Vivre au Japon, c’est une expérience extrêmement enrichissante. Si c’est déjà le cas pour le simple fait de vivre à l’étranger, le Japon a quelque chose de plus qu’on peut facilement rapprocher de notre culture. Bien entendu, c’est loin d’être la seule raison de visiter ou de s’installer dans ce pays fantastique : les jolies femmes, ses temples sublimes, les jardins zen, ses belles allées qu’enjolivent des centaines de cerisiers en fleurs, Tokyo (ville à la croisée du passé et du futur), Osaka (son centre historique), sa gastronomie, les mangas, et puis ses femmes, quoi ! Bref, cette liste pourrait être allongée infiniment tant le Japon nous fait fantasmer. Rien de plus normal.
En ce qui nous concerne plus spécifiquement, le jeu vidéo vient forcément en tête de liste des raisons qui nous pousseraient à visiter ce pays. Sony, Nintendo, Akihabara, Capcom… autant de noms qui pèsent dans notre imaginaire de joueurs gavés aux live-stream, à PewDiePie et à l’animation japonaise bon marché. Seulement, force est de réaliser que la réalité est tout autre.
Ici, je vais partager avec vous les raisons qui me poussent à soupirer chaque fois qu’on me dit « La chance ! Tu vis au Japon ! » ; enfin, sur l’axe du jeu vidéo. Bien entendu, je vais un peu moins râler.
Ce n’est plus un secret pour personne, le Japon est bel et bien passé du côté du gaming mobile… Si chez nous il commence à peine à prendre pied, ses joueurs subissant les quolibets des joueurs consoles et PC (autrefois trop occupés à se vanner les uns les autres), en Asie, c’est un tout autre constat et les raisons de ce succès sont évidentes : on a tout ce qu’il faut dans nos poches. Plus besoin de manettes, plus besoin de télé, plus besoin de rester figé à son bureau. Même plus besoin d’amis ! Tout est dans votre poche on vous dit !
« Ouais, attends, ça va ! Tu nous apprends rien, là ! » Non, mais ça va, on le sait bien que la presse le répète à tout bout de champs et depuis des années. Nous-mêmes, nous le faisons. Mais on a tous encore en tête ces images de familles japonaises assises par terre, agglutinées devant la télé, on a tous encore en mémoire ces images de salles d’arcade féériques et pourtant lugubres, baignant à la frontière entre l’obscurité et la lumière froide et colorée des écrans et des néons, frontière que la lourde fumée de cigarette rend floue… Et pourtant, les joueurs asiatiques (et ici plus particulièrement japonais) ne jouent franchement plus chez eux ou dans ces salles.
Alors attention, ne nous faites pas dire ce que nous n’avons pas dit : les jeux de salon existent toujours en Extrême-Orient et se portent relativement bien (après tout, l’Asie est un vivier en termes de création avec Sony, Nintendo, Capcom ou même Tencent et des jeux, même étrangers, arrivent toujours en rupture).
Cependant, ils ne peuvent que pâtir de l’importance du gaming mobile puisque, c’est simple, tout le monde (ou presque) s’y adonne. Des doutes ? Offrez-vous donc un voyage en Corée du Sud ou au Japon, ça devrait vous suffire pour vous en convaincre. À partir de là, on ne peut que confirmer le constat : le jeu sur mobile, c’est bien une forme de jeu vidéo ; notre média a donc bien fini par se scinder.
Plein d’éléments permettent d’ailleurs non seulement de justifier, mais également de prouver ce constat, notre dernier article sur Pokémon Unite en tête ! Effectivement, pourquoi le jeu sort-il aussi bien sur Switch que sur appareils mobiles ? Tout simplement parce que NOUS préférons le contact de la manette (un rappel encore que son format mobile cible la clientèle asiatique et plus particulièrement les Chinois).
Bref, ce dossier n’a pas pour but de décrire l’état du monde ni même de lister les tenants et aboutissants du gaming mobile au Japon (nous ne sommes d’ailleurs absolument pas en mesure de faire ça autrement qu’en nous appuyant sur de l’abstrait et de la logique), mais, en revanche, nous pouvons partager avec vous les jeux qui marchent, ceux que les joueurs s’arrachent et ceux qui apportent le plus de thunes à leurs créateurs en nous basant sur les chiffres relevés au Japon.
Vite fait : état des lieux à la maison
Avant d’étaler ce qu’il y a de différent de l’autre côté du globe, on va vite revenir sur ce qui nous distingue en tant qu’utilisateurs mobile ainsi que sur les apps qui ont les faveurs de ceux qui résident dans nos frontières. Tout d’abord, quelques chiffres qui nous opposent directement aux Japonais. Effectivement, si Apple et Google se partagent plus ou moins équitablement le marché japonais (avec environ 52% pour le gros « G » coloré alors que la pomme grignote les 48% restants), en France, c’est loin d’être le cas.
