La peur est l’une des six émotions que nous partageons avec les autres animaux. La peur, ce n’est ni plus ni moins qu’un mécanisme de défense qui permet au corps de se défendre d’un (potentiel) danger. Ses conséquences sont multiples : sursauts, accélération du rythme cardiaque, gorge nouée, transpiration, stress, tremblements, etc.
La peur produit une hormone appelée adrénaline (aussi nommée épinéphrine #pointculture), qui aide à la libération de la dopamine, autrement nommée « hormone du bonheur », qui provoque une sensation de bien-être. Voila pourquoi tant de personnes sont friandes de sensations fortes et cherchent à se faire peur, peu importe la manière employée. Après la littérature et le cinéma, le jeu vidéo s’est fait une belle place en explorant les affres de l’horreur et en développant un genre tant apprécié que décrié, à savoir le survival-horror.
Une genèse horrifique
Quoi de mieux que l’arrivée imminente de Resident Evil: Village pour revenir aux origines du survival-horror ?
Il convient tout d’abord de définir le terme : il s’agit d’un sous-genre du jeu d’action-aventure, qui s’appuie sur les conventions des fictions d’horreur. Il se caractérise par une atmosphère oppressante, angoissante. L’action y est généralement mise au second plan afin de laisser place à cette ambiance et/ou à un scénario plutôt bien écrit (même si l’on s’accorde à dire que cela peut relever d’un avis personnel). Le personnage doit souvent faire face à des menaces qu’il ne peut pratiquement pas combattre au corps à corps, ce qui suppose une mécanique de jeu spécifique, à savoir la résolution d’énigmes ou la fuite, par exemple. Il convient aussi de mentionner la gestion des ressources et des munitions, qui accentue la sensation de vulnérabilité, et le sentiment de solitude omniprésent, car ce type de jeux ne présente que très peu de personnages.
Le terme survival-horror est utilisé pour la première fois en 1996, lors de la sortie de Resident Evil, le célèbre titre des studios Capcom. Si ce dernier démocratise le genre, il faut remonter quelques années en arrière et présenter ses précurseurs.
Bien qu’il puisse être difficile aujourd’hui d’imaginer qu’un sentiment d’angoisse puisse naître d’un jeu pixélisé, c’est pourtant des divertissements comme Nostromo ou Haunted House qui posent les bases et dans lesquels on retrouve les premiers codes des jeux horrifiques.
Haunted House sort en 1982 sur Atari 2600. On y incarne une paire d’yeux qui doit explorer une maison hantée dans le but de retrouver trois morceaux d’une urne, en prenant soin d’éviter toutes sortes de monstres et de trouver de quoi nous défendre.
Nous pouvons également citer Zombi, sorti sur Amiga en 1986 : il s’agit du tout premier jeu des studios Ubisoft, qui reprend la trame scénaristique du film éponyme de George Romero. Ici, nous devons combattre des morts-vivants, qui deviendront des figures de référence du genre survival-horror, le tout en un temps limité, en vue subjective, en incarnant jusqu’à quatre personnages (avec le principe un personnage = une vie) dont il faut surveiller la faim, la soif, et la fatigue.
L’horreur envahit nos consoles
Le jeu horrifique s’installe, et d’autres divertissements du genre voient le jour : War of the Dead dans lequel notre préoccupation principale est la recherche de munitions, ou Sweet Home qui nous tient prisonnier d’un manoir hanté et dont nous devons nous échapper. Le gameplay de ce dernier est centré sur la survie de nos cinq personnages et le joueur doit jongler entre les affrontements, la gestion des ressources et les énigmes. En effet, seules les notes et documents que nous trouvons permettent de dérouler le scénario. Sans oublier le méconnu Project Firestart des studios EA dont l’histoire s’inspire du formidable film Alien et qui pourrait donner l’impression de jouer à un « demake » de Dead Space.
