Annoncé lors de la cérémonie des Game Awards en 2021, Have a Nice Death nous a immédiatement tapé dans l’œil. Développé par le jeune studio montpelliérain Magic Design Studios, déjà à l’œuvre sur le très sympathique Unruly Heroes, le titre a d’abord bénéficié d’un accès anticipé pendant plus d’un an avant que sa version finale ne paraisse également sur la Nintendo Switch le 22 mars dernier. Une gestation longue qui lui a permis, on l’espère, de peaufiner tous ses aspects, qu’ils soient ludiques ou techniques.
Une nouvelle forme de financiarisation du jeu vidéo (enfin, plus si nouvelle maintenant) qui nous a notamment permis de voir émerger des pépites telles que Dead Cells ou Hades dont semble allègrement s’inspirer le titre qui nous intéresse aujourd’hui. Alors, Have a Nice Death arrive-t-il à suivre les pas de ses glorieuses inspirations ? Dans le genre du Rogue Lite hyper exploité aujourd’hui, a-t-il suffisamment d’arguments pour pouvoir se faire une place parmi les meilleurs titres de sa catégorie ou ferait-il mieux de rester caché sous sa cape avant de se faire faucher par les joueurs ?
(Test de Have a Nice Death sur Switch réalisée à partir d’une copie fournie par l’éditeur)
Burnout Syndrome
Lorsque l’on garde en tête le fait que Have a Nice Death a été développé par des transfuges d’Ubisoft, toute l’ambiance du titre prend une autre dimension. Nous y incarnons la Mort, devenue au fil de ses fauchages et de l’optimisation de son organisation (Death inc.) un simple PDG juste bon à subir les événements de son entreprise. Une situation pas très stimulante pour la grande faucheuse, rabougrie, et de fait démystifiée par ses subalternes, par des années de gestion d’une paperasse de plus en plus envahissante, au point de se retrouver au bord du burnout.
C’est donc là que nous intervenons. Il nous faut remettre de l’ordre dans cette entreprise où siègent des éléments à remettre à leur place. Et avec ici un collaborateur qui fait un peu trop de zèle, là un autre bâclant son travail, ou encore celui-ci cherchant à tirer au flanc au maximum, il va y avoir de l’action, de quoi redonner vie, si l’on peut dire, à la Mort (toute ressemblance avec les événements d’une grande entreprise vidéoludique sous le feu des critiques depuis quelques années n’étant sans doute pas fortuite).
Une atmosphère à la fois lourde de second sens, mais également très drôle tant l’accent est mis sur l’humour, l’autodérision et l’absurde des situations. Chaque partie propose son lot d’événements et de dialogues bien sentis. Entre une grève à mater ou une fête d’halloween qui part gentiment en cacahuètes, les situations se suivent et ne se ressemblent pas. D’autant que, à l’instar de ce qu’avait brillamment proposé Hades, les dialogues avec les PNJ évoluent au fil des parties et des rencontres que nous faisons. Une façon de nous impliquer davantage auprès de la Mort pour aller tataner tous ces mécréants qui osent remettre en question notre autorité.
Si l’ambiance et l’écriture de Have a Nice Death marchent aussi bien, c’est aussi grâce à une esthétique globale parfaitement engageante. Le design des personnages est particulièrement réussi, chaque PNJ, ennemi ou boss ayant bénéficié d’un soin certain, tout comme chaque environnement que nous sommes amenés à explorer. Et même si l’ensemble manque un peu de couleur, tout reste très joli (peut-être un peu trop, mais nous y reviendrons) et agréable à découvrir.
Vraiment mortel
Tout jeu a en principe besoin d’un petit quelque chose en plus pour se démarquer de sa foisonnante concurrence (une direction artistique, un gimmick…), et c’est avant tout par son gameplay qu’un Roguelite arrive à s’extirper de la masse. Dead Cells par exemple a réussi à se faire apprécier grâce à son dynamisme et sa fluidité de tous les instants, et grâce à un panel d’armes très varié, rendant l’ensemble jouissif à prendre en main. Have a Nice Death tente de s’en inspirer, avec même un petit côté Hollow Knight dans ses mouvements, avec un succès que l’on qualifiera de mitigé.
Sur certains points, Have a Nice Death est exemplaire. Les développeurs de Magic Design Studio ont compris l’essence d’un roguelite et nous proposent une variété de monstres, d’armes et surtout de synergie impressionnante. Un peu à la Dead Cells (encore lui), chaque partie nous permet de débloquer, via le marchand adéquat, de nouvelles possibilités de jeu. Si notre avatar ne se renforce pas physiquement au fil des parties, c’est son arsenal qui s’étoffe, nous invitant à de nouvelles expérimentations.
Bien sûr, au sein d’une même run, notre évolution suit une recette certes classique, mais toujours efficace. Il nous est en effet possible d’augmenter la puissance de notre équipement, de trouver différents objets de renforcement ou d’améliorer notre arbre de compétences en choisissant régulièrement et surtout judicieusement entre trois grandes catégories de malédictions fortifiant chacun un aspect de notre attaque ou défense notamment. Certaines étant parfois assorties de malus, il faudra toujours considérer la balance risque/bénéfice, comme le fait finalement tout bon PDG.
Chaque partie est donc très différente de la précédente, du moins sur le papier, et c’est bien là que se pose selon nous l’un des problèmes majeurs de Have a Nice Death. La variété a beau être au rendez-vous, celle-ci ne nous saute pas vraiment aux yeux passées les premières heures de jeu.
Car malgré la belle quantité d’objets à débloquer, il est un moment où on ne se sent plus vraiment évoluer. L’idée de nous offrir l’accès à de nouveaux objets plus ou moins facilement selon nos performances dans le jeu est plutôt bonne et nous a permis d’avoir finalement un objectif secondaire à chaque partie. Mais au final, l’absence de réelle évolution au-delà de nouveaux équipements plus ou moins intéressants nous a entrainés pendant des dizaines d’heures dans une certaine stagnation particulièrement frustrante.
Évidemment, la mort fait partie intrinsèquement du genre, mais dans Have a Nice Death, l’équilibre général nous a semblé assez douteux. Le jeu est vraiment très difficile, injuste même, la plupart des boss pouvant nous tuer en quelques coups seulement, sans que l’on ait vraiment le temps de bien comprendre ce qu’il se passe. Un mode « facile » est bien présent (offrant quelques bonus appréciables), mais même à ce niveau, et avec des objets très puissants, aucune victoire n’est jamais vraiment garantie.
Une frustration qui nous a accompagnés, et qui, soyons honnêtes, continue de nous suivre alors même que nous avons débloqué une large majorité d’objets et que plus aucun adversaire ne nous est inconnu à présent. Le jeu a beau avoir un très bon goût de « reviens-y », il lui faudrait bien encore quelques petites mises à jour pour, a minima, rendre les modes de difficultés initiaux bien moins ardus, et offrir ainsi un apprentissage et une progression plus linéaire et agréable.
Switch it off
Et puisque nous en sommes à aborder le sujet des mises à jour, il nous est impossible de ne pas évoquer la stabilité (ou son absence, en l’occurrence) de l’édition Switch du jeu. Sorti dans un état intolérable sur la console de Nintendo, il nous est difficile de vraiment recommander le titre, malgré toutes ses qualités. Lorsque nous avons débuté l’aventure, au moment de sa sortie donc, Have a Nice Death souffrait de temps de chargement entre chaque étage à visiter particulièrement longs, s’approchant de la trentaine de secondes à chaque fois.
Pire encore, malgré une attente assez longue compte tenu des ressources techniques que doit nécessiter le jeu, celui-ci dispose d’un frame rate très régulièrement en souffrance. Un patch a beau avoir été déployé depuis, pendant la première semaine d’avril, les problèmes ne sont pas pleinement résolus.
En 2023, surtout sur un jeu de ce type, il est intolérable que la fluidité ne soit pas au rendez-vous. Et que dire des nombreux crashs (plus d’une quinzaine en un peu plus de cent heures de jeu) que nous avons subis durant nos parties. À ce stade, nous ne saurions que trop vous conseiller d’attendre que de nouvelles mises à jour soient disponibles sur cette version, et de vous ruer plutôt sur la version PC, exempte de ces soucis techniques, ou de patienter en attendant une éventuelle sortie sur les consoles de dernière génération.
Have a Nice Death est un Rogue-lite qui coche toutes les bonnes cases pour être apprécié par les amateurs du genre. Avec ce titre bourré d’humour, disposant d’un bestiaire et d’un arsenal à la fois varié et intéressant, et doté d’un gameplay dynamique et addictif, les Montpelliérains de Magic Design Studio ont su avec talent digérer les codes du genre démocratisé, entre autres, par Dead Cells et Hades.
Malgré tout, il n’a pas réussi à complètement nous convaincre, la faute à un équilibre bancal rendant la progression générale de l’aventure bien trop lente et générant une frustration assez peu à propos dans les modes de difficultés les plus aisés.
Mais c’est surtout sur le plan technique que nous déconseillons absolument Have a Nice Death, pour le moment du moins, sur la console de Nintendo. Bien qu’un premier patch important ait déjà été déployé, le titre souffre toujours de temps de chargement bien trop longuets, de ralentissements assez inacceptables et de crashs réguliers. Si on ne doute pas que la plupart de ces problèmes finiront par être résolus, c’est la mort dans l’âme que l’on vous suggère de passer votre chemin et d’attendre qu’une version plus stable sorte, ou mieux, qu’une version PS5/Xbox Series finisse par voir le jour.