Sorti depuis tout juste un an au Japon, Penguin Highway a fait doucement son chemin, mais arrive enfin dans les salles françaises ce mercredi, paré d’un nouveau titre un peu bateau : Le Mystère des Pingouins. Un beau succès pour le premier film des studios Colorido, qui ont pris des risques avec un film un peu différent. Car derrière son pitch drôle, mignon, et décalé, se cache en vérité un film plus profond qu’il n’en a l’air, susceptible de plaire encore plus aux parents qu’aux enfants.
Nut ! Nut !
C’est l’été, et bientôt les vacances pour le jeune Aoyama. Jeune garçon très curieux, peut-être un peu surdoué, Aoyama est passionné de sciences et compte les jours qui le mèneront à l’âge l’adulte. Dans sa classe, on trouve notamment Uchida, son meilleur ami, souffre-douleur de Suzuki, la terreur de la classe. Lui, toujours affublé de ses deux compagnons aussi bêtes que méchants, est secrètement amoureux de Hamamoto, joueuse d’échec hors pair, fille d’un scientifique.
Une classe d’école primaire comme il en existe des millions, dont le quotidien sera bouleversé par un événement surprenant : tout d’un coup, des pingouins ont fait leur apparition en ville. D’où viennent-ils ? Que sont-ils venus faire là ? C’est le mystère que va tenter de résoudre Aoyama, aidé de Uchida, d’Hamamoto et de la jolie (mais, hélas, trop grande pour lui !) assistante du dentiste. Une enquête qui le mènera à découvrir des phénomènes plus étranges encore, qui mettront même la ville tout entière en danger.
Les Mystères de l’Amour
Le Mystère des Pingouins est tiré d’un roman de Tomihiko Morimi, inédit chez nous, qui a remporté le Grand Prix Nihon SF récompensant des œuvres japonaises de science-fiction (romans, mais pas que). Le choix d’en faire une adaptation en film d’animation donne une couleur plus floue au genre. Est-on vraiment dans un film de science-fiction ? Ce qu’on voit à l’écran arrive-t-il vraiment aux personnages ? Le film entretient d’une certaine manière l’incertitude à ce sujet.
Car au-delà d’une histoire fantastique, c’est surtout un roman d’apprentissage. Au cinéma, les vacances d’été sont souvent une période de transition vers l’âge adulte. En animation, on pense par exemple aux Souvenirs de Marnie, des studios Ghibli, sorti en 2014, qui partage de nombreux points communs avec Le Mystère des Pingouins. Mais c’est vrai aussi pour le cinéma traditionnel, de Stand By Me (Rob Reiner, 1986) à L’Été de Kikujiro (Takeshi Kitano, 1999), en passant par… Dirty Dancing ! (si, si !). Au terme de son aventure, le jeune héros découvrira bien plus de choses sur lui-même, sur la vie, que sur les pingouins !
Il en ressort une couleur un peu mélancolique, douce-amère. Un peu comme pour ces pingouins, mignons et rigolos, mais dont les grands yeux sans cesse écarquillés trahissent une sorte de détresse. Ils ne seront d’ailleurs pas épargnés pendant le film… Sans trop en dévoiler, c’est au prix de rêves et d’illusions enfantines qu’Ayoama grandira.
Futur classique ?
Techniquement, les studios Colorido ont fait le choix d’un mariage 2D et 3D particulièrement réussi. Les personnages s’intègrent avec beaucoup de naturel dans les environnements, et la 3D permet au film d’oser des mouvements de caméra qui auraient été compliqués à réaliser en 2D. Mais surtout, ce mélange participe au flou qui plane sur le film, entre rêve et réalité, entre souvenirs et avenir. Les personnages arborent ainsi un look indubitablement anime, quand les décors sont eux parfois extrêmement photoréalistes.
Si quelques hérétiques amateurs de sarcasmes réduiront le film à “un manga avec des pingouins”, ce dernier s’inscrit toutefois dans une certaine tradition du cinéma. Il convoque ainsi entre autres Stanley Kubrick et son 2001, L’Odyssée de l’Espace avec une figure qui ne sera pas sans rappeler le monolithe noir ; les studios Ghibli, inévitablement, puisqu’on va beaucoup penser à Marnie, évoqué plus haut, mais aussi à la révolte de la nature dans Princesse Mononoke, ou encore aux rencontres étranges que fera Chihiro ; mais le film cite aussi de grands classiques du cinéma comme La Maman et la Putain, de Jean Eustache, auquel il emprunte en le renouvelant étonnamment le thème du triangle amoureux.
Une belle réussite pour Hiroyasu Ishida, dont c’est le premier long métrage, et qui, tel Aoyama, passe peut-être lui aussi, en tant que réalisateur, à une sorte d’âge adulte grâce à ce Mystère des Pingouins !
Ce fut une jolie surprise que ce Mystère des Pingouins. Doté d’une technique et d’une direction artistique tout ce qu’il y a de réussies, le film nous étonne aussi par sa thématique baignée de mélancolie autour de la fin de l’enfance. À ce titre, il sera presque plus à conseiller aux adultes qu’aux enfants !
Ne vous laissez pas berner par un marketing axé sur la bonhomie des pingouins du titre… Souligné par la chanson du générique, Good Night, interprétée par Utada Hikaru (et extraite d’Hatsukoi, son dernier album en date), il y a une très forte probabilité que Le Mystère des Pingouins vous arrache une petite larme lors du générique de fin !