Chez nous, Google possède une large avance sur ses concurrents (d’après journaldunet et les chiffres de Kantar World Panel) puisque c’est 3/4 du marché qui lui revient. Naturellement, cette section reflétera donc plus les utilisateurs Android qu’iOS puisque, bah… parce qu’ils sont plus nombreux ?
Bon, finalement, pour être honnête, le support ne change pas grand-chose, car si on regarde plus près, on distingue finalement que le public français est plutôt raccord dans ses choix. Les titres gratuits de chez Voodoo (en l’occurrence Cube Surfer, Scribble Rider et un troisième qui diffère qu’on privilégie la marque à la pomme ou celle de ceux qui fliquent vos promenades sur Doctissimo) prennent trois places dans le top 5 des apps gratuites sur ces supports.
Fait intéressant par ailleurs, aucun jeu japonais ou asiatique ne figure dans le top 50 des jeux gratuits sur Android. Chez iOS, on a un jeu chinois en seixième position (la version anglaise d’Abyss Horizon) et enfin, un jeu japonais en 42ème position, un certain Mario Kart Tour.
Côté app payante, c’est sans appel puisqu’on retrouve une fois encore plus ou moins les mêmes titres. On notera que les utilisateurs d’appareils Apple ont un certain sens de l’humour en ces périodes troubles puisque nous retrouvons Plague Inc. en quatrième position du classement. Côté japoniaiserie, il faudra attendre le Prof. Layton en seixième position pour ouvrir le bal sur l’Apple Store alors que chez Google, on retrouve ZigZaGames Inc. et son Evertale (juste après un émulateur DS). Ensuite, c’est Hitman Sniper (26ème), Neo Monster (28ème) et enfin, on retrouve le Prof. Layton (38ème).
N’empêche, il est marrant de constater qu’aucun jeu japonais ou presque n’apparaît dans les tops des téléchargements parce que, aux côtés de Pokémon GO, Coin Master (quelqu’un y joue ici ?), Clash of Clans et Brawl Stars, le Japon vous fait cracher des thunes quand on regarde le top des apps les plus rentables… Amateurs de gacha ?
The Land of the Rising App
Donc maintenant qu’on y voit un peu plus clair en ce qui nous concerne, qu’est-ce qui se passe de l’autre côté du monde ? La « Mecque du jeu vidéo » (des 90s) nous montre-t-elle un panorama mobile différent ? Eh bien, oui et non. Haha, vous l’attendiez pas celle-là, si ? Eh oui, évidemment, si on retrouve aujourd’hui un ou plusieurs soft(s) aux couleurs des animes en vogue et la crème des jeux rétro dans notre poche, c’est aussi le cas chez les joueurs japonais et ils ne sont pas moins nostalgiques que nous (la preuve, Goku est quand même l’ambassadeur des JO de Tokyo 2020 2021 enfin, de quand ils auront lieu).
Le constat est donc évident, le marché dispose bien entendu des plus grosses licences de Bandai Namco (Dragon Ball Dokkan Battle – qui enregistre toujours de belles rentrées d’argent –, Dragon Ball Legends, Captain Tsubasa: Dream Team, One Piece Bounty Rush ou Treasure Cruise) que l’on peut retrouver chez nous, mais ça ne se limite pas qu’à ça. Naturellement, on pense également au poulain de Niantic, Pokémon GO qui, même s’il est par définition à moitié japonais, est à moitié américain et se joue pareil où qu’on soit sur la planète, qu’on soit sous la Tour Eiffel, le Christ Rédempteur, la Liberty Bell ou à Akihabara.
Mais mieux, la plus grosse surprise, c’est de découvrir que Voodoo et ses jeux gratos de l’enfer squattent aussi le top (avec Scribble Rider et Cube Surfer !), sérieux ? Diantre ! On y retrouve même le solitaire, calé en 10ème position des titres les plus téléchargés récemment sur iOS (nous ne ferons pas de parallèle façon reportage d’NRJ 12 ou chaînes généralistes sur la vie sexuelle des Japonais, en revanche, on laisse ça là) !
Et ça reste toujours aussi surprenant de voir à côté de gamins qui jouent à des jeux de sport ou Fortnite ou Knives Out (on va y venir) dans le train, de jeunes demoiselles qui partagent leur temps entre Tiktok, Insta et 2048, un autre titre qui squattait les tops en Occident aussi il y a quelques années.
