Fiche de perso est une nouvelle rubrique dans laquelle nous allons tirer le portrait d’acteurs du jeu vidéo, réels ou fictifs, qui pèsent ou ont pesé sur l’industrie. Aujourd’hui, on vous propose un retour sur l’artiste et le personnage à l’humour décapant qu’est Grant Kirkhope, notamment connu pour avoir été l’un des compositeurs majeurs de chez Rare.
Un collègue tout en humour
C’est après des études à la Royal Northern College of Music et quelques expériences que le fameux Grant, jeune trentenaire (si, si), débarque au studio Rare, en 1995. Si nous le connaissons dans la culture populaire JV pour ses talents de compositeurs, il était surtout connu à Rare pour ses « jokes » auprès de ses collègues.
Parmi elles, quelques pépites, comme le fait de mettre des amplis à fond au niveau des ordis de ses collègues, faisant littéralement péter les décibels lorsque ces derniers les allumaient. Une forme d’humour digne d’un épisode de The Office qui a fait de Grant un personnage vraiment à part au sein de ses équipes.
Non content de ses frasques en infterne, le compositeur écossais a pu aussi faire étalage de ses talents de boute-en-train à un Shigeru Miyamoto qui n’en demandait pas tant. C’était en 1997 à l’E3 qui se déroulait à Atlanta, Nintendo avait organisé une fête dans en musée, et notre Grant, tout écossais qu’il est, a fini la soirée torchon-chiffon-carpette. Il a alors salué Miyamoto en se présentant, laissant ce dernier complètement abasourdi devant l’état du compositeur.
Mais la partie la plus intéressante de cette histoire se déroule un peu plus tard dans la soirée lorsque Grant essayait de baisser le pantalon d’un de ses collègues (pour blaguer) dans une des salles de bain de l’hôtel où ils étaient logés durant l’événement. Une fois le méfait accompli, Grant alors hilare et à genoux releva la tête et aperçut Miyamoto le fixant intensément. À savoir qu’après cette histoire, Miyamoto n’a plus jamais parlé à Grant Kirkhope.
Vous l’aurez constaté, le compositeur de Banjo-Kazooie était le roi de la blague dans le studio, mais il est aussi le roi de la private joke, car au sein de son œuvre, on retrouve un bon nombre de clins d’œil malicieux à l’attention de ses chers collègues.
En tête de liste, le « Oomanacka » prononcé par le sorcier Mumbo dans le jeu, qui est une référence à un collègue qui a un jour déboulé dans le studio après un incident d’ordre médical, se tenant l’entrejambe, et criant « Oh me knackers » (« Ooooh mes burnes » – traduction littérale).
Un compositeur de talent reconnu par Nintendo
Revenons un peu sur ce qui a fait la véritable renommée internationale de Grant Kirkhope : sa musique. D’abord instrumentaliste sur la version N64 de Killer Instinct, l’écossais a très vite été affilié au projet Goldeneye, qui à l’époque était un peu le projet has-been de Rare. Mal considéré, et même annulé à un moment de son développement, le jeu ne cristallisait presque aucune attente de la part du studio.
C’est sans doute pourquoi Tim Stamper (le co-créateur de Rare avec son frère Chris) l’a débauché pour travailler sur un certain Project Dream, appelé à devenir le Banjo-Kazooie que l’on connaît. D’ailleurs, Grant de dire à propos de l’échange :
« Tim m’a un jour pris à part et m’a demandé de travailler sur Dream, je lui ai alors répondu que je travaillais déjà sur Goldeneye. Ce à quoi il m’avait répondu : Tu termines Goldeneye aujourd’hui, et demain, je te veux sur Dream. »
C’est alors que le génie de Grant s’est exprimé à un moment où Rare se hissait au sommet des studios les plus populaires du moment. Une OST iconique pour les deux épisodes de Banjo-Kazooie, dans un jeu où la musique faisait partie intégrante de l’univers du jeu (le nom du protagoniste renvoyant à des instruments, ou encore les notes de musique à ramasser).
L’idée alors à l’époque est de composer la musique du jeu de manière cinématographique, avec un thème par personnage, ou par univers. Ce qui fera que l’OST du jeu sera l’une des plus appréciées à l’époque, devant celle d’un certain Super Mario 64, c’est dire !
Toutefois, travailler en étroite collaboration avec Nintendo (qui détenait 49% des parts du studio, il faut le rappeler) n’aura pas été de tout repos pour le compositeur, qui a du refaire à de très nombreuses reprises un passage où un pot de fleurs remercie Banjo en disant ‘Thaaaaaaank Youuuuu » et qui sonnait un peu trop comme « Fuuuuuuck Youuuuu » auprès des amis nippons. Baisser des pantalons devant Miyamoto ne semble finalement pas sans conséquences !
Le compositeur reste aujourd’hui le seul non-japonais à avoir participé à la création d’OST pour un Super Smash Bros, preuve encore une fois de la reconnaissance de Nintendo pour ses talents et son impact sur l’univers de la N64.
GrantKir Kong
En 2000 sort le cultissime Donkey Kong 64, accompagné du fameux Expansion Pack qui aura permis de pousser dans ses retranchements une Nintendo 64 en fin de vie. Un titre sur lequel Grant a encore une fois excellé. Un jeu dont l’intro, le fameux DK Rap, aura été créée à la suite d’une blague de l’écossais, qu’il explique d’ailleurs dans une interview pour Innotechtoday, en 2017.
« Nan, mais à la base, c’était une blague ! Le rap était un genre musical important à l’époque, […] et avec George Andreas (game designer, et fameuse victime du pantalon baissé), on crée les paroles et l’arrangement. À l’époque, personne n’était rentré dans le délire, et on a été presque les seuls à comprendre le second degré. Mais maintenant, tout le monde l’aime !
D’ailleurs, non content de simplement créer la musique du jeu, Grant se paiera le luxe de doubler Donkey Kong pour quelques jeux, notamment le premier Smash Bros.
S’ensuit sa dernière collaboration avec Rare pour la Nintendo 64 avec un autre jeu culte : Perfect Dark. Un titre plus sombre, pour lequel Grant expérimente en se basant notamment sur les OST de la série X-Files. Néanmoins, le compositeur n’en garde pas un grand souvenir, à cause du départ d’une partie de l’équipe dont l’autre grand compositeur de Rare de l’époque (son ami Graeme Norgate).
Par la suite, le compositeur travaillera sur de nombreux titres du studio, allant de Starfox Adventures jusqu’à sa dernière collaboration avec Rare pour l’ultime volet de Banjo-Kazooie – Nuts and Bolts.
Après son départ de rare en 2008, le compositeur n’est évidemment pas resté les mains dans les poches. On le retrouvera à quelques reprises en tant qu’indépendant sur des jeux comme Kingdom of Amalur, ou encore Civilisation: Beyond Earth. Mais c’est surtout deux titres qui vont refaire parler de lui, et encore une fois, cela est lié à son passif avec Nintendo/Rare.
Tout d’abord, le projet de Yooka-Laylee, successeur spirituel du Banjo-Kazooie de l’ère 64, développé par Playtonic Game. Le studio, récemment créé, est composé des quelques grandes figures de l’époque d’or de Rare comme Chris Sutherland, David Wise, et évidemment Grant Kirkhope. Un succès incroyable qui obtiendra le record de la plus rapide levée de fonds pour l’histoire du jeu vidéo, avec 175 000 livres atteints en quarante minutes.
Côté musical, les fans du genre arriveront en terrain connu, avec une OST qui fleure bon la madeleine de Proust Kazooique. Un succès tel qu’un deuxième opus sera développé, toujours avec la participation de Grant Kirkhope. Et presque dernier travail en date, la collaboration avec Nintendo/Ubisoft pour le titre Mario + Lapins Crétins – Kingdom Battle. Un titre sur lequel le compositeur aura encore apposé sa patte si distinctive.