L’information ne pouvait pas tomber plus à point : alors que Microsoft voit la proposition d’acquisition d’Activision-Blizzard être rejetée par les instances britanniques à cause d’un monopole potentiel sur le cloud gaming, l’entreprise vient d’annoncer un partenariat avec Nware. À travers ce partenariat, l’entreprise de cloud gaming européenne s’assure un accès aux titres de Microsoft et, dans le cas où Microsoft aurait gain de cause face à la CMA (la Competition and Markets Authority du Royaume-Uni), aux titres d’Activision-Blizzard pour une dizaine d’années.
Ce partenariat rejoint la liste de nombreuses promesses faites par l’entreprise, qui s’est déjà portée garante de l’accessibilité des titres d’Activision-Blizzard sur divers supports. Dans le domaine du streaming, il est notamment question de Nvidia, mais plus largement, c’est même sur la Switch et les plateformes de Sony que Microsoft s’engage à rendre disponibles les titres qui seraient récupérés dans le cas où l’acquisition serait approuvée.
Si la majorité des commentateurs gardent les yeux rivés sur le Royaume-Uni suite à la décision du CMA, ce partenariat vise probablement plus à attirer le regard des régulateurs européens. En effet, c’est le 22 mai que l’Union Européenne devra se prononcer. Ce ne serait pas la première fois que Microsoft fait usage de cette tactique non plus : en février, c’était quelques heures avant de s’entretenir avec des régulateurs qu’il avait été annoncé que Microsoft s’engageait à porter Call of Duty sur la Nintendo Switch pour une dizaine d’années. Puis, dans la même veine, c’était juste après une rencontre avec les régulateurs européens qu’avait été annoncé le contrat avec NVIDIA, lui aussi pour une durée de dix ans.
Selon Reuters, ces deux seuls partenariats auraient suffi à retourner l’opinion de l’Union Européenne, pourtant frileuse face à cette acquisition à l’origine. Alors, si nous ne sommes pas dans l’esprit des régulateurs de l’Union Européenne, reste qu’on peut se remémorer ce que l’Union Européenne avait à reprocher au deal. C’était au travers d’une lettre, un Statement of Objection, que les régulateurs avaient mentionné leurs griefs quant à la licence Call of Duty, qui semble être au cœur des inquiétudes des Européens.
Il paraît alors clair que l’offre de Microsoft puisse rassurer sur ce côté-là – quand bien même l’acquisition de Bethesda par le passé, accordée suite aux mêmes promesses qui n’ont pas forcément été tenues, laisse certains observateurs peu convaincus. Cependant, il est peu probable que la CMA revienne sur sa décision sans y être forcée : ses déclarations sur le cloud gaming ne viennent pas de nulle part. Déjà en février dernier, les régulateurs du Royaume-Uni s’étaient inquiétés d’un déséquilibre potentiel dans le cas de l’acquisition d’ActiBlizz par le géant américain :
« La CMA est inquiète, car avoir un contrôle total sur un tel catalogue, surtout en tenant compte de la place forte que Microsoft occupe déjà dans le domaine des consoles de jeux, des systèmes d’exploitation, et des infrastructures cloud, pourrait mener Microsoft à porter préjudice aux consommateurs en affaiblissant la capacité de Sony – le rival le plus proche de Microsoft dans le jeu vidéo – à s’investir dans la compétition, tout comme ce serait le cas pour d’autres rivaux ou de nouveaux arrivants, qui pourraient dans d’autres circonstances apporter une compétition saine avec des systèmes d’abonnements avec différents jeux ainsi que des services de jeux en cloud. »
De fait, la CMA estime que Microsoft aurait déjà la mainmise sur quelques 60% du marché du cloud gaming en général. Elle estime également que Xbox, Windows, ainsi que le service de cloud gaming Azure sont des circonstances aggravantes dans le contrôle de ce marché.
Dans ce cadre, le partenariat avec Nware ne joue pas forcément en la faveur de Microsoft, d’autant que la CMA, s’étant penchée sur les contrats déjà signés avec d’autres services de cloud gaming comme Nvidia, a pu révéler certains des termes des contrats offerts par Microsoft, qui ne mettent pas l’offre de l’entreprise dans les bonnes grâces des régulateurs. Dans son rapport, ils relatent des informations données par une entreprise tierce concernée :
« La version modifiée du Microsoft Cloud Remedy donnerait le droit à Microsoft de recevoir l’intégralité des revenus des ventes des jeux d’Activision, des microtransactions, et de toute autre transaction liée à des jeux – c’est pourquoi les services de cloud gaming ne seraient pas des rivaux au Game Pass Ultimate de Microsoft, mais des clients de Microsoft. Ce ne serait pas intéressant pour tous les services de cloud gaming, y compris les opérateurs de BYOG [Bring Your Own Game, un système spécifique de cloud gaming] comme Nvidia, qui sont les seuls opérateurs qui profiteraient de la version modifiée du Microsoft Cloud Remedy si Microsoft choisissait de ne pas autoriser les titres d’Activision. »
Au contraire, Brad Smith, vice-président de Microsoft, mentionne que le partenariat avec Nware sera un moyen de « rendre plus de titres populaires disponibles sur plus de services de cloud gaming ». Microsoft présente donc ces partenariats avec des services de cloud gaming comme un moyen de démocratiser des titres qui ne seraient pas forcément disponibles à tous autrement.
Dans cette situation, compliqué de trancher quant aux retombées de ce partenariat sur les discussions autour de l’acquisition d’Activision-Blizzard : si certains, comme NVIDIA, ont publiquement montré leur soutien, il semblerait que d’autres acteurs de l’industrie concernés soient moins satisfaits. Reste à voir si, suite à l’appel de Microsoft aux tribunaux commerciaux, le cloud gaming sera réellement le talon d’Achille de l’acquisition ou si nous serons face à un énième retournement de situation.
Microsoft et Sony jouent leurs dernières cartes dans la bataille pour Activision Blizzard
n1co_m
Activision-Blizzard – Microsoft mis en garde par l’Union Européenne
DracoSH
Stadia est mort ! Longue vie au cloud gaming !
M⅃K