Des seins animes et autres japoniaiseries
Mais on se doute bien que si vous êtes là, c’est pour les autres titres, c’est pour les curiosités, les trucs made in Japan, pas pour ces jeux signés Square Enix que vous pouvez acheter sur votre store pour la somme modique d’un rein virtuel (c’est marrant de voir comme c’est dur de lâcher 15 balles dans un grand jeu sur l’Appstore alors que vous faites toujours la queue chaque année pour acheter 60 ou 70 euros votre mise à jour de FIFA ou de Call of Duty, non ?). Bref, la japoniaiserie, il y en a aussi légion sur les mobiles au Japon, mais finalement… eh bien pas tant que ça en vrai…
Eh oui, au risque de vous décevoir, les jeux sur mobiles là-bas, à peu de choses près, c’est les mêmes que les nôtres. Et oui, ils ont un peu tous leur petit jeu gacha de prédilection, qu’ils mettent en scène des demoiselles délurées ou des personnages d’anime célèbres, ils sont nombreux à empiler des blocs dans Minecraft et, nous le disions plus haut, ils sont extrêmement nostalgiques.
La preuve ? Aussi bien sur iOS que sur Android, les Final Fantasy et les Dragon Quest du IV au VII sont dans le top 50. On retrouve aussi, preuve que ces jeux tiennent encore la route là-bas, Yu-Gi-Oh! Duel Link, Fate Night, Puzzle and Dragons et surtout Monster Strike (un jeu lancé en 2014 et qui squatte le top des apps qui rapportent le plus de fric à leurs créateurs sur Android).
Mais ils ont aussi leurs jeux sur mobiles rien qu’à eux, dans la plus grande tradition des années 90 (où on a dû se passer d’excellents titres sous prétexte qu’on n’avait pas ce qu’il fallait pour les comprendre). Évidemment, il faut le reconnaître, les japonais et nous, nous n’avons pas exactement, culturellement, les mêmes goûts. Tout d’abord, on ne sera pas surpris de découvrir des jeux inspirés des pachinko, ces machines à sous japonaises, dans ce top. La force du format mobile, encore, c’est la possibilité de changer son apparence sans changer la machine en entier… Bon, ça et rappeler à l’utilisateur qu’il n’a pas encore dépensé aujourd’hui grâce aux notifications !
Il y a aussi tout un tas de titres en gacha avec toutes sortes de thèmes, mais ne nous étalons pas sur le sujet. On en a fait un, on les a plus ou moins tous faits, qu’ils soient RPG, jeux de stratégie, ou autres (puis bon, les illustrations vous en donnent des aperçus déjà). Revenons au contraire sur un éditeur qu’on connaît très, très bien : Square Enix.
Ce n’est pas une nouveauté, le studio mise franchement sur le format mobile et on ne parle pas uniquement de ses vieilles cartouches. Effectivement, s’il n’a pas rechigné à rééditer son patrimoine, il a aussi fait pas mal de neuf. Si l’éditeur s’est illustré ces dernières années avec la série Brave Exvius, avez-vous entendu parler de Dragon Quest Walk ? Ou de Dragon Quest Tact ?
Eh oui, le studio se déchaîne sur mobiles et si chez nous il recycle même ses vieilles apps, au Japon, ils bombardent la clientèle de nouveautés.
On passe vite fait sur Tact, c’est un jeu de stratégie avec les monstres de la série. Walk en revanche, c’est la réponse à Pokémon GO sauf que la carte évolue en fonction de vos choix. Une réelle expérience qui vous implique d’autant plus que c’est un vrai RPG en AR qui renvoie l’app de Niantic au Moyen-Âge. Et des réponses à nos killer-apps, en Asie, ils en ont. Knives Out est un autre PUBG-like/Fortnite-like chinois et le titre a bien décollé au Japon (ils l’ont même édité sur Switch) et c’est le jeu sur lequel les ados se ruinent les pouces entre deux parties de PES mobile ou de son équivalent sauce baseball, tous deux signés Konami… Finalement, on se moquait de Konami, mais peut-être qu’ils vont mieux qu’on ne le croyait…
Je vais être honnête, c’est très difficile de tirer des conclusions après avoir étalé autant de chiffres et de noms… Au final, oui, le gaming mobile au Japon n’est pas le même que sous nos latitudes, mais c’est principalement parce qu’il a su se développer. Nous, qui sommes encore très attachés à nos supports physiques, nous nous privons peut-être de découvrir de nouvelles manières de jouer. C’est pour ça qu’on se retrouve avec beaucoup de jeux de cartes, de puzzle-games et de jeux de rôle, mais finalement, très peu d’expériences complètes et excitantes.
Alors ensuite, ce n’est peut-être pas votre cas à vous personnellement. Peut-être prenez-vous du plaisir à faire des kills dans CoD ou Fortnite sur votre mobile et c’est tout le bonheur qu’on vous souhaite, mais le constat est flagrant : on est peu nombreux en France à apprécier des jeux d’action ou des FPS sur appareils portatifs.
Cependant, non seulement il est possible de jouer, mais il est également très agréable de regarder un bon joueur fumer du noob depuis son mobile… Voire grisant… Et si problème il y a, au final, c’est peut-être nous ? Sommes-nous trop vieux pour prendre le pli ?