C’est le 2 août dernier que le doyen américain de la presse papier jeu vidéo, Game Informer, a annoncé sur X sa fermeture soudaine, entraînant le licenciement de toute l’équipe. C’est donc avec le numéro 367 de juillet 2024 que la publication s’éteint dans un silence mortifère, l’entièreté du contenu du site n’étant plus accessible, toute URL du site redirigeant vers un message d’adieu.
« Après 33 années passionnantes passées à vous fournir les dernières nouvelles, critiques et informations sur le monde en constante évolution des jeux vidéo, c’est avec le cœur lourd que nous annonçons la fermeture de Game Informer. Depuis les premiers jours des aventures pixelisées jusqu’aux royaumes virtuels immersifs d’aujourd’hui, nous avons eu l’honneur de partager cet incroyable voyage avec vous, nos fidèles lecteurs. Même si nos papiers s’arrêtent, la passion du jeu vidéo que nous avons cultivée ensemble continuera à vivre.
Nous vous remercions d’avoir participé à notre quête épique et souhaitons que vos propres aventures vidéoludiques ne s’arrêtent jamais. » – (traduit par la rédaction)
Trente-trois ans. C’est le nombre d’années de bons et loyaux services que Game Informer aura tenu, ayant survécu à l’effondrement de la presse papier, mais aussi plus globalement à la brutalisation de la presse spécialisée par de grandes corporations. C’est à GameStop que l’on doit le licenciement de l’intégralité de la rédaction, entreprise tentaculaire étant le plus gros revendeur de jeux vidéo dans le monde et possédant plus de 4000 magasins, dont Micromania dans nos contrées.
Le magazine a commencé sa publication en 1991, la Game Gear venait de sortir, et le monde tremblait face au surréalisme oppressant du « Festin Nu » de Cronenberg. Game Informer a été racheté en 2000 par GameStop, permettant la vente des magazines directement en magasin, ainsi que des avantages pour les clients grâce à un programme de fidélité. Dans les années 2010, le mensuel se place même souvent dans le top 5 des ventes US aux côtés des éternels Playboy et Time magazine.
La rédaction produisait aussi nombre de contenus en ligne : podcasts hebdomadaires, documentaires sur des développeurs ou des studios, le dernier en date portant sur le studio Digital Eclipse et leur vision de la préservation du jeu vidéo grâce à des « documentaires interactifs ». Le contenu n’étant plus accessible en ligne, ce sont plus de dix ans de publication qui sont pour l’instant parties en fumée, ne laissant qu’un arrière-goût amer chez les lecteurs et joueurs américains.
À la tête de GameStop depuis 2021, nous avons le millionnaire Ryan Cohen. Pour vous dresser un portrait de l’homme, nous vous laissons découvrir un extrait du premier mail (dévoilé par Kotaku) envoyé à ses employés pour sa nomination au poste de PDG :
« Je vais aller droit au but. Il n’est pas viable pour GameStop de gérer une entreprise qui perd de l’argent. La mission de l’entreprise est de fonctionner de manière hyper efficace et rentable. […] Nous devons faire preuve d’une extrême frugalité. Chaque dépense de l’entreprise doit être examinée au microscope et tout gaspillage doit être éliminé. L’entreprise n’a que faire des délégateurs et des gaspilleurs d’argent. J’attends de chacun qu’il traite l’argent de l’entreprise comme le sien et qu’il montre l’exemple. » – (traduit par l’équipe)
Bon, vous voyez l’ambiance ? Les réactions de certains employés de Game Informer et de l’industrie vidéoludique n’ont pas tardé à se faire entendre sur X, partagées entre fulmination exaspérée et litanie emplie de tristesse et d’amertume. Voici les mots de Ben Hanson (ex-producteur vidéo pour le magazine) et ceux de Michal Nowakowski (co-PDG de CD Projekt Red), traduits par nos soins :
« Je suis furieux à propos de la fin de Game Informer. Ce fut une période incroyable ayant duré 33 ans et GameStop nous sort ce message d’adieu vide et bidon. Je suis prêt à parier qu’il a été écrit par une IA. Va te faire foutre, GameStop et un énorme va te faire foutre à Ryan Cohen. » – Ben Hanson sur X
« C’est la fin d’une époque et cela m’attriste énormément de voir cette nouvelle. Je me souviens de l’enthousiasme avec lequel nous avions reçu cette couverture avant le lancement de The Witcher 3. Game Informer était là au tout début de l’industrie et il est difficile d’imaginer que ce ne sera plus le cas… » – Michal Nowakowski sur X
Une perte tragique de plus pour la presse en ligne et papier, encore une fois sacrifiée sur l’autel du profit et de la rentabilité. Plus globalement, c’est un organe important de l’industrie qui rend son dernier souffle, laissant derrière elle une presse spécialisée à l’agonie, et déjà criblée de balles.
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