Quatre ans après Going Under, le petit studio Aggro Crab est de retour avec son second jeu, Another Crab’s Treasure. Le titre nous avait séduit lors de son trailer de présentation il y a quelques mois et nous avions hâte de mettre la main dessus. Il faut dire qu’avec son univers marin coloré, joyeux, et son protagoniste des plus attachants, la promesse s’annonçait intéressante et rafraichissante. Une chose est sûre, le buzz est déjà au rendez-vous. Avec près de 30 000 ventes le jour de la sortie et 100 000 la première semaine, le jeu est une totale réussite pour le studio.
Expressément présenté comme un énième souls-like, c’est malgré tout un peu craintif que nous avons entamé l’aventure. Le genre est tellement à la mode que l’overdose n’est jamais loin. Alors, Another Crab’s Treasure a-t-il les épaules pour se démarquer de la concurrence tout en conservant les marqueurs d’un genre peut être un peu trop présent actuellement ?
(Test d’Another Crab’s Treasure réalisé sur Nintendo Switch à partir d’une copie fournie par l’éditeur.)
À la découverte des fonds marrants
Another Crab’s Treasure nous plonge dans la peau du bernard-l’hermite Kril, heureux habitant d’une petite flaque d’eau en bord de mer. Heureux jusqu’au jour où, touché par un nouvel impôt instauré par la patronne locale, la duchesse de l’étale, notre héros se retrouve dépossédé de sa coquille. Une addition salée comme de l’eau de mer qui oblige Kril à partir à la découverte des fonds marins pour la retrouver et négocier avec la patronne des lieux.
Armé d’une simple fourchette, il va rapidement se rendre compte que la vie en surface était autrement plus tranquille, car un mystérieux mal ronge petit à petit les profondeurs. Un mal que nous autres humains connaissons bien et dont nous sommes les responsables : la pollution.
Dans le simpliste lore d’Another Crab’s Treasure, la pollution humaine est devenue la base de l’économie des fonds marins. Au sein de ce monde rempli de déchets, de bouteilles de verre ou de paquets de cigarettes, Kril découvre que les ordures qu’il va amasser au cours de son périple lui permettent de récupérer des microparticules, elles-mêmes nerf de la guerre d’un commerce sous-marin dominé par des personnalités locales pas forcément bien intentionnées.
Malheureusement, cette pollution est également à l’origine du mal profond qui se développe sous l’eau. Corrompant les âmes des habitants, elle les transforme en êtres agressifs, prêts à en découdre avec le moindre intrus. Eh oui, si tout le monde était gentil sous l’océan, comment pourrait-on parler de souls-like ?
Soul Océan
Aujourd’hui, quand on évoque ce genre de jeu, on s’imagine incarner un chevalier ou un mage dans un univers sombre et torturé où la difficulté et la mort sont des concepts centraux. Oubliez une grande partie de tout ça. Another Crab’s Treasure prouve en une vingtaine d’heures que les marqueurs du genre peuvent être respectés tout en proposant une aventure sortant des sentiers battus.
Soyons tout de même honnête, l’histoire de Kril nous a souvent semblé plus proche d’un hommage parodique très réussi plutôt que d’un vrai jeu au propos assumé. Et ça n’a rien de réducteur. Preuve en est l’une des plus grandes trouvailles du jeu, les coquilles que porte le héros en attendant de retrouver celle qu’on lui a injustement confisquée. Au nombre de soixante-neuf à collectionner, elles font office de bouclier et nous ont permis d’esquisser de nombreux sourires. Ainsi, Kril peut porter sur son dos une balle de tennis, un maki japonais entamé ou encore un verre à shot. Chacune est plus ou moins solide et permet de résister aux attaques des nombreux ennemis qui se présenteront sur sa route.
Le terrain de jeu de Kril, l’océan, est rempli de couleurs, de bonne humeur et d’humour, à l’image de notre héros ingénu et souvent drôle malgré lui. Les personnages secondaires ne sont pas en reste avec des dialogues vraiment réussis. Le jeu se montre toutefois un peu trop bavard par moments, notamment dans certaines zones du jeu où l’action disparait trop longtemps.
