Les raisons de l’échec commercial et critique cuisant du Seigneur des Anneaux: Gollum ont déjà été commentées en long, en large et en travers. Manque de temps, de moyens, droits sur l’œuvre limités, tout a été évoqué pour justifier, mais surtout expliquer le très pauvre matériel proposé aux joueurs à la sortie du titre. Si encore nous en étions restés là, cet échec se serait ajouté à des centaines d’autres avant lui, et il serait largement temps de passer à autre chose.
Malheureusement, une bien mauvaise nouvelle s’est ajoutée hier au triste narratif autour. Daedalic Entertainment, le studio derrière le jeu, vient en effet d’annoncer qu’il mettait purement et simplement fin à son activité dans le développement de jeux vidéo. De plus, 25 personnes sur les 90 employés de la firme vont faire les frais de ce changement de direction, étant priées d’aller voir ailleurs.
Passé sous drapeau français après son rachat par Nacon en 2022, le studio allemand avait fait de Gollum le jeu de la dernière chance, avec une grosse promotion, qui avec du recul a sans doute desservi le jeu, et une grosse base de fans de l’œuvre de Tolkien à conquérir. La mission n’a pas été accomplie. Daedalic Entertainment tire donc sa révérence dans le monde du développement, et abandonne par là même son dernier projet en date, un second jeu dans l’univers du Seigneur des Anneaux. L’entreprise se consacrera désormais à l’édition.
Difficile de ne pas ressentir de la tristesse à l’annonce de la nouvelle, car derrière cet échec, il n’y a pas que des histoires de gros sous, il y a de l’humain. Le studio avait pris un risque en prenant en main le projet Gollum, un jeu d’aventure/infiltration loin de sa zone de confort, les point’n clicks, dont il s’était fait une spécialité depuis 2005. L’image donnée aux petits studios dans cette affaire est catastrophique. Même si Gollum n’était pas un bon jeu, soyons honnête, cette histoire risque de rendre frileux les petits studios indépendants à qui on proposerait des projets ambitieux dans le futur. Si un projet raté peut déboucher sur des licenciements et du bashing sur internet, alors à quoi bon prendre des risques ?
Certains diront que dans n’importe quelle entreprise, lorsqu’on fait mal son travail, on risque le licenciement, et que c’est la dure loi du marché. Mais lorsque les conditions matérielles, mentales, économiques ne sont pas réunies, est-il possible de mener à bien un projet ? Aujourd’hui, il est clair que le studio n’était tout simplement pas dans les bonnes conditions pour un projet de cette ampleur et le prix à payer est énorme.
Dans une conjoncture actuelle difficile, c’est une bien mauvaise expérience pour le jeu indépendant qui ressort de cet épisode. Espérons simplement que les malheurs de Daedalic Entertainment s’arrêteront là, et que les employés licenciés arriveront à relancer leur carrière, ce qui n’est jamais facile avec une telle case noire sur le CV. Enfin, continuons à soutenir les petits studios, car s’ils venaient à s’auto-censurer par peur de l’échec, voire à disparaître, c’est une grande partie de l’âme du jeu vidéo qui serait perdue.