Qui a dit que le jeu vidéo et la littérature ne peuvent pas se côtoyer ? Avec la montée en puissance de l’univers vidéoludique au sein du divertissement, certaines personnes ont tendance à penser que ces univers ne se retrouvent que derrière un écran. LightninGamer s’est donc lancé le défi de vous présenter chaque mois une série de livres ayant inspiré un jeu ou étant inspirée de l’un d’eux. Aujourd’hui, dans cet article pilote, nous vous proposons de découvrir une série de romans ayant donné une des plus grandes licences de l’action-RPG, The Witcher. Auteur, histoire, inspiration et influence sur le jeu vidéo ? C’est ce que nous vous proposons de découvrir dans cette rubrique sur Sorceleur, d’Andrzej Sapkowski.
La saga du Sorceleur – Une grande série de romans pour une grande série de jeux vidéo
Andrzej Sapkowski, un auteur à l’origine d’histoires dépaysantes.
Comment commencer la découverte de notre série sans présenter l’auteur de la saga du Sorceleur ? Andrzej Sapkowski est un auteur polonais né en 1948. Ses premiers faits d’armes en tant qu’auteur débutent à l’âge de 38 ans (1986), lorsqu’il publie sa première nouvelle dans le magazine polonais Fantastyka pour un concours. Nommée « Le Sorceleur », elle séduit le jury qui va lui attribuer la troisième place, et signe le début d’une grande aventure pour l’auteur. À ce jour, c’est tout de même neuf ouvrages qui composent cette saga à succès. En Pologne, Andrzej Sapkowski fait même plus de ventes que Stephen King (que l’on ne présente plus) et Michael Crichton (à qui l’on doit le divin Jurassic Park). Il a d’ailleurs reçu le titre World Fantasy en 2016 pour son best-seller.
Concernant les livres, les œuvres sur le Sorceleur peuvent être divisées en deux catégories : les recueils de nouvelles d’un côté et les romans de la saga du Sorceleur d’un autre. Dans le but de vous faire découvrir ces ouvrages sans pour autant vous gâcher le plaisir de la lecture, nous ne ferons qu’un résumé succinct de chacune des histoires.
- Recueils de nouvelles
- Le Dernier Vœu – Sorti en 2003 en France, c’est le tout premier ouvrage paru. C’est avec lui que nous vous conseillons de commencer la série (et non avec le premier tome des romans). Composé d’histoires sur la vie de Geralt de Riv (notre héros) n’ayant aucun rapport les unes avec les autres, il vous permettra de poser les bases de cet univers. Pour les connaisseurs des The Witcher, vous pourrez par exemple ainsi vous délecter de la rencontre entre Geralt et Yennefer.
- L’Épée de la Providence – Initialement paru en 2008 en France, L’Épée de la Providence est construit sous le même schéma que Le Dernier Vœu. Si le lien avec le premier recueil est infime, il reprend malgré tout certains moments de ce dernier. Chaque chapitre est ici le début d’une nouvelle aventure pour notre sorceleur. C’est par exemple l’occasion d’apprendre comment Geralt rencontre la jeune Ciri, un personnage central pour la suite des histoires de Sapkowski. Les deux dernières nouvelles constituent une sorte d’introduction à l’histoire se déroulant dans les romans.
- Quelque chose s’achève, quelque chose commence – Ce dernier recueil est un cas particulier et pour une raison simple, la majorité des nouvelles présentes ne sont pas canon. Bien que passionnantes, elles ne font pas partie du lore de la saga du Sorceleur. Nous conseillons donc ce dernier aux curieux et/ou aux fans de la série. Malgré tout, certaines nouvelles sont très agréables à lire, comme celle sur les parents de Geralt (qui fait partie des rares histoires canon) ou encore le mariage de Yennefer et Geralt (hors-canon).
- Romans
Nous vous déconseillons tout simplement de lire les romans sans avoir lu les recueils de nouvelles. Il devient assez complexe de parler des livres sans révéler certains éléments des tomes précédents ; si vous souhaitez lire cette série et que vous ne voulez pas vous faire spoiler, nous vous invitons donc à passer cette partie de la rubrique.
- Le Sang des Elfes – Premier tome de la saga du Sorceleur (ou le troisième si l’on prend en compte les recueils de nouvelles canon) sorti en 2008, Le Sang des Elfes nous raconte les aventures de Geralt et de Ciri après que notre sorceleur a ramené sa petite protégée à Kaer Morhen, l’antre des sorceleurs. Très vite, Ciri développe des pouvoirs qui dépassent de loin ceux du loup blanc. Geralt va donc devoir demander de l’aide aux magiciens de son entourage pour contrôler la puissance de la fillette, tout en la protégeant contre ceux qui désirent s’en emparer.
