Ce mercredi marquait l’arrivée au cinéma du premier film du MCU de cette année. Doctor Strange in the Multiverse of Madness introduit, comme son titre l’indique, le Multivers dans les salles obscures.
Évoqué brièvement dans Spider-Man: No Way Home, mais surtout dans les différentes séries Marvel (Wandavision, Loki), le croisement des réalités et des univers est au cœur du film, et, on imagine, de la phase 4 du MCU. Et il faut admettre que ce Doctor Strange in the Multiverse of Madness apporte son lot de changements notables…
(Critique garantie sans spoilers Critique honnête à chaud, incluant des images issues des différentes bandes-annonces, et qui pourra éventuellement vous contrarier)
“This is me being reasonable” – Quand Sam Raimi se déchaîne
Oubliez le gigantisme et l’esthétique léchée d’Avengers Endgame, la bande-son pop-rock et l’humour parfaitement dosé des Gardiens de la Galaxie, ou encore le ton léger d’un Spider-Man. En fait, abandonnez même l’idée d’aller voir un film Marvel : le spectacle sera avant tout un film de Sam Raimi.
S’il est connu pour avoir notamment réalisé la première trilogie Spider-Man, il a aussi un penchant assumé pour les films d’horreur (Evil Dead, Jusqu’en enfer, etc.). Et c’est cette patte si caractéristique qui transparaît durant tout le film, que ce soit dans les plans de caméra tremblants, les jump scares, et cette ambiance sombre et pesante tout du long.
Pour peu, on se croirait dans un film d’Halloween, ce qui nous perturbe et nous plaît tout à la fois : nous ne nous attendions vraiment pas à ça. Les personnages principaux, Dr Strange et Wanda/La Sorcière Rouge, donnent à voir les côtés les plus sombres de leurs personnalités, tandis qu’ils sont confrontés à leurs démons. L’excellent jeu d’acteur des deux vedettes phares, Elisabeth Olsen et Benedict Cumberbatch, vient accentuer l’ambiance si dérangeante du film qui trouve son humour dans l’étrange.
Le choix de Sam Raimi à la réalisation est on ne peut plus pertinent, et le film dénotera pour longtemps dans le MCU de par son esthétique et son aspect glauque. Le réalisateur apporte une fraîcheur certaine dans les schémas trop classiques des films de super-héros, donne une véritable identité au film, et ça, ça fait plaisir.
Malheureusement, il incombe aussi à Doctor Strange in the Multiverse of Madness la tâche de faire le lien entre de très nombreux éléments du MCU, et le film se retrouve à devoir jongler entre son statut de véritable starter de l’ère post Thanos, et son côté complètement dérangé.
Lost in Madness – Un multivers de nuances de gris
Là où les derniers films du MCU avaient la liberté d’introduire de nouveaux personnages (Shang-Chi et la Légende des Dix Anneaux, Les Éternels), ou de conclure leurs aventures de la façon dont ils le souhaitaient (Black Widow, Spider-Man: No Way Home), il n’en va pas de même pour ces secondes aventures de Doctor Strange. En plus de devoir combiner les différentes histoires du MCU, Stephen Strange récupère le flambeau de héros taciturne et charismatique d’Iron Man, et le poids de l’héritage des Avengers. Voilà qui n’est pas tâche aisée, surtout lorsque le film souhaite se démarquer.
Le scénario, sans être brouillon, nuit aux personnages qu’il met en scène. En face de celui de Strange, le traitement apporté aux autres protagonistes, et notamment à Wanda, est bien trop fade, et l’évolution des personnages tend trop souvent vers le caricatural. Des héros, pourtant (très) intelligents, font preuve d’un manque de logique flagrant dans des situations de crise, et c’est navrant.
L’intérêt du Multiverse est bien exploité : les mondes que l’on découvre sont cohérents et riches. Pourtant, on ne peut réprimer ce sentiment que tout est utilisé pour faire avancer l’histoire (trop vite !) dans une seule direction. Par ailleurs, il est navrant que les seules vraies surprises tiennent du fan service ou du jump scare, plutôt que des plot twists.
L’issue des séquences se devine à des kilomètres, tant la facilité prime, et c’est bien dommage. Car autant le film brille par son ambiance, autant sa construction laisse à désirer. Sans s’attarder sur le scénario, les plans de caméra sont trop variables : on se balade entre une esthétique raffinée sur certains plans larges, et des gros plans avec une caméra tremblant dans tous les sens. Quid de la cohérence ? Elle a disparu au profit de la folie des personnages.
De leur côté, les scènes de combats rapprochés sont décevantes, que ce soit dans la chorégraphie ou dans la façon dont elles sont filmées. Quant à l’identité visuelle très inspirée du premier opus, et notamment de la dimension miroir, elle n’est presque plus présente. Malgré tout, l’esthétique travaillée de certaines scènes marque, et la réflexion qu’il y a eu sur la photographie transparaît clairement.
On est finalement un peu perdu durant le film entre le côté kitsch assumé, signature des films d’horreur de Sam Raimi, et le cahier des charges habituel de l’industrie Marvel. Pour autant, et malgré ses travers, il serait dommage de passer à côté de ce Doctor Strange in the Multiverse of Madness qui brille dans les moments où le bizarre prend le dessus, et rend hommage à son titre, très bien choisi. Pour une fois qu’un Marvel tente de sortir des carcans habituels, profitons-en.