Peu de mangas actuels relatent l’histoire du retro-gaming, tendance en vogue depuis seulement quelques années. Pourtant nombre de joueurs, et plus généralement fans de culture japonaise rêveraient de vivre une alliance « manga » et « jeux rétro ». Le pari reste assez risqué, puisque la thématique se doit d’être authentique, pour ne pas décevoir les puristes. BIP-BIP BOY, c’est « l’histoire d’un loser né avec des pixels à la place des neurones ». Véritable autobiographie « cachée » du mangaka Rensuke Oshikiri (High Score Girl, sur Netflix), « nous fait revivre avec un cynisme mordant l’enfance d’un loser gamer dans les années 1980 au Japon ». Consultez dès à présent notre avis sur Bip-Bip Boy.
Une bande de copains pires que des moustiques à jeux vidéo
BIP-BIP BOY c’est la conquête des bornes d’arcade par une bande d’adolescents. L’arrivée en premier devant les stores fermés pour la pré-commande d’un Final Fantasy. Tant de topos qui rappelleront avec humour des situations que nous, grands geeks, avons pu vivre. Des gamins fauchés, des parents en désaccord, des amitiés et des clans rythment le manga où le jeu vidéo prend une place centrale. Dans ce premier tome, l’univers est ciblé sur une bande de 3 copains dits « merdeux » et repoussants, et dont l’unique but est de se chauffer les doigts sur des manettes. La vie de notre héros est bien évidemment détaillée de par cette biographie déguisée, dont le premier tome est clairement consacré à l’enfance du héros. Les révélations de son amour pour la Famicom, sa première console, à l’instar de l’amour pour une fille, apportent une touche décalée d’un stéréotype controversé.
Le message se veut clair : un vrai geek n’a pas le temps d’entretenir une relation en parallèle de sa passion, ce qui laisse place à des situations plutôt comiques, où les filles ne peuvent comprendre cette bande d’extraterrestres. La passion est telle pour les jeux vidéo que le lecteur devient admiratif de la persévérance du héros qui connait de nombreux échecs : la pluie inattendue frappant lors de sa route vers les magasins de jeux en vélo, le manque d’argent qui limite son temps de jeux, les autres garçons qui se battent la zone des bornes d’arcade. L’univers du manga se veut clairement mature, comme le souligne l’éditeur Omaké Manga, le ton est plutôt cru et osé, ce qui peut paraître paradoxal avec l’âge des garçons qui ne dépasse pas 10-11 ans au début du manga. Mais ce ton permet réellement d’ajouter une touche d’humour au récit dédié principalement aux adultes se reconnaissant dans les scènes décrites.
La critique et notre avis de BIP-BIP BOY Tome 1 & 2
Le manga est clairement bien rythmé dans une progression d’apprentissage du héros, de son plus jeune âge, à son âge adulte débutant à la fin du tome 1 et donc au début du tome 2. Tout ce cheminement se fera autour d’un narrateur subjectif, relatant des faits réels, lui étant arrivés dans le passé. C’est là le côté touchant du manga qui se veut le plus authentique possible avec des scènes précises, à la fois comiques, mais aussi dramatiques. L’auteur souhaitait aussi dénoncer cruellement les bagarres de gangs présentes dans les écoles japonaises qu’il a vécues, d’où parfois certaines scènes violentes entre les enfants. Néanmoins, et heureusement, le thème principal de ce manga n’est pas la violence, ou les combats de rue, mais bel et bien les jeux vidéo, présents en grande partie de la Famicom à la PlayStation 2, cette chronologie est appréciable pour les puristes pouvant se reconnaître dans toutes les gammes de consoles. Et pour sûr, les jeux vidéo prennent une place importante devant l’école, qui curieusement n’a pas cette approche élitiste que l’on pourrait penser au Japon.
C’est ainsi par son récit que Rensuke Oshikiri offre cette vision du « loser » et de sa bande de potes squattant les bornes d’arcade, séchant alors les cours pour jouer. Les jeux évoqués sont principalement issus des univers de combat, dont Virtua Fighter, évoqué à plusieurs reprises. L’occasion alors de vous faire à nouveau découvrir l’univers de la Mega-Drive.
Cette passion du jeu vidéo devient vite une obsession, et l’auteur ne va pas minimiser sa folie en décrivant avec ardeur les jeux « IRL » qu’il réalisait avec ses amis d’école : « là je joue à Super Mario Bros. IRL, on squattait les égouts pour s’inventer des décors ». Le seul hic, c’est qu’à force d’user des mêmes thèmes, le lecteur tombe dans une redondance, où l’acquisition des dernières consoles, et les bagarres extra-scolaires vont TROP rