Financements participatifs, mises à jour, roadmap, accès anticipés ou encore bêta test… L’industrie des jeux vidéo a développé tout un tas de « fonctionnalités » qui permettent au joueur de donner encore plus son opinion et son ressenti qu’avant. De nombreux jeux et studios de développement se retrouvent face à la mobilisation des joueurs, parfois à raison, parfois à tort, et doivent sans cesse trouver un moyen de satisfaire le mécontentement des communautés. Mais, quel est le réel impact des joueurs sur le développement des jeux ?
Si l’on devait citer quelques exemples de jeux suscitant une forte mobilisation, on pourrait juste se tourner vers quelques annonces et sorties très récentes. On peut notamment évoquer le cas du nouveau jeu mobile de Blizzard, Diablo: Immortal. Sorti le 2 juin, le jeu n’a pas eu de difficulté à trouver son public et l’on évoque déjà un succès. Cependant, le titre est très largement critiqué pour son modèle économique « Pay to win ».
Pourtant, Wyatt Cheng, Game Director de Diablo: Immortal, avait insisté sur le fait que le « grinding » faisait partie intégrante de l’expérience, et que la nouvelle politique de monétisation n’interférait pas. Toutefois, ce n’est vraisemblablement pas le cas puisque les joueurs reprochent au jeu de pouvoir acheter des emblèmes et gemmes légendaires, qui de surcroît ne sont pas garanties, mais bien attribuées de manière aléatoire lors de l’achat. Ces éléments constituent des piliers de progression des personnages, avec l’équipement ordinaire et le niveau d’expérience.
Un autre projet a fait parler de lui : Sonic Frontiers. Annoncé en décembre dernier, le titre a attendu le mois de juin pour se montrer. Pour rappel, Sonic Frontiers propose de suivre les aventures de Sonic à travers un monde ouvert. Une vidéo a donc été diffusée montrant des séquences de gameplay : de vastes environnements avec des structures plutôt étranges, des plaines verdoyantes à travers lesquelles le hérisson bleu court, saute et glisse partout. Les joueurs ont même eu le droit à un aperçu des combats et des potentiels ennemis auxquels ils seront confrontés.
Tous ces éléments n’ont pas vraiment été particulièrement bien accueillis par les fans qui dénoncent un manque cruel de direction artistique pour les environnements, des structures simplement « posées », des sensations de vitesse plutôt limitées : un vrai comble pour Sonic. Les joueurs ont donc lancé le hashtag #DelaySonicFrontiers (Reportez Sonic Frontiers) afin d’interpeller l’équipe. Ils sont plutôt confiants quant à l’idée d’être entendus comme ce fut le cas pour le film Sonic lorsque l’aspect du hérisson bleu avait déclenché un tel raz-de-marée de protestations que le design avait été entièrement revu.
Certains titres comme Halo Infinite ont été repoussés afin que l’équipe derrière puisse prendre en compte les différents retours. Les développeurs de Dead Space Remake avaient également modifié certains pans pour répondre aux retours des joueurs. Des studios décident également d’écouter l’avis de leurs communautés comme Riot Games qui tente de prendre en compte un maximum de retours pour équilibrer son jeu phare : League of Legends. Non sans peine, mais l’effort est tout de même fourni et donc louable.
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De là émerge une réflexion autour de l’impact réel que les joueurs peuvent avoir sur le développement d’un jeu.
Aujourd’hui, il est devenu d’une facilité consternante d’exprimer son opinion sur les réseaux sociaux (notamment Twitter et Reddit), les forums de discussions ou plus généralement les espaces de discussions en ligne. La communication des studios de développement se faisant majoritairement sur les réseaux sociaux également avec notamment la présence des community managers, il y a bien des moyens pour interpeller les développeurs d’un jeu afin de leur faire remonter un avis, qu’il soit positif ou négatif. Bien évidemment, la plupart du temps, ces commentaires sont négatifs et empreints de remarques et divers reproches ainsi que de suggestions sur comment améliorer le jeu. En donnant son avis de la sorte, le joueur se glisserait presque dans la peau d’un développeur, conseillant simplement l’équipe de modifier certains aspects afin de le satisfaire, lui.
Il est là le problème majeur. Il est tout bonnement impossible de satisfaire tous les joueurs, d’autant plus lorsqu’il s’agit d’un jeu destiné au « grand public » et donc une cible très large, composée de multiples profils de joueurs du monde entier avec des cultures différentes. Aujourd’hui, la plupart des jeux qui sortent ne sont pas « finis » à proprement parler. Les nombreuses mises à jour et diverses roadmap permettent d’améliorer l’expérience de jeu et de donner un poids à la parole aux joueurs qui peuvent donc, alors même que le contenu n’est pas encore sorti, exprimer leur avis et potentiellement impacter le futur contenu. Il s’agit d’une manière de considérer les jeux comme des « services » comme pourrait l’être un Netflix, ce qui change la manière de travailler des développeurs en réagissant aux retours des joueurs une fois le jeu sorti, parce qu’après tout : une mise à jour réglera le problème !
Il en va de même pour les accès anticipés et autres versions bêta qui deviennent de plus en plus courante. Le joueur peut alors tester le jeu alors que ce dernier est encore en phase de développement. L’objectif pour les équipes de développement est de recueillir le plus de retours possible afin d’améliorer, voire transformer le jeu. On ne mentionnera pas les jeux issus de financements participatifs tant les retours des joueurs importent et ajoutent de la pression aux équipes puisque si les joueurs ont déjà financé le projet, ce n’est pas pour être déçus.
Si les joueurs et la presse saluent ce genre d’initiatives de la part des studios, les joueurs se sentent écoutés et ont l’impression de faire partie du processus de création du jeu, créant ainsi une communauté avec un fort taux d’engagement. Une bonne nouvelle, mais qui est nuancée par le fait que la volonté des développeurs s’efface au profit de la satisfaction absolue du joueur. Le but n’est pas de renier l’ADN du jeu, mais de trouver un juste milieu entre l’opinion des joueurs et l’œuvre que l’on souhaite leurs présenter. On peut citer comme exemple Returnal, pour lequel les joueurs souhaitaient intégrer un mode facile qui aurait enlevé l’ADN-même du jeu : le challenge. On peut également mentionner Death Stranding qui, si les développeurs avaient écouté les joueurs, le gameplay aurait été moins lent et laborieux : l’effet absolument contraire de ce que son créateur souhaitait.
On retrouve alors au fur et à mesure une gamification de l’implication des joueurs. Par exemple, chez Amplitude Studios (Humankind, Endless Space), les joueurs gagnent des points en participant sur les forums officiels du studio. Ces points peuvent leur permettre de s’exprimer à l’occasion de votes permettant de déterminer quel élément sera implanté ou même sur quelle plateforme le joueur aimerait jouer au jeu. Naît donc un « développement élastique », évoluant au gré des votes de la communauté. Si ce système convient à Amplitude Studios, d’autres pourraient se retrouver dans le mur s’ils souhaitaient essayer : attention au crunch…