Fiche de perso est une rubrique dans laquelle nous tirons le portrait d’acteurs du jeu vidéo, réels ou fictifs, qui pèsent ou ont pesé sur l’industrie. Aujourd’hui, nous avons eu la chance d’avoir un échange/interview avec Midam, l’auteur/dessinateur de la B.D à succès Kid Paddle. Véritable icône geek, le petit gamer nous reviendra très prochainement pour son 16ème album (et pas forcément celui de la maturité !). L’occasion pour nous de revenir avec son créateur (que nous remercions) sur sa série phare, et plus largement sur le jeu vidéo.
C’est à 29 ans et avec un diplôme d’illustrateur en poche, obtenu chez le plutôt renommé Institut Saint-Luc, que le Belge Midam rejoint la rédaction du Journal de Spirou. D’abord multitâche au sein de la rédaction, il crée le personnage de Kid Paddle en 1993. Ce dernier n’aura de cesse de prendre de l’importance dans les pages de la publication, pour finalement apparaître dans le premier album qui lui est consacré, « Jeux de Vilains » en 1996.
Quelques années plus tard, Midam décide d’aller explorer les jeux sur lesquels Kid Paddle passe tout son temps avec Game Over, série spin-off muette qui se déroule dans les jeux de Kid Paddle et met en scène son avatar que les lecteurs connaissent bien, le petit barbare.
Après une quantité phénoménale d’albums Kid Paddle et Game Over cumulés, nous étions curieux de savoir quels jeux avaient influencé la création de cet univers, à quoi joue Kid Paddle, et surtout à quoi joue Midam ? Surprise : à rien ! L’auteur n’est pas un joueur, bien au contraire même…! Comme quoi, les jeux vidéo, c’est peut-être parfois ceux qui y jouent le moins qui en parlent le mieux ?
- Alors, tout d’abord, le personnage de Kid Paddle, d’où vient il ? C’est un peu une vision de vous-même si on vous avait laissé devant la console ? Y a du « vous » dans votre personnage (ou les autres ?) ?
Midam : Étant animateur et bouche-trou graphique dans le magazine de Spirou, ceux-ci m’ont demandé d’animer une rubrique de jeux vidéo en créant un personnage dédié, ceci au pied levé ! En une semaine, j’ai dû trouver le personnage, créer un début d’univers et produire la première planche. Je n’ai jamais joué aux jeux vidéo – ou très peu –, mais toutes les ambiances et les personnages sont attachés à mon passé et à mon enfance. Ma réelle personnalité est un amalgame entre Kid (il aime les monstres, le fantastique), Horace (naïf invétéré), le père (réaliste et plus réactionnaire) et Big Bang (attaché à la science).
- Êtes-vous vous-même un joueur ? Si oui, quels sont vos jeux coups de cœur et les derniers jeux auxquels vous ayez touché ? Si non, d’où vous viennent toutes vos références jeu vidéo ?
M : Je ne joue pas et je n’ai pas cherché à jouer pour écrire les albums de Kid Paddle ou Game Over pour la simple raison que le succès n’aurait jamais été au rendez-vous. La majorité des gens ne jouent pas, et c’est à la majorité que je veux m’adresser ; il faut donc que mes gags soient appréciés (et compris) par des enfants, des adultes, des personnes âgées et des gamers. Le succès et la difficulté est là : réussir à trouver un ton et un sujet fédérateur. Il est clair que si je fais des références aux derniers jeux en vogue, références comprises uniquement par des gamers, je ferais rapidement faillite. Si vous voulez dessiner votre maison, vous devez en sortir, prendre de la distance, vous retourner et observer. Idem pour un thème pointu, il faut vulgariser pour que chacun y trouve son compte.
« les jeux vidéo sont une perte de temps inouïe »
- Vous aviez quels jeux en tête quand vous réalisiez vos planches ? Pourquoi ceux-là en particulier ?
