Dans le cadre de sa première thématique de la saison 2022/2023, intitulée « Le Japon, Mishima et moi », le Forum des Images s’intéresse à l’impact culturel de l’écrivain Yukio Mishima jusque dans les œuvres contemporaines, et notamment dans la représentation d’un Japon post-apocalyptique dans le jeu vidéo.
« Dans les jeux vidéo comme au cinéma, le genre post-apocalyptique a fait ses preuves. Pour justifier la désolation du monde, les studios n’hésitent pas à faire appel à l’Histoire, créant ainsi d’inquiétantes uchronies. Le Japon d’après-guerre de Mishima est ainsi le cadre de nombreux jeux. » – Description de la Game Conférence par le Forum des Images.
C’est Daniel Andreyev, journaliste/auteur/traducteur féru de JV et du Japon, qui s’est attelé à la lourde tâche de tisser ce lien, et « d’interroger le jeu vidéo post-apocalyptique, pour mieux saisir un imaginaire né du souvenir de la bombe H ».
Plutôt qu’une réflexion construite sur l’influence de l’auteur japonais sur le jeu vidéo, ce que cet événement ne fut finalement pas du tout, nous avons eu droit à une conférence un brin décousue, présentant les diverses visions post-apo dans le milieu vidéoludique nippon.
Autrement dit, ce fut une parfaite occasion pour nous de découvrir des spécimens vidéoludiques rares dépeignant un Japon ravagé, dont l’absence de traduction (et de visibilité) nous avait manqué jusqu’ici, mais aussi de porter un regard neuf sur des jeux bien connus.
Partageant généreusement sa passion débordante pour le genre (et le haikyo/urbex), ainsi que sa culture conséquente de jeux de niche, Daniel Andreyev aura souligné l’importance du rapport des Japonais à la destruction dans les œuvres vidéoludiques du pays du Soleil-Levant.
Marqués par l’omniprésence de cataclysmes naturels (séismes, typhons, etc.), traumatisés par la Seconde Guerre mondiale, et dans une situation politique et sociale pour le moins tendue (absence de véritable armée, rapport délétère avec la Corée du Nord, baisse de la population féminine dans l’ensemble du pays), les créateurs nippons auront forcément empreint leurs œuvres des craintes rongeant leur pays.
Que ce soit dans le Tokyo délabré de Shin Megami Tensei V, ou dans les différentes itérations vidéoludiques de Godzilla, la destruction du monde est indubitablement un thème récurrent des différents studios japonais.
Toutefois, c’est la diversité des gameplays et des visions de ce Japon post-apocalyptique qui ne cesse de nous surprendre. Là où la série des Zettai Zetsumei Toshi (SOS: The Final Escape dans sa version française) implique des mécaniques de survie comme la gestion de l’eau et de la nourriture, celle de Eearth Defense Force tient plus de Starship Troopers et marquera par la destruction des décors urbains, et par ses monstres improbables.
Et si vous pensiez que les robots pouvaient jouer un rôle salvateur face à la destruction imminente du monde, Daniel Andreyev pense tout l’inverse : que ce soit dans Final Fantasy 6 ou Front Mission 2, la présence des méchas est à ses yeux un signe annonciateur d’un monde qui sera marqué par (au moins) un cataclysme aux conséquences dramatiques.
Le journaliste terminait cette conférence en évoquant la place de jeux à l’aura beaucoup plus grande : Death Stranding, Nier Automata et The Legend of Zelda: Breath of the Wild. Des jeux magnifiant le genre du post-apocalyptique en y amenant une réflexion et une sensibilité lui ayant souvent fait défaut.
Dans ces trois jeux, la place de l’humanité (on considèrera que les Hyliens sont des humains) est remise en question face à l’immensité du monde, pour mieux interpeller le joueur quant aux dérives du monde dans lequel il vit.
Par-delà l’angle abordé et le genre proposé, les jeux post-apocalyptiques japonais continuent de nous proposer des expériences riches, hétéroclites et uniques, acceptant les stigmates du passé tel un héritage à embrasser.
Et nous, joueurs avertis, ils nous font rêver d’un futur meilleur, pour lequel nous serions prêts à nous dépasser.