Cela fait bien longtemps que nous ne vous avions pas parlé d’un ouvrage de chez Pix’n Love. Quoi de mieux alors qu’une saga culte du manga pour retrouver les belles pages et les beaux mots des auteurs de la boite d’édition française. Cette saga c’est celle de Dragon Ball, l’un des mangas les plus populaires au monde qui continue aujourd’hui de sortir de nouveaux récits, et ce, 35 ans après sa première parution dans le magazine Weekly Shonen Jump.
Akira Toriyama et Dragon Ball – L’homme derrière le manga n’est d’ailleurs pas un historique ou un livre se concentrant sur la création de l’oeuvre, mais plus sur son auteur. Une plume aussi géniale que discrète, ne se montrant que très rarement en public et esquivant tout bain de foule comme on évite la peste. Un être humble et fier que le journaliste du journal Le Monde William Audureau nous invite à découvrir dans un ouvrage très intéressant.
Comme d’habitude avec Pix’n Love, l’ouvrage en question est de très bonne qualité de conception et de finition. Les pages sont belles, bien agencées et très agréables au toucher avec ce côté glacé dont on ne se lassera jamais. Point d’illustration ici, ce n’est pas le but, mais des mots, des phrases qui se savourent comme un délicieux verre de vin au coin d’un feu par une froide soirée d’hiver. Pas de doute, Pix’n Love justifie le prix par de la qualité et si vous parvenez en plus à mettre la main sur la magnifique édition reliée, vous avez tout gagné.
C’est l’histoire d’un mec
Ce qu’il y a de très intéressant dans la façon dont est monté l’ouvrage, ou plutôt agencé, c’est qu’il trace un parallèle entre l’évolution de la saga Dragon Ball et de son auteur. On comprend vite que l’homme est intimement lié à sa création, parvenant autant à l’aimer que la détester, et ce, sans jamais la renier pour autant. Il y a autant de Dragon Ball dans Toriyama qu’il y a de Toriyama dans Dragon Ball et c’est l’une des réussites de ce livre : réussir à nous faire comprendre le pourquoi du comment, sans jamais nous perdre en route.
Car au-delà de lier l’oeuvre à son auteur, William Audureau nous permet de le découvrir et de suivre son évolution de son enfance à aujourd’hui. Ces premiers amours cinématographiques, sa passion pour le dessin et les histoires, mais aussi son attachement à sa campagne, son terroir, qui a forgé l’homme qu’il est devenu et déteint dans ses écrits aussi discrètement que justement. La destruction systématique de l’urbain dans Dragon Ball Z n’est pas anodine, tout comme le thème de l’écologie qui revient presque systématiquement.
Toriyama n’est pas un citadin. Il n’aime pas la foule, le bruit, le brouhaha des grandes métropoles. Il préfère la tranquillité de la campagne, les panoramas dégagés et la vie insouciante des contrées reculées du Japon. Il grandit dans une famille pauvre, comme presque tous les Japonais de cette époque, mais aussi dans un pays qui se relève tant bien que mal du traumatisme de la Seconde Guerre mondiale. Il se découvre un amour très tôt pour le dessin et encore plus après avoir vu les 101 Dalmatiens de Disney au cinéma, la façon avec laquelle les dessinateurs parviennent à imager les corps en mouvement le fascine.
On y découvre donc sa vie, de ses premiers dessins à l’école jusqu’à la consécration Dragon Ball, en passant par ses passages à vide et des choses plus intimes liées à son physique et son manque de sociabilité. On y apprend que oui, Dragon Ball est l’oeuvre d’une vie, mais ce n’est pas celle qui le caractérise le plus. Son cœur porte en son fond un certain Dr Slump, plus authentique et parfois même autobiographique, Toriyama n’aura de cesse de crier son amour pour sa première véritable création qui fut un joli succès, mais engloutie par celui de Dragon Ball après lui. Car il est n’est pas un auteur dramatique, mais un humoriste, un écrivain comique qui aspire à donner de la joie et faire rire, et cela transparaît dans les premiers pas de Goku, beaucoup moins par la suite.
Et c’est là tout le drame de l’existence du monsieur. Devenu star malgré lui, il se doit de livrer la suite des aventures de Son Goku et de ses amis, en mettant de côté son amour pour Dr Slump et ses envies d’autres choses. Presque comme par obligation, il écrit et dessine la vie adulte de son héros en mode automatique, avec certes de grandes idées, mais l’innocence, l’enthousiasme et le côté loufoque de Dragon Ball disparaissent au fur et à mesure que l’on avance dans Z. Ce n’est pas pour rien que l’auteur tue son héros dès le premier combat face à Raditz, il nous fait comprendre aussi que rien ne sera jamais plus comme avant et qu’il faut oublier le passé et embrasser un avenir plus sombre et terre à terre.
Mais c’est aussi ce qui rend Dragon Ball Z unique. Il en transpire un profond amour de la part du mangaka, car il aime ses personnages, ses histoires et continue malgré le côté plus formel et moins audacieux de sa saga de mettre en avant des thématiques qui lui tiennent à cœur. Toriyama s’arrêtera un temps après l’arc Boo, probablement le plus Dragon Ballien de toute la saga Z, et regardera d’un œil critique la suite des événements, avant de revenir et d’essayer de sauver des meubles bien pourris par toute la saga GT. Oui, il aime sa création, mais il en est aussi l’esclave, car comme tout bon père, il continue et continuera à veiller dessus jusqu’à rendre son dernier souffle.
Nous pourrions alors continuer à vous parler des heures et des heures de ce que ce livre des éditions Pix’n Love nous a appris, car si certaines anecdotes sont connues, Toriyama est toujours entouré d’un voile mystérieux, lui qui évite autant que possible les sorties publiques. Audureau nous propose de découvrir l’homme derrière le mangaka, celui qui créa l’un des plus grands mangas de tous les temps, tout en ayant envie d’autres choses. Il en a fait sa prison dorée avec une fenêtre donnant sur l’ailleurs, mais de cet ailleurs il n’a pu en toucher que des bribes dont Audureau parle aussi.
Enfin, nous ne pouvons que vous inviter à dévorer Akira Toriyama & Dragon Ball – L’homme derrière le manga. Car cette analyse de l’auteur étayée par des témoignages et interviews est une véritable plongée dans la vie d’un homme commun devenu l’un des auteurs les plus respectés du Japon, le porte-drapeau du manga dans le monde.
Audureau parvient à nous démontrer tout le génie de ce personnage, tout en analysant son oeuvre, ou plutôt ses œuvres, car il n’y est pas que question de Dragon Ball, et il y parvient en creusant sa psychologie, tout en revenant sur ses racines. Une réussite que nous n’avons fait qu’effleurer dans cet article, histoire de vous laisser découvrir par vous-même tous les tenants et aboutissants de ce biopic non-officiel.
Akira Toriyama et Dragon Ball – L’homme derrière le manga de William Audureau
- Éditeur : Pix’n Love
- Date de parution : 04 / 04 / 2019
- Prix conseillé : 24, 90€
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