M : Au début, Spirou recevait des jeux à tester. La première année, j’étais tenu de faire référence à ces jeux pour élaborer une planche… Ce sont les pages préférées des gamers, mais pas celles du grand public. Je ne vais pas me faire d’amis ici, mais je considère – en ce qui me concerne – que les jeux vidéo sont une perte de temps inouïe. Je m’enrichis davantage en lisant, même n’importe quoi… Au moins, je parfais mon orthographe ! Idem pour les séries, je suis un grand consommateur de séries Netflix et je regarde ces séries en VO sous-titrées en anglais afin d’améliorer ma connaissance de la langue.
- Kid Paddle en 2020, il joue à quoi ?
M : Il ne joue qu’à des jeux que j’invente moi-même, mais dans lesquels on rentre peu. La seule chose qui m’intéresse est si un jeu peut amener un gag ou peut-être un chouette élément de décor. Pour simplifier, quand Kid joue, on voit son avatar (le petit barbare) qui doit réussir à franchir des épreuves, un peu toujours dans le même décor. Par contre, si j’ai besoin juste de décor, je peux passer du temps à réfléchir à une borne d’arcade sympa avec des majorettes en train de se faire exploser (je veux dire vraiment exploser) au laser sur-enrichi au plutonium 239.
- Game Over, une autre de vos séries les plus connues, reprend bon nombre de codes de Kid Paddle. À quel moment avez-vous eu l’idée de B.D entière sur les personnages de jeux vidéo ?
M : C’est une BD sur un jeu vidéo unique, le petit barbare doit trouver la sortie du niveau et/ou sauver la princesse. D’ailleurs, on oublie facilement qu’il s’agit d’un jeu vidéo pour se retrouver dans un environnement de décor et de situation type Bipbip et le Coyote. Il y a eu en 2003 un magazine Kid Paddle. Pour le remplir, les pages de Kid Paddle ne suffisaient pas, du coup j’ai fait un spin of de KP avec la série Game Over. L’éditeur ne voulait pas sortir d’album, car il ne croyait pas à une BD muette… Au final, cette série a vendu des millions d’albums.
- Que pensez-vous des jeux vidéo Kid Paddle ?
M : Rien de fameux. Il s’agit d’un jeu à franchise. C’est un peu ça, le problème. Une grosse partie du budget dédié au jeu s’évapore dans les royalties et autres revenus garantis qui reviennent à votre serviteur et à l’éditeur, du coup le budget se voit – à la base – amputé d’un gros montant. C’est comme ça pour la plupart des jeux vidéo tirés d’un univers existant. Il y a peu de secret, pour élaborer un super jeu, il faut beaucoup de temps, d’intervenants de qualité et donc… d’argent. Si vous n’avez pas ça, on travaille un peu à l’économie et chaque correction représente un stress pour le fabricant.
- Que pensez-vous de l’évolution de l’image du jeu vidéo auprès du grand public ?
M : L’image s’est considérablement améliorée. On est passé d’une petite niche de geeks à un medium véritable à part entière drainant des budgets qui n’ont rien à envier au cinéma d’Hollywood et attirant les stars. C’est juste un milieu qui ne m’attire pas du tout.
- Pour votre actualité, où pouvons-nous vous retrouver pour 2020/2021 ?
M : J’ai un album de Game Over qui sort fin août. Le centre belge de la BD me fait l’honneur d’une expo récapitulative à partir du 29 septembre jusqu’en mars 2021. Mon galeriste Huberty Breyne (https://www.hubertybreyne.com) vendra des originaux sur la même période dans sa galerie de Bruxelles et il fera lui aussi une grande expo au 36 avenue Matignon à Paris en septembre 2021. Je serai aussi présent à la BRAFA (https://www.brafa.art/en) fin janvier 2021 à Bruxelles.
En novembre sort le seizième album de Kid Paddle, prêt pour vos cadeaux de Noël. Un manège blork vient de voir le jour au parc Spirou en Provence. Il y a toujours en projet un film live et une série de dessins animés… Mais ça ressemble de plus en plus à un serpent de mer ; pas grave, mon nouvel éditeur (Dupuis) va reprendre le flambeau…