- Le Temps du mépris – Sorti en 2009 en France, Le Temps du mépris est un tome plein de rebondissements qui donne un tout autre sens à la série. Après moult péripéties (que nous ne dévoilerons pas pour laisser un peu de mystère), Geralt, Yennefer et Ciri se trouvent plongés en plein dans un conflit de royaumes. Si la guerre entre deux grands royaumes est déjà un problème, la situation se complique encore plus lorsque l’on découvre que l’empereur porte un certain intérêt à Ciri. Combats, régicides et complots seront légion dans ce tome.
- Le Baptême du Feu – Paru en janvier 2010, Le Baptême du Feu fait directement suite aux événements du second tome. Suite à l’enlèvement de Ciri, notre sorceleur se décide à la sauver avant qu’elle soit forcée d’épouser l’empereur. Accompagné par Jaskier, il va devoir survivre dans un royaume déchiré par la guerre. L’ambiance et la tension de ce tome sont tout simplement parfaites, on ressent toute la complexité dans la situation de Ciri au travers des pages.
- La tour de l’Hirondelle – Paru en octobre 2010, La tour de l’Hirondelle est l’avant-dernier tome de la saga du Sorceleur. Avec celui-ci, l’intrigue commence déjà à prendre une conclusion. Geralt de Riv est toujours à la poursuite de Ciri avec ses compagnons, afin de s’assurer que cette dernière n’épouse pas l’empereur. De son côté, Yennefer se lance aussi dans le sauvetage de Ciri, qu’elle considère comme sa fille. La destinée de la jeune demoiselle prend peu à peu forme malgré les actions de Geralt.
- La Dame du Lac – Dernier tome de la saga du Sorceleur, La Dame du Lac est sortie en 2011 et conclut parfaitement cette saga. Après les événements de La tour de l’Hirondelle, nos héros ont décidé de prendre des chemins différents. Ciri se retrouve prisonnière d’un monde parallèle alors que le sorceleur est lui-même prisonnier d’une magicienne. Seule solution, Ciri doit réussir à s’évader afin de porter secours à son mentor et père.
- La saison des orages – Même si ce dernier ne fait pas partie de la saga du Sorceleur, nous devons malgré tout mentionner l’existence de La saison des orages. Sorti en 2013, ce tome prend place entre les différentes histoires du premier recueil. Dans ce livre, Geralt est engagé afin de retrouver une épée volée. Mais la recherche du voleur va se montrer plus compliquée que prévu. Le sorceleur va donc devoir faire appel à ses compagnons afin de réussir sa quête. En toute sincérité, ce dernier tome est très loin d’être le meilleur de la série selon votre rédacteur.
Une adaptation en jeu vidéo aussi efficace que conflictuelle.
Maintenant que nous avons résumé la totalité des œuvres de la saga du Sorceleur, il est temps de voir son lien avec le jeu vidéo. Tous ceux qui ont déjà eu un jeu de la série The Witcher le savent, ces jeux sont une réussite et chaque nouvelle sortie crée un tumulte chez les fans d’action-RPG. Pour donner un ordre d’idées, en 2010 The Witcher a été intégré à l’ouvrage de référence sur le jeu vidéo de Tony Mott, 1001 Video Games You Must Play Before You Die (Les 1001 jeux vidéo auxquels il faut avoir joué dans sa vie).
Le premier jeu, produit par CD Projekt, est sorti en 2007 et est une histoire totalement inventée par le studio avec l’accord d’Andrzej Sapkowski. Le jeu prend donc place après les événements parus dans les livres, mais cela ne l’empêche pas d’y faire référence. L’exemple le plus couramment cité reste la scène d’introduction du premier The Witcher, qui reprend quasi à la ligne l’affrontement entre Geralt et une strige dans la nouvelle Le Sorceleur. Le cofondateur s’est lui-même exprimé sur cette volonté de rester fidèle à l’œuvre :
« Nous sommes obsédés par l’idée de rester fidèles à l’œuvre du maître parce qu’avec les jeux, nous attirons les fans du livre et ils s’attendent vraiment à ce que les personnages du jeu soient tels que l’auteur les a décrits. »
Si le studio prend des libertés au niveau du scénario puisqu’il ne suit quasiment pas la trame des œuvres, les jeux respectent malgré tout méticuleusement les divers détails de l’univers. Que ce soient les monstres, les lieux ou les personnages, tout cela reste très fidèle aux livres. Même le style de combat très dansant du jeu est très proche des écrits de l’auteur. Que ce soient The Witcher 2: Assassins of Kings ou The Witcher 3: Wild Hunt, le schéma reste le même, les jeux sont remplis de référence tout en conservant leur liberté scénaristique. Un dernier exemple pour la route, la chasse sauvage qui poursuit Ciri dans le troisième opus se rapproche énormément de ce qu’on peut lire dans les livres.
Mais alors tout va bien dans le meilleur des mondes ! Les ouvrages comme les jeux sont des succès, les aventures du sorceleur s’élèvent aux côtés des plus grandes histoires et l’auteur doit être aux anges. Hé bien malheureusement non, la réalité est tout autre et Andrzej Sapkowski ne semble pas porter les adaptations vidéoludiques dans son cœur. Si l’auteur admet lui-même que ce sont de bons jeux (même si d’après certaines interviews, il n’y a pas joué et n’a pas l’intention de le faire), ils restent selon lui un support moins bon que ses livres.
« Quelle substance peut-il y avoir dans des lignes de texte lorsque le héros gambade dans la forêt en parlant à un écureuil ? (…) Il n’y a pas de place pour la profondeur ou le langage soutenu, alors que c’est ce qui permettrait à ces jeux de s’élever culturellement. »
L’auteur souhaite avant tout défendre ses œuvres, ce qui est tout à fait normal, en exprimant le fait que le succès provient bien d’elles et non des jeux. Selon lui, les jeux n’ont pas permis aux livres d’être populaires (avis qui n’est pas partagé par tout le monde) mais bien l’inverse. Malheureusement, il est vrai qu’aujourd’hui le sorceleur est davantage associé aux jeux qu’aux livres. Il faut préciser qu’Andrzej ne touche aucun pourcentage sur les jeux, la faute à une mauvaise décision lors des accords :
« J’ai été suffisamment stupide pour leur vendre les droits intégralement. Ils voulaient me proposer un pourcentage sur les bénéfices. J’ai dit : « Non, il n’y en aura pas du tout, donnez-moi tout l’argent maintenant ! La totalité ». J’ai été stupide. J’ai été assez stupide pour tout laisser entre leurs mains parce que je ne croyais pas en leur succès. Mais qui pouvait le deviner ? Pas moi. » – Andrzej Sapkowski
Un mauvais choix stratégique de la part de l’auteur qui explique ses propos assez durs sur la série de jeux ? Nous vous laissons vous faire votre propre avis sur la question. Mais ne noircissons pas trop le tableau non plus, l’auteur ne désavoue pas totalement les jeux, seules l’histoire et la trop grande ouverture du monde sont pointés. Le fond du problème vient, selon votre rédacteur, du fait que les jeux font de l’ombre aux ouvrages, malgré leur indéniable qualité.
L’avis de la rédaction sur la saga du Sorceleur
Il est évident que cette partie ne représente que mon avis, il est donc possible qu’un autre lecteur soit en désaccord avec les propos qui suivent. Je pense que vous l’aurez déjà compris en lisant cet article, la saga du Sorceleur remporte un franc succès pour ma part. L’écriture de l’auteur est un véritable plaisir à lire, le style adopté par Andrzej est assez fin sans être redondant. Résultat, les pages se dévorent très facilement la plupart du temps (du moins pour les nouvelles). La plume de l’auteur est sans conteste un atout majeur de cette série ainsi que l’imagination débordante employée afin de proposer des intrigues surprenantes à chaque fois. On regrette malgré tout que certains tomes soient moins agréables à lire que d’autres, surtout vers la fin.
Autre point agréable, l’auteur accorde une part importante de ses textes à la description. Les environnements et les personnages sont très détaillés, ce qui permet au lecteur de se créer une image de l’histoire au plus près de la vision de l’auteur. Pareil pour les actions, les descriptions des combats sont poussées et l’on ressent sans mal le talent de Geralt avec une épée. Les créatures ont aussi droit à une analyse soignée, inspirée de divers folklores et légendes modifiés au gré de l’auteur.
Concernant l’histoire, les nouvelles sont intéressantes et leur format court permet au lecteur de se laisser absorber par les événements. C’est exactement le contraire des romans, dans lesquels on retrouve plus d’informations et de moments secondaires. Les deux formats sont agréables à lire mais les romans souffrent parfois de quelques longueurs. Notre conseil, persévérez car le scénario global vaut totalement le coup. Enfin, si vous aimez les jeux The Witcher, vous n’aurez aucun mal à retrouver l’ambiance du jeu (et encore plus si vous combinez votre lecture avec l’OST de The Witcher 3).
Conclusion – La saga du Sorceleur
En fin de compte, la série des livres dédiés au sorceleur est tout simplement une réussite : que ce soit au niveau de son écriture ou de son histoire, tout a été réalisé avec minutie. On comprend donc sans mal comment l’univers des jeux The Witcher peut être aussi étoffé au vu des livres qui l’inspirent. Andrzej Sapkowski a su créer un monde complexe, rempli d’aventure et d’intrigues, qui passionne les lecteurs. La saga du Sorceleur est donc un must pour tout les fans de fantasy. Le succès est tel que l’histoire de Geralt devrait bientôt avoir son adaptation en série, en espérant que cette dernière soit à la hauteur des livres et des jeux.
Et voici qui conclut cette première rubrique littéraire, n’hésitez surtout pas à nous faire part de votre avis ou d’idées de séries à traiter dans les commentaires !