Pour beaucoup de gens, l’eSport est une compétition illusoire jouée par des adolescents coincés devant leur ordinateur ou leur console. Mais cette image de sous-discipline sportive commence petit à petit à s’éroder pour faire place à un véritable business. Nombreux sont les clubs sportifs qui investissent dans le sport électronique, comprenant sans doute que les opportunités y sont multiples. Les stades se remplissent, l’audience augmente et l’eSport se fait petit à petit une place dans le monde du divertissement. Décryptons ensemble la recette d’un succès grandissant !
L’eSport : un succès inattendu !
L’eSport d’aujourd’hui en quelques chiffres
Il est bien loin le temps où l’eSport n’intéressait que quelques geeks par-ci par-là. Aujourd’hui, les chiffres d’audience et le money prize en font un concurrent des grandes compétitions sportives. Bien sûr, il faut se montrer prudent avec les chiffres et ceux-ci sont parfois enjolivés pour montrer le beau côté des choses. Cependant, ils sont tout de même le reflet d’une tendance qu’on ne peut nier : il n’est plus marginal du tout de regarder des compétition de sport électronique !
En matière d’audience, la finale de la coupe du monde 2016 de League of Legends a enregistré un pic d’audience de 14,7 millions de spectateurs contre 14 millions en 2015. L’audience moyenne de toute la compétition se situait entre 4 et 5 millions, ce qui montre tout de même que la finale n’est pas le seul intérêt du public. League of Legends n’est pas l’unique jeu à montrer de beaux chiffres d’audience même s’il est largement au-dessus des autres jeux. Ainsi, Counter-Strike: Global Offensive enregistrait 1,6 millions de téléspectateurs simultanés aux CS:GO Major 2016. L’eSport reste certes en-dessous de beaucoup de grands événements sportifs mais se défend tout de même assez bien et ces chiffres, soyons-en sûrs, ne feront qu’augmenter.
Qu’en est-il de l’eSport français ? La France ne fait pas exception à cet engouement même s’il reste bien moins élevé qu’en Asie. On estime qu’en 2016, 1,4 millions de Français regardaient les compétitions de sport électronique. Ces spectateurs ont moins de 35 ans pour la majorité d’entre eux, avec un tiers des spectateurs ayant entre 25 et 34 ans.
Aujourd’hui, des compétitions comme la coupe du monde de League of Legends se jouent dans de grands stades comme le Stade national de Séoul (66 704 spectateurs) en 2014, la Mercedes-Benz Arena de Berlin (17 000 spectateurs) en 2015, le Staples Center de Los Angeles (21 000 spectateurs) en 2016 ou le nid d’oiseau de Pékin (80 000 spectateurs) cette année.
En termes économiques, Riot Games a distribué 6,7 millions de dollars aux équipes lors de la coupe du monde 2016, dont 40% revenaient à l’équipe gagnante, SK Telecom T1. 1,5 million de dollars a été versé pour la coupe du monde 2016 de Counter Strike: Global Offensive, 1 million de dollars pour celle de Hearthstone et 500 000$ pour celle de Starcraft II. Tous ces chiffres montrent bien que l’eSport atteint, tant au niveau de l’audience que du montant des récompenses, le rang de sport business.
De joueurs de salon à légendes
Une telle notoriété permet à certains joueurs de devenir, pour le public, de véritables légendes. Tout comme il existe des joueurs de football adulés par les spectateurs, l’eSport lui aussi possède son lot de « dieux du stade ».
Puisque League of Legends est la discipline qui montre les meilleurs chiffres, intéressons-nous à celui que le public surnomme « Dieu » : le joueur coréen Lee Sang-hyeok dit « Faker ». 3 fois champion du monde, 3 fois champion de Corée… le palmarès de ce jeune joueur, âgé d’à peine 20 ans, est impressionnant. Faker joue au poste de midlaner pour l’équipe de SK Telecom T1, équipe pour laquelle il a toujours joué. Connu pour ses « outplays », il s’est bâti une réputation de joueur aux capacités surhumaines et à l’ego surdimensionné.
Parlons peu, parlons argent : on estime que Faker, reconnu par la plupart des joueurs et fans comme le meilleur joueur de League of Legends au monde, toucherait 2,5 millions d’euros par an rien que pour son salaire. À cela s’ajoutent les contrats publicitaires qui sont petit à petit obtenus par les eSportifs. Nous sommes encore loin du salaire mirobolant de certains sportifs, mais beaucoup se contenteraient aisément de ces quelques millions pour exercer leur passion !
Certains joueurs sont donc bien loin de l’idée d’un geek marginal mais deviennent aujourd’hui de véritables stars.
De la webcam aux écrans de télévision
Si les joueurs gagnent en notoriété, il s’agit alors de soigner l’image du « geek ». Ces sportifs électroniques, outre leur habileté au jeu, doivent se montrer sous leur meilleur jour face aux caméras. Il est loin le temps où les joueurs de jeux vidéo n’étaient visibles que par des webcams : ils sont désormais des modèles pour beaucoup de jeunes à l’heure actuelle. De plus, de nombreuses initiatives mettent aujourd’hui l’eSport sur le devant de la scène en l’amenant sur les écrans de télévision. Citons par exemple la chaîne e-NETWORK, dédiée uniquement au sport électronique.