Ni plus ni moins, on emprunte les codes du RPG et on y ajoute une ambiance effrayante afin que le joueur ressente de l’angoisse et de la peur. Et n’oubliez pas, une fois de plus, de recontextualiser tout cela. Si ces jeux semblent être risibles aujourd’hui, il s’agissait de véritables révolutions du jeu vidéo qui montraient qu’il était possible de se calquer sur la littérature et le cinéma pour faire trembler les joueurs.
Et ainsi naquit le survival-horror
C’est un Français, Frédérick Raynal des studios Infogrames, qui, en 1992, nous amène sur un plateau le jeu qui est considéré comme le père des survival-horror, nous avons nommé Alone in the Dark. Retour dans les années 90, avec tout ce que cela implique au niveau du JV et apprécions le scénario.
Nous voici en 1924 et le peintre Jérémy Hartwood, propriétaire du manoir de Derceto, située en Louisiane, est retrouvé mort, pendu dans le grenier. Tout laisse croire qu’il s’agit d’un suicide. Le fidèle majordome de l’artiste déclare que ce dernier semblait tourmenté depuis quelques mois, et malgré une santé précaire, s’épuisait à lire et traduire d’anciens manuscrits de la bibliothèque de Derceto.
Des rumeurs circulent, parlant de malédiction et de forces démoniaques mais le personnage que nous contrôlons est plutôt sceptique vis-à-vis de ces qu’en-dira-t-on, d’autant que les habitants de Derceto sont plutôt superstitieux. D’ailleurs, nous aurons le choix entre deux personnages : Edward Carnby, détective privé, qui est contacté par Gloria Allen, une antiquaire, qui le charge de retrouver un vieux piano dans le manoir, et Emily Hartwood, nièce de l’ancien propriétaire, qui souhaite simplement savoir ce qui est arrivé.
Notre personnage investit les lieux à la nuit tombée, et une fois à l’intérieur de la demeure, se retrouve prisonnier. Le but à présent est évidemment de s’enfuir. La chose ne sera pas aisée puisque le manoir s’avère être l’antre de créatures toutes plus effrayantes les unes que les autres.
Le combat joue un rôle secondaire, car la quantité d’armes et de munitions est limitée et pour vaincre nos ennemis, il faut principalement miser sur la résolution d’énigmes et la fuite. Nous explorons le manoir dans des plans fixes, ce qui intensifie la peur puisqu’on ne peut pas appréhender ce qu’il se passe au-delà de ce plan (technique dite du hors-champ). Une musique adéquate accompagne notre progression, ou au contraire se tait, laissant place à des bruits stressants.
La voilà, la recette du survival-horror !
- Le lieu lugubre
- Les monstres
- Les armes et munitions limitées
- La résolution d’énigmes
- La fuite
- L’ambiance glauque et angoissante
- La solitude
Alone in the Dark nous plonge dans un sentiment d’insécurité constant, l’angoisse et la peur ne nous quittent pour ainsi dire jamais. Il suffirait presque de simplement regarder la jaquette ci-dessus pour avoir une idée de ce qui nous attend. Et si le côté lugubre de cette illustration vous semble familier, ce n’est pas un hasard, puisqu’elle est directement inspirée de l’univers de Howard Phillips Lovecraft.
Même si nous ne sommes pas d’accord avec certaines de ses idées et ses penchants politiques, nous ne pouvons passer à côté de Lovecraft lorsque nous abordons le survival-horror. Tout simplement parce que ses œuvres fantastiques et horrifiques ont grandement influencé les codes du genre et continuent d’ailleurs de le faire.
Les développeurs du jeu ont su piocher dans l’univers et le « cosmicisme » de Lovecraft, et proposer un nouveau style de média. C’est ainsi que naît le survival-horror, même si le terme n’existe pas encore. Une révolution pour l’époque, qui a séduit les joueurs puisque Alone in the Dark se serait écoulé à plus de 400 000 exemplaires dans le monde. Son influence sera telle qu’elle inspirera grandement Shinji Mikami pour la création de Resident Evil !
Un coup de maître pour la genèse, puisqu’alors commence l’histoire du survival-horror qui n’a pas fini de faire parler de lui !