Vivre au Japon, c’est une expérience extrêmement enrichissante. Si c’est le cas pour le simple fait de vivre à l’étranger, le Japon a ça de plus qu’on peut facilement rapprocher sa culture de la nôtre. Bien entendu, c’est loin d’être la seule raison de visiter ou de s’installer dans ce pays fantastique : les jolies femmes, ses temples sublimes, les jardins zen, ses jolies allées qu’enjolivent des centaines de cerisiers en fleurs, Tokyo (ville à la croisée du passé et du futur), Osaka (son centre historique), sa gastronomie, les mangas, et puis ses femmes, quoi ! Bref, cette liste pourrait être allongée infiniment tant le Japon nous fait fantasmer. Rien de plus normal.
En ce qui nous concerne plus spécifiquement, le jeu vidéo vient forcément en tête de liste des raisons qui nous pousseraient à visiter ce pays. Sony, Nintendo, Akihabara, Capcom… autant de noms qui pèsent dans notre imaginaire de gamers gavés aux live-stream, à PewDiePie et à l’animation japonaise bon marché. Seulement, force est de réaliser que la réalité est toute autre. Ici, je vais partager avec vous la raison qui me pousse à soupirer chaque fois qu’on me dit « La chance ! Tu vis au Japon ! » ; enfin, sur l’axe du jeu vidéo, bien entendu.
Si chez nous le jeu vidéo, malgré un début de reconnaissance des médias grand public, reste une occupation qu’il est difficile de partager sur un CV, on a l’impression que les choses au Japon sont différentes. C’est le cas. Cependant, il nous faut vous signaler un point de prime abord : on a forcément l’impression depuis chez nous que l’archipel est le cœur même du gaming, une sorte de Mecque du jeu vidéo. Et ça, c’est loin d’être le cas.
Alors attention, nous ne disons pas que ça ne l’a jamais été. Mais si votre vision de ce média ne se limite qu’à des groupes d’ado boutonneux (on l’a tous été, c’est pas un jugement) qui gloussent en jouant à FIFA dans un train (un peu comme votre cercle de potes qui se réunissait au lycée ou à la fac pour confronter leurs decks Magic the Gathering) ou des quadra/quinqua bedonnants tirant leurs gacha dans des jeux où de jeunes demoiselles affrontent des orcs, équipées d’armures ne protégeant que les tétons et l’entre-jambes spécifiquement, vous êtes plus proches de la réalité que je ne l’ai jamais été. En même temps, même si Candy Crush a bouleversé la vie de nos darons•nes, pour nous, le gaming mobile n’est pas l’idée qu’on se fait du jeu vidéo à proprement parler…
Alors, le jeu vidéo tel qu’on le perçoit en Occident, est-ce que ça existe toujours ? Oui, rassurez-vous, il existe toujours et il va bien. Et heureusement, parce qu’on rappelle qu’il y a quelques années, les studios japonais affrontaient une crise sans pareille, puisque les ventes étaient en berne. Depuis 2015, et en particulier grâce à 2017, une année particulière avec d’excellents jeux nippons, le marché se porte nettement mieux. Si c’était le cas chez nous déjà grâce à des titres comme Yakuza, Nioh, Persona 5, etc., c’était aussi le cas sur l’archipel qui a pris un regain de popularité que la Switch continue de porter, les ruptures de stocks s’enchaînant les unes après les autres.
Ceci dit, et c’est le point numéro 1, si vous êtes fan de jeux en boîte, vous ne serez pas toujours servi. Effectivement, le Japon pratique au sens réel « 1er arrivé, 1er servi ». Remettez ceci en perspective en pensant à ces millions de photos de files d’attente à chaque sortie de consoles/jeux très attendus… C’est pas pour rien, tout le monde veut sa part ! Si bien qu’il ne sera pas rare de voir les ruptures arriver et de retrouver sur des sites d’enchère, des marchants peu scrupuleux empiler les biens et les revendant aux plus offrants.