Certains joueurs se rendent alors compte qu’ils doivent soigner leur image pour eux-mêmes et pour le public. C’est le cas, par exemple, de Yellowstar, ancien joueur français de League of Legends pour l’équipe Fnatic et aujourd’hui « Head of eSport » au PSG. Au début de sa carrière, il représentait tout à fait l’image que l’on peut avoir d’un gamer, un jeune garçon un peu rondouillard. Mais, plus il devenait connu, plus cette image commençait à le gêner. Yellowstar est donc devenu un adepte de la salle de sport et de la nourriture saine, et a perdu 35 kg en 1 an à peine. Aujourd’hui, de nombreux joueurs suivent son exemple et montrent aux caméras l’image de gamers sportifs.
Mais les équipes d’eSport vont plus loin encore. Aujourd’hui, la plupart des équipes professionnelles ont un staff assez vaste et proche de celui des grandes équipes sportives. Psychologues, nutritionnistes, analystes, coachs… Le suivi des joueurs se fait donc plus intense et leurs performances s’en améliorent bien souvent. C’est le cas pour l’équipe de Counter-Strike: Global Offensive d’Astralis, récemment championne du monde, qui doit une part de ses performances à la présence d’une psychologue du sport dans le staff.
Le nouveau terrain de jeu des grands clubs
Un monde en pleine extension comme celui de l’eSport attire forcément de nombreux investisseurs. Si la plupart font partie du monde du jeu vidéo et de la technologie, certains sont plus surprenants. L’exemple le plus marquant est très certainement celui des clubs sportifs, montrant au public que le « sport » dans eSport veut bien dire quelque chose !
Beaucoup de clubs de football ont investi dans le monde de l’eSport via le jeu FIFA. Faire représenter leur équipe dans les compétitions de football électronique est certainement un plus. Un exemple récent de ce phénomène est celui du partenariat entre l’AS Roma et l’équipe Fnatic FIFA.
Mais de nombreux clubs de football s’intéressent également à d’autres jeux. Beaucoup, évidemment, se tournent vers celui qui a le plus de succès : League of Legends. Le club Schalke 04 a lancé la mode en rachetant et renommant l’équipe d’Elements aux LCS (League of Legends Championship Series) en 2016. Depuis, d’autres clubs se sont lancés dans l’aventure, comme le PSG qui possède, depuis cette année, une section eSport dirigée par Yellowstar, l’ex-star de League of Legends dont on vous parlait ci-dessus.
Même si, pour l’instant, le PSG et Shalke ne réussissent pas encore sur les plus hautes scènes (tous les 2 sont coincés en Challenger Series EUW), on peut se demander si de telles équipes ne vont pas accentuer l’ascension économique de l’eSport. Si les équipes de football sont prêtes à investir autant dans l’eSport que dans le marché des transferts footballistiques, les sommes énoncées en début d’article risquent fort d’augmenter.
Les équipes de football ne sont pas les seules à être tentées par le sport électronique. Les Miami Heat par exemple, une équipe de NBA, se sont associés à l’équipe d’eSport de Misfits.
La construction d’un empire : l’exemple de Fnatic
Les équipes sportives investissent certes de plus en plus dans les équipes eSportives, mais certains clubs d’eSport ont déjà constitué de véritables empires. À l’instar du FC Barcelone et du Real Madrid, quelques clubs de sport électronique se développent dans de multiples disciplines. SK Gaming, Fnatic, Misfits… ces clubs ont des équipes dans la plupart des jeux réputés pour la compétition. Nous nous attarderons ici sur une des équipes avec le plus de réussites sur de multiples jeux : Fnatic.
Fnatic entraîne des équipes sur 5 jeux différents : League of Legends, Counter Strike: Global Offensive, Heroes of the Storm, Dota 2 et Overwatch, sans oublier les joueurs de jeux individuels. Le plus impressionnant est certainement que beaucoup de ces équipes fonctionnent assez bien et collectionnent un palmarès impressionnant.
L’année 2017 n’est pas une année à succès pour la franchise mais revenons tout de même sur les nombreux succès de Fnatic au cours des années. Commençons par l’équipe Fnatic de League of Legends. Cette équipe fut la première championne du monde de League of Legends, avant l’hégémonie des équipes asiatiques. Ils ont d’ailleurs su se qualifier à 5 des 6 éditions de cette coupe du monde. Ils ont également été 5 fois champions d’Europe, rien que ça !
Sur Counter Strike: Global Offensive, Fnatic a remporté en 2013 la Dreamhack Winter. En 2015, ils s’imposent aux ESL Katowice et aux ESL Cologne (des compétitions organisées par ESL, une grande compagnie d’eSport). Pour les trois autres disciplines, Fnatic n’a pas autant de succès mais ses équipes perdurent et gardent une très bonne réputation.
En plus de ces équipes, Fnatic possède également des équipes « Academy », pour Counter Strike: Global Offensive et League of Legends notamment. Ce sont des équipes de formation et de recherche de nouveaux talents comme font les grands clubs sportifs. Fnatic, comme un certain nombre d’autres équipes eSportives, est donc une véritable franchise, un empire du sport électronique !
Conclusion
De passion marginale à véritable discipline sportive, l’eSport a fait beaucoup de chemin durant ces dernières années. Le temps où les compétitions se jouaient dans des petits cybercafés est bien loin. Aujourd’hui, l’eSport remplit des stades et de nombreux canapés devant les écrans de télévision. L’évolution économique et l’arrivée de nouveaux investisseurs montrent que ces disciplines ne peuvent qu’avoir un avenir radieux et que les chiffres impressionnants de l’audience actuelle ne sont qu’un aperçu du futur. Les grands joueurs deviennent des icônes, les grandes équipes des empires, l’eSport fait et fera encore beaucoup rêver !