Pendant les premières heures de jeu, on s’est fréquemment pris à observer en détails les éléments du décor habilement disposés. Mention spéciale pour les déchets humains, qui malgré le thème sérieux qu’ils mettent en avant tout au long du titre n’en sont pas moins utilisés de manière humoristique. On a adoré le village entier construit en briques de lait ou le château dont les drapeaux sont faits avec des sachets de ketchup comme on en trouve dans certains fast-foods, pour ne citer qu’eux.
Malgré son ambiance visuelle et son ton bon enfant, le jeu tente malgré tout de conserver la dimension de combats et de difficulté qui fait le sel des souls, notamment sur sa première partie. Si les adeptes des jeux du genre trouveront rapidement leurs marques avec le célèbre combo parade/esquive/riposte, les crustacés débutants auront besoin de quelques heures pour parfaitement appréhender les déplacements de Kril, notamment sur Switch où nous avons en plus eu droit à quelques bugs pas très agréables en plein combat.
Le bestiaire est plutôt varié et attachant même si les patterns sont très proches les uns des autres et rendent l’aventure plus ennuyeuse au fil des heures. Quelques boss nous auront donné du fil à retordre mais de manière générale auront représenté une formalité sur le parcours de Kril, certains étant même totalement sortis de notre mémoire à l’heure où nous écrivons des lignes.
Nage à contre-courant
Surfant sur la vague des jeux du genre, Another Crab’s Treasure s’en démarque toutefois en proposant une aventure plus simple, moins torturée, moins énigmatique, et ça ne fait pas de mal. Ici, une seule arme et seules quelques évolutions possibles chez le forgeron du coin. Pour le reste, les habitués du genre ne seront pas perdus. Un peu de magie, des caractéristiques à faire évoluer en échange de microparticules, et un équivalent aux feux de camp permettant à la fois de se ressourcer, d’augmenter de niveau ou de se téléporter, moyennant une réapparition des ennemis, bien évidemment.
En parlant de téléportation, on aurait aimé avoir à moins utiliser ce mode de déplacement souvent synonyme de temps de chargement et de baisse de l’immersion, encore plus sur Switch. Malheureusement, le level design assez brouillon de certaines zones de jeu ajouté à une carte absolument inutile a fréquemment eu raison de notre volonté, nous amenant régulièrement à rusher certains passages au lieu de partir à l’exploration.
Au final, l’aventure Another Crab’s Treasure s’est avéré sans doute aussi frustrante qu’amusante. Le titre nous a tenu en haleine pendant une bonne partie de l’épopée de Kril, avant de nous perdre petit à petit, la faute à des défauts de gameplay et à un monde pas assez varié pour réussir à créer la tension nécessaire au maintien de notre attention. Ne nous étions-nous finalement pas créés trop d’attentes ?
Si Another Crab’s Treasure n’est définitivement pas un grand Souls-like, il n’est pas exempt de qualités et mérite qu’on se jette à l’eau, loin des comparaisons. Malgré les thèmes de société sérieux qu’elle aborde (pollution, capitalisme, ségrégation sociale…), l’aventure du bernard-l’hermite ne fait jamais dans le moralisateur, et c’est plus qu’appréciable. Le joueur comprendra de lui-même le message que souhaitent faire passer les développeurs, et le ton léger et humoristique du titre n’enlève rien à la force de ce message.
Tous les marqueurs du genre sont présents, mais en faisant le choix d’un univers coloré et d’un gameplay plus simpliste, Another Crab’s Treasure perd une bonne partie de ce qui fait le sel du genre: la tension et la peur de la mort. Pour certains, ce sera sans aucun doute une très bonne porte d’entrée vers un type de jeu encore marqué par une difficulté souvent trop importante pour une grande partie du public. Pour d’autres, habitués du genre, ce sera certainement une formalité qui sera rapidement oubliée.
On comprend aisément le petit buzz créé par le jeu à sa sortie, et ne pouvons que saluer l’univers développé par Aggro Crab, largement à l’origine du succès. Disponible pour moins de 30 euros sur Switch, PC et Playstation, et disponible sur le Xbox Game Pass, le jeu nous semble proposé au bon prix pour prendre part à l’aventure aquatique sans le regretter.