Là encore, rassurez-vous, ce n’est pas le cas que pour le gaming, puisque c’est une spécialité asiatique qui consiste à faire le plein des premières nécessités pour les revendre dix fois leur prix (lors de l’apparition du coronavirus, on pouvait retrouver ces magouilles appliquées aux masques en papier, si bien que l’état a dû intervenir et promettre de la prison à ces revendeurs peu scrupuleux). Bref, de là à observer le succès du jeu en dématérialisé ici, il n’y a qu’un pas.
Bien entendu, ce n’est pas le seul facteur gênant quand on est un joueur occidental au Japon, et loin de là. Si la barrière de la langue est forcément un frein (ce qui m’a déjà poussé à rédiger un dossier vous signalant les jeux que vous pouvez importer depuis le pays du Soleil-Levant et compréhensibles par un public occidental), ce n’est pas l’élément le plus handicapant. Effectivement, c’est simplement le gaming occidental lui-même. Les japonais aiment manger japonais, regarder des films japonais, écouter de la pop asiatique… Vous suivez ? Très bien, maintenant, imaginez que vous souhaitez vous offrir le prochain Gears of War. Là, ça devient plus délicat.
Alors, une fois encore, j’exagère à peine (c’est un peu le but de cette chronique d’ailleurs), mais comprenez que j’en ai moi-même fait les frais. S’il n’est pas impossible de mettre les mains sur des titres comme God of War, Sony supportant Santa Monica Studios, ou même Mario VS The Lapins Cretins: Kingdom Battle (un jeu Ubisoft), les jeux un peu plus obscurs pour un public japonais ne sortiront tout simplement pas en version boîte. Vous pouvez toujours essayer de les chercher sur un site comme Amazon hein, mais vu la difficulté pour obtenir une carte bancaire, c’est une toute autre histoire que nous ne détaillerons pas ici… Enfin, vous pouvez toujours vous rabattre sur un jeu de romance !
Heureusement, après tout, au Japon, le gaming ne se limite pas qu’à la maison, et les salles d’arcade existent toujours. Vous pouvez ainsi aller noyer votre chagrin (ce que je fais chaque fois que ma voiture me manque) dans ces salles de débauche mercantile, et il faut reconnaître que c’est plutôt grisant. Que vous soyez seul ou entre amis, c’est toujours un plaisir de s’affronter sur des bornes, d’essayer les versions arcade de titres qu’on connaît ou de regarder des parties géantes de jeux de stratégie, de football, ou regarder des gens se faire plumer sur les UFO Catcher (parce qu’ils en lâchent du fric là-dedans… Genre vraiment beaucoup).
Le concept même du jeu vidéo fait spectacle ! Les demoiselles peuvent sortir entre amies pour se faire prendre en photo dans des purikura, sorte de cabines photomaton géantes. Et bizarrement, vous savez qui est le leader de ce marché ? Un studio qui a beaucoup moins la cote ces dernières années : SEGA. S’ils le doivent notamment à leur UFO Catcher (et oui, c’est eux), ce n’est pas leur seul titre à disposition, loin de là ! Non, sérieusement, ils ont même des bornes Mario et Sonic aux Jeux Olympiques de Tokyo 2020 (ironique quand on considère l’actualité !).
Impossible de parler des salles d’arcade sans parler de Taiko no Tatsujin, parce que les salles d’arcade japonaises possèdent bien plus que des jeux stick/boutons. Les grands gagnants de ces lieux sont ces jeux de rythme qui constituent à eux seuls des tours de force. S’il y a bien sûr l’exemple que nous venons de citer, il n’en est qu’un parmi tant d’autres ! Theatrical Final Fantasy, BeMaNi ou mieux encore Mai Mai (si vous ne savez pas ce que c’est, regardez la vidéo plus bas dans l’article… Attention si vous êtes épileptique…).
Seulement, si vous cherchez encore plus loin (ou plus près de l’entrée en vrai), vous allez peut-être y voir d’autres sortes de stands. Là, on va attaquer un sujet qui fera frémir les fans de Dragon Ball, de Pokémon et de Dragon Quest ! Les bornes qu’on évoque à présent reposent sur le principe des cartes à collectionner, en gros, concept de génie : comme pour une partie classique vous devez payer environ 1€ (70 centimes en vrai puisque c’est le réel coût de la conversion pour 100 yen, mais ne négociez pas) pour vous lancer et ça y est, vous êtes hameçonné. « Cool ! T’as payé ! » dit la machine « mais tu n’as pas de carte, pourquoi ne jouerais-tu pas à un mini-jeu pour obtenir des cartes afin de jouer au vrai jeu ? » Tu t’exécutes. « Cool ! Tu as eu Krillin ! ». « Oh, j’en veux pas de ton chauve ! Ah, il faut au moins 5 cartes pour jouer… » Et c’est parti !
Cette pratique commerciale (dégueulasse) vise bien entendu les enfants afin qu’ils aillent racketter leurs parents pour de la menue monnaie et il n’est pas rare de voir des gamins traîner les week-end dans ces Game Center bondés avec leurs cartes DB ou Pokémon… Fait plus curieux, certains adultes sont aussi tombés là-dedans et la formule est des plus addictives… Genre, vraiment !
« Bon, je suis à Tôkyô, je dois bien pouvoir trouver des bons jeux à Akihabara ! » Pauvres idiots ! Alors oui, le quartier se présente lui-même comme l’épicentre de la culture otaku japonaise. Forcément, la première fois, la vision est enchanteresse. La Taito Tower, ses néons colorés, les peluches, les jeux, les goodies, les hôtesses… C’est le paradis ! Mais uniquement la première fois. Oui, on peut trouver des produits que l’on ne trouvera nulle part ailleurs et même à des prix raisonnables par moment, mais ne vous y trompez pas, les panneaux affichant en gros « TAX FREE » sont un indice important. Les cibles, c’est vous, ou plutôt votre portefeuille.
Et ce n’est pas moi qui le dis, il suffit de voir avec quel engouement de jeunes adolescentes sapées en soubrette vous invitent à taper une bavette dans leurs cafés (à faire une fois). Un conseil pour ce quartier : vous l’avez compris, j’ai une aversion totale envers ce quartier pour des raisons qui ne regardent que moi et mes rêves brisés, néanmoins, si vous tenez réellement à trouver du jeu vidéo pas cher à Akiba, fouillez les petites rues, c’est le meilleur moyen de trouver ce que vous cherchez, de terminer votre collection de goodies Monster Hunter, de mettre la main sur cette tenue de Sailor Venus que vous rêviez de porter pour votre live sur Resident Evil 3 Remake à petit prix.
Notez que vous pouvez négocier également, mais sans un niveau de japonais convenable, le type feindra ne rien comprendre. En gros, visitez plutôt Nakano Broadway, c’est un peu moins chargé et tout aussi bien (oui oui, l’endroit dans Digimon Story: Cyber Sleuth).
Je reconnais avoir versé pas mal de sel dans cette chronique. Comprenez-moi, loin de moi l’envie de vous dégoûter du Japon, c’est un pays fantastique et il mérite votre attention tout autant que notre pays attire celle de nombreuses personnes de part et d’autre de notre planète. Si vous êtes fan de jeux vidéo, ce que je vous souhaite, le Japon est un incontournable absolu. Se baigner dans sa culture, découvrir les rues de Tokyo et ses spots illustres que vous avez probablement aperçus des milliards de fois dans des animés ou même parcourus dans certains softs est une expérience grisante que je recommande à chacun d’entre vous.
Mais n’oubliez jamais, un pays est bien plus que ce qu’on lui prête, et celui-ci a bien plus à vous proposer que ses idols, ses temples et ses jeux. Faites preuve d’ouverture d’esprit et soyez ouvert lorsqu’un touriste se présentera à vous pour vous demander les yeux brillants si vous buvez du vin avec élégance au petit déjeuner ou si vous possédez du mobilier Rococo. Oui, les clichés ont la vie dure.