de la maison influence notre parcours. Par exemple, les chambres servent à récupérer de précieux pas pour poursuivre l’exploration, et les pièces rouges nous imposent des malus.
Dès les premières heures de jeu, Blue Prince pose donc ces mécaniques qui ne semblaient pas réinventer la roue. On ne va pas vous mentir, au début, nous nous sommes dit « tout ça pour ça ? », même si l’atmosphère très particulière du titre, avec sa musique discrète et son ambiance solitaire quasi-méditative, rendait l’expérience plaisante et nous poussait à continuer.
Ouvrir des portes et recommencer
Assez rapidement, on se met à élaborer des stratégies pour avancer efficacement dans le manoir de Blue Prince. Faut-il débloquer cette chambre qui va créer un cul-de-sac mais nous donner plus de pas pour explorer davantage, ou privilégier cette nouvelle pièce mystérieuse qui va nous faire utiliser nos dernière gemmes ?
La dimension Rogue-like du titre pourrait en décourager certains (quand on progresse bien mais qu’on manque soudain de pas, ou que la dernière porte vers la dernière salle reste verrouillée faute de clé, et qu’on sait qu’on ne pourra jamais retrouver cette configuration exacte) mais c’est aussi ce qui rend Blue Prince si addictif.
Au début de la partie, on se contente d’explorer au maximum le manoir en évitant les impasses. Puis on comprend que certaines combinaisons de pièces sont plus intéressants, quitte à laisser une case vide. On débloque des avantages permanents, on prépare sa journée du lendemain… Et voilà qu’une couche de profondeur s’est ajoutée à l’expérience.
Un puzzle-game vertigineux
La direction artistique, très soignée, nous pousse à explorer chaque recoin, à être attentif à chaque détails. Au fil de l’exploration de la demeure, on va découvrir photos d’archives, coupures de journaux, et livres qui viendront donner corps à l’histoire de Mount Holly et de notre famille. Petit à petit, on se rend compte que les petits puzzles à base de calcul mental et de coffres à ouvrir ne sont que la partie visible de l’iceberg. Certaines énigmes nécessiteront des heures d’exploration, avec des indices répartis dans plusieurs pièces (qui ne tomberont peut-être pas dans la sélection du jour).
C’est à ce moment qu’on sort carnet et stylo, et qu’on se met à tout noter. Un code à quatre chiffre aperçu dans une pièce, un mot de passe dont l’utilité reste à découvrir, une carte mystérieuse qu’on redessine pour y ajouter des symboles plus tard… Rien n’est laissé au hasard dans Blue Prince, et la sensation quand on comprend que quelque chose qui était sous nos yeux depuis très longtemps était en fait un indice est particulièrement grisante. L’exploration devient alors vertigineuse, à l’image de ces longs couloirs qu’on a créés en alignant les portes sur tout le plan de Mount Holly.
Même après avoir découvert la fameuse quarante-sixième pièce au bout d’une vingtaine d’heures de jeu, on sent qu’on est encore loin d’avoir percé tous les mystères de Blue Prince. On y revient volontiers pour terminer de démêler tous les secrets de cette maison et comprendre toute l’histoire.
Blue Prince est une excellente surprise, et passées les premières heures qui peuvent sembler banales, on se rend compte qu’on a un très beau jeu entre les mains. La comparaison avec La maison des feuilles de Mark Z. Danielewski (roman vertigineux à propos d’une étrange maison) vient immédiatement en tête, mais on pense aussi à Balatro, autre titre indépendant qui s’était imposé à sa sortie en jouant avec les mécaniques qu’on s’attend à trouver dans un Rogue-like. Son créateur LocalThunk a d’ailleurs dit qu’il trouvait que Blue Prince méritait de concourir pour le GOTY 2025.
Certes, l’aspect aléatoire pourra décevoir les joueurs qui s’attendaient à un jeu basé entièrement sur les énigmes et les puzzles. Quand on met enfin la main sur l’objet idéal pour résoudre un problème rencontré la veille mais que la configuration du jour ne fait pas apparaître la pièce concernée, la frustration peut rapidement monter. Derrière son concept simple en apparence, Blue Prince est un jeu exigeant, et certains mystères demanderont beaucoup de temps et d’exploration pour être résolus. Mais c’est aussi ça qui rend ce titre si plaisant !
Seule ombre au tableau : notons toutefois que le jeu n’est disponible qu’en anglais, et que certaines énigmes basées sur des subtilités de la langue risquent d’être très compliquées pour qui ne maîtrise pas bien la langue de Shakespeare.