Voilà un test qui arrive tard. Toutes nos excuses, aimables lecteurs, mais il se trouve que notre copie a erré sur les mers, tel Ulysse cherchant désespérément à retrouver Ithaque et sa Pénélope. Cependant, l’avantage d’un test qui sort bien après la sortie du jeu, c’est qu’on peut ignorer toute la période de hype qui a suivi la sortie du titre afin de nous concentrer sur ce que vaut réellement cet Assassin’s Creed Odyssey, dernier-né de la licence phare d’Ubisoft.
Après nous avoir emmenés dans l’Egypte et ses mystères, avec un Assassin’s Creed Origins qui nous contait les début de la confrérie des assassins, Assassin’s Creed Odyssey nous fait voyager encore plus loin dans le temps, au début de la Guerre du Péloponnèse. Pas d’assassins et encore moins de templiers dans cet Assassin’s Creed cuvée 2018, ce qui a interloqué les fans de la série.
Si le précédent épisode s’éloignait de la formule classique de la série, Assassin’s Creed Odyssey semble quasiment trancher les liens qui le relient à ses ancêtres. Au point que certains fans se demandent même s’il s’agit bien d’un Assassin’s Creed.
Istoria tou polemou tis Peloponnesiou
Layla Hassan, après avoir enquêté sur Bayek (le héros de l’opus précédent), trouve une relique vitale : la lance du roi de Sparte Léonidas. Cette découverte, excitante, la propulse de nouveau dans l’Animus. Notre aventurière temporelle est en effet certaine que la relique lui permettra d’en savoir plus sur la Civilisation Isu, ceux qui étaient là avant nous. Elle se plonge alors dans le passé, dans la Grèce de l’époque classique, suivant l’odyssée d’un descendant du roi Léonidas à l’aube de la Guerre du Péloponnèse.
Le monde grec est déchiré par la guerre, et pas une seule île de la mer Égée n’est en sûreté. Comme si la guerre entre les deux puissances ne suffisait pas, vous découvrez bien vite l’existence d’une société secrète qui règne dans les ombres de la Grèce : le Culte de Kosmos, qui semble en vouloir à votre famille.
Scénaristiquement parlant, Assassin’s Creed Odyssey pourrait bien être l’épisode le plus abouti de la série. Les développeurs n’en ont pas fait une surprise : le titre laissera souvent le choix aux joueurs quant à la marche à suivre. Libre à vous de tisser l’aventure d’Alexios ou Kassandra comme bon vous semble. Allez-vous être un héros juste et généreux, ou un mercenaire brutal et avide de drachmes et de sang ? A ce niveau, le titre tient ses promesses et certains choix ont un réel impact sur le déroulé des événements. Les scénaristes en herbe se feront un plaisir de guider l’histoire au rythme de leurs choix.
Notez que les mauvaises actions seront sanctionnées. En effet, si vous commettez un crime, des misthios (mercenaires) comme vous seront dépêchés pour vous éliminer. Il faudra alors attendre que la prime disparaisse ou tuer le commanditaire afin que vos collègues vous lâchent les sandales. A moins que vous n’acceptiez les défis. Vous pourrez alors grimper les échelons parmi les misthios. Chaque fois que vous progresserez dans la hiérarchie, vous bénéficierez de bonus intéressants.
Le scénario a fait l’objet d’un soin particulier, mais c’est également le cas des quêtes annexes, qui évoqueront sans le moindre doute The Witcher 3. Certaines seront anecdotiques, d’autres témoignent d’une écriture très poussée. Tout, dans Assassin’s Creed Odyssey, est fait pour vous donner l’illusion d’être un réel acteur du monde qui vous entoure. Ainsi, chaque région est disputée par les factions athéniennes et spartiates.
Libre à vous d’aider la Cité qui vous plaît le plus, celle qui vous paiera le plus, ou encore de rester totalement neutre dans cette guerre. Vous pouvez même vous la jouer marchand de mort, déstabilisant une nation avant d’apporter votre aide au plus offrant lors de batailles rangées opposant bien une bonne centaine de guerriers, afin de vous remplir les poches.
O magissas tou Agaiou
Nous avons évoqué The Witcher 3, et ce n’est pas un hasard. Assassin’s Creed Odyssey lorgne énormément du côté des aventures de Geralt de Riv, s’éloignant encore plus de la recette traditionnelle de la série. A ce titre, le jeu assume la continuité de la direction prise par Assassin’s Creed Origins. On y retrouve l’aspect RPG, ainsi que l’utilisation d’un aigle pour faire du repérage. Mais l’aspect jeu de rôle est clairement plus étoffé, et ce, dès le début. Le premier choix que vous proposera le jeu sera d’ailleurs celui du héros.
Vous pourrez arpenter la Grèce dans les sandales d’Alexios ou de sa sœur Kassandra. Clairement, il s’agit du choix le moins important du jeu, le scénario, les dialogues et les PNJ rencontrés étant identiques. Seuls quelques répliques seront adaptées au sexe des personnages. Une fois votre protagoniste choisi, vous pourrez lui attribuer des compétences à chaque montée de niveau. Votre arbre de compétence se divise en trois branches : chasseur (pour les arcs), guerrier (pour le combat) et assassin (pour la furtivité). Vous pourrez ainsi adapter les compétences de votre héros à votre style de jeu. Pour revenir sur un point plus positif, la bande-son est très belle avec de très jolis morceaux (notamment une reprise du thème Ezio’s Family à tomber par terre), et des doublages français réussis, faisant appel à de grands noms (comme Adrien Antoine, Pascale Chemin, Audrey Sourdive, Vincent Ropion…).
Outre les compétences, vous pourrez aussi vous équiper à l’envi via un système hérité des RPG classiques. Vous pourrez en effet looter du stuff un peu partout, de puissance plus ou moins élevée. Certains équipements sont communs. D’autres, Légendaires, vous octroient bien plus d’avantages. Niveau armement, vous aurez de quoi faire. Épées, dagues, lances, massues ou haches pourront être équipées, selon vos préférences. Les armes ont bien entendu des qualités et des défauts. Certaines privilégiant la rapidité, d’autres, la puissance. Là encore, tout est question de personnalisation. A vous de voir quelle arme vous met le plus à l’aise.
Assassin’s Creed Odyssey vous propose d’évoluer dans un monde ouvert sacrément grand : en effet la Grèce et les Cyclades seront votre terrain de jeu. Vous pourrez arpenter les régions à cheval ou voguer sur les flots, à bord de l’Adrestia, votre navire. Les phases navales reprennent le modèle initié dans Assassin’s Creed 3 et sublimé dans l’épisode Black Flag. Le gameplay a cependant été repensé pour correspondre à l’époque. Exit donc les canons et les mines marines. C’est avec des volées de flèches et de lances que les navires s’affrontent. Et aussi à coup d’éperon. Lorsque vous ne serez pas en train de combattre, vous pourrez naviguer sur la mer Égée, remplie d’îlots et de surprises en tous genres. Notez que contrairement à Assassin’s Creed IV Black Flag, vous pouvez à tout moment plonger sous l’eau.
Les mers sont bien plus vivantes qu’elles ne l’étaient dans les Caraïbes. Souvent, des dauphins feront la course avec votre navire, parfois, un cachalot jaillira des flots. Les mers sont poissonneuses et il faudra être attentif aux requins qui pullulent dans les eaux. Petit détail sympa, à l’issue d’une bataille, vous pourrez les voir débarquer pour se repaître des victimes tombées à l’eau.
Kalos kai agathos
Assassin’s Creed Odyssey est beau. C’est véritablement un beau jeu. Non seulement par ses performances techniques plus qu »impressionnantes, le jeu proposant une distance d’affichage de tous les dieux du panthéon, des personnages joliment modélisés et des décors de toute beauté (il suffit de voir le rendu des vagues, lorsqu’on navigue), mais surtout par sa direction artistique. Le monde est coloré, les statues géantes de dieux, parsemées ici et là, donnent à l’univers des panoramas majestueux. Par ailleurs, le travail de reconstitution historique est absolument bluffant. Les amateurs de la période se régaleront, en effectuant la montée pour rejoindre le sanctuaires d’Apollon à Delphes, ou en suivant le chemin menant à l’Acropole qui surplombe Athènes. Le rendu des tissus, les statues colorées, les effets de lumière… où que se posent vos yeux, c’est l’émerveillement qui vous attend. Mais tout n’est pas parfait.
Nous avons joué au jeu sur PlayStation 4, et le titre nous aura tout de même offert une jolie farandole de bugs, plus ou moins gênants. Personnages dont seules les jambes apparaissent, ralentissements, freezes intempestifs le temps de charger la prochaine section à explorer et crashes auront terni notre voyage délectable sur les terres de Zeus. Notons enfin les temps de chargement interminables lorsqu’on lance la partie (et après chaque game-over). Dommage. On pourrait dire que c’est l’apanage du monde ouvert, mais Red Dead Redemption 2 semble bien mieux gérer ces problématiques.
Niveau gameplay, Alexios et Kassandra répondent bien à nos injonctions, et c’est un plaisir de faire de la grimpette un peu partout avec eux. On notera tout de même avec une pointe de regret que l’aspect parkour de cet Assassin’s Creed est moins fluide que celui du très controversé Assassin’s Creed Unity. Les fans se souviendront probablement de la souplesse qu’affichait Arno, quand il s’agissait de virevolter un peu partout en courant. On y perd beaucoup sur cet aspect, avec des mécaniques de parkour efficaces, mais sans plus. Les combats, dans la lignée d’Origins, nécessiteront une attention constante au timing des attaques ennemies, afin de placer des parades et des esquives au moment adéquat.
Il est possible d’équiper des compétences diverses (notre préférée restant le coup de pied spartiate, le Fus Ro dah de 2018) afin de briser la monotonie des combats, qui se résument souvent à spammer la touche attaque. Le problème survient lorsque les combats traînent en longueur, ils deviennent alors monotones quand vous devez affronter des sacs à PV.
Assassin’s Creed Odyssey propose des phases d’infiltration très réussies. Vous pouvez en effet faire du repérage à certains endroits avec l’aide de votre aigle Ikaros, qui marquera les cibles et les points d’intérêt. Ainsi, vous pourrez planifier votre mission. Les bases que vous infiltrerez auront plusieurs objectifs (brûler du ravitaillement, voler la caisse, tuer des haut-gradés…) et proposeront de bons moments de tension. Cependant, nous déplorons que les assassinats (au moyen de la lance brisée de Léonidas à défaut de lame secrète) soient aussi soumis au diktat du level.
C’est très frustrant, lorsqu’on arrive au niveau de notre cible endormie, après avoir infiltré son camp sans avoir été détecté, de se rendre compte que l’assassinat ne fonctionnera pas. A moins d’être à un ou deux niveaux de plus, ne vous attendez pas à réussir un assassinat satisfaisant sur un polémarque. C’est dommage, car on a alors l’impression de se voir refuser une récompense. D’autant qu’une fois le combat lancé, toute la base rappliquera (et pourra même appeler des renforts en brûlant des feux). C’est dans ces moments-là qu’on se rend compte que l’aspect assassinat passe à la trappe. Un peu particulier, pour un jeu estampillé Assassin’s Creed.
Assassin’s Creed Odyssey est un jeu passionnant. Il pose la question de la suite de la série, qui semble bien déterminée à passer de série d’action aventure à action-RPG, ce qu’elle fait avec brio. Les fans les plus anciens pourront regretter la saveur des précédents épisodes, mais pour notre part, et en dépit de certains défauts, c’est du tout bon.
Avec son monde vaste, son histoire dont vous vous sentez réellement le héros et le soin apporté à de nombreux détails, Assassin’s Creed Odyssey devrait vous occuper de nombreuses heures. Du temps que vous passerez à explorer les îles grecques en long, en large et en travers pour en dénicher les moindres secrets. Un épisode qui perd certes un peu de son identité Assassin’s Creed, mais en gagne une autre, tout aussi reluisante et riche de promesses. Ô muse conte-moi la légende de Kassandra et Alexios…