Si le Xbox Game Showcase a eu le bon goût d’être la plus intéressante des conférences de cet été, un invité de marque brille par son absence : Halo. Armure verte, visière orange, fusil de combat dans les mains, nous avons bien cherché, mais personne ne l’a vu. Nul trailer pour un prochain jeu principal ou un futur Halo Wars, pas même un petit teaser de quelques secondes pour nous montrer que des projets sont en développement.
Même Halo Infinite fait profil bas et se contente d’une communication sur les réseaux sociaux, alors que la prochaine saison du titre démarre dans quelques jours. Pourtant, s’il y avait ne serait-ce qu’une occasion pour montrer que la licence phare de Xbox est toujours là, c’était bien celle-ci.
Est-ce parce que Xbox Games Studios, eux-mêmes, auraient perdu la foi en la licence de science-fiction légendaire devenue le porte-étendard de Xbox depuis la toute première console siglée du X ? Le patron de Xbox, Phil Spencer, lors d’une récente interview à The Guardian, nous explique que le catalogue des studios possédés est tel qu’Halo n’est simplement plus la priorité :
« Je ne dirais pas qu’Halo est de moindre importance, mais nous possédons plus d’une vingtaine de studios désormais. Il y a plusieurs années, nous n’avions que quatre jeux : Halo, Gears of War, Forza et Fable, les quatre cavaliers de l’Apocalypse. Nous avons beaucoup plus de jeux à présent. »
Pas de moindre importance, mais quand même un peu. Le jeu le plus récent, Halo Infinite, est toujours plus ou moins en vie, avec les saisons du multijoueur s’enchaînant difficilement les unes après les autres. Et quelle aventure que ce jeu, entre les saisons reportées, l’absence d’extensions pour la campagne, une monétisation toujours plus agressive, et, sacrilège parmi les sacrilèges ; pire qu’un crime, une faute : l’impossibilité d’y jouer en écran partagé. La campagne, bien que décente, enterre toutes les intrigues ouvertes dans Halo 5 et Halo 4 (jeux également produits par 343 Industries), et il est évident que la nouvelle trilogie n’a ni la cohésion, ni la vue d’ensemble, de celle produite par Bungie.
Au moment où ces lignes sont rédigées, le titre a à peine 2 800 jours en ligne sur Steam, là où la Master Chief Collection, qui donne accès au multijoueur des anciens jeux, en a le double. Il faut dire que 343 Industries, désormais dépositaire de la licence, a subi de plein fouet les plans de restructuration de Microsoft de ce début d’année, dans lesquels plus de 10 000 employés ont été remerciés. Parmi ceux-ci, des dizaines d’employés de 343 Industries.
Et cela intervient après une hémorragie de cadres en 2022, qui a vu partir d’eux-mêmes le directeur du jeu, Chris Lee, le directeur artistique, Nicolas Bouvier, et la responsable de la franchise au sein de Microsoft, Kiki Wolfkill, comme nous l’évoquions déjà en février. Autant dire que le studio est désormais considérablement diminué, et que ces vagues de départs n’aident pas à créer des stratégies de long terme viables.
En 2022 déjà, l’avenir d’Halo Infinite semblait particulièrement compromis ; en 2023, nous réalisons désormais que c’est peut-être l’avenir d’Halo en tant que série de jeux qui est en grand danger. Que peuvent faire les vestiges démoralisés de 343 Industries ? Un nouveau AAA ambitieux ? Ils ont déjà toutes les peines du monde à entretenir le versant multijoueur de leur dernier jeu, pour lequel ils ont déjà décidé de faire l’impasse sur la coopération par manque de ressources. Des contenus saisonniers ad vitam aeternam ? Avec un si petit nombre de joueurs actifs, la rentabilité est insuffisante pour que le studio s’en contente.
De fait, la seule lueur d’espoir, à peine visible à l’horizon – et il faut froncer bien fort les yeux, et faire un petit effort d’imagination – nous vient de Pierre Hintze. C’est, ni plus ni moins, l’homme qui a sauvé la Master Chief Collection, et qui a été propulsé à la tête du studio à la toute fin de l’année dernière. Passionné, compétent et habile manager, il pourrait être l’homme providentiel, mais en a-t-il seulement les moyens ?
Car des rumeurs courent sur le développement d’un Battle Royale en partenariat avec Certain Affinity, un studio texan qui compte de nombreux vétérans de Bungie, mais non seulement on y croit peu, mais surtout, a-t-on seulement envie de voir Halo emprunter ce virage ? Ne voulons-nous pas revoir de grandes histoires mêlant le futur de l’Humanité, une coalition d’espèces aliens motivée par des objectifs religieux, des réflexions sur le transhumanisme, sur la relation envers l’intelligence artificielle et la place des Humains dans l’Univers ? Ne voulons-nous pas revoir des personnages nuancés comme l’Arbiter, Cortana, le Didacte, 343 Guilty Spark, Thel’Vadamee ou encore le Fossoyeur ?
Il semble donc que le futur d’Halo, à court terme, ne soit plus vraiment dans l’industrie vidéoludique, mais dans celle des adaptations en série, avec, notamment, celle produite par Paramount+ qui nous revient bientôt avec une seconde saison. Bon, soyons honnêtes, le scénario est puéril, les personnages ne se comportent pas comme le feraient des gens sensés, mais c’est toujours mieux qu’un avenir fait de Battle Royale, ou de Battle Pass, dans lesquels des Spartans de toutes les couleurs se tapent dessus dans leurs armures outrageusement ostentatoires à 25 euros chacune avant de débloquer une Apparition rouge à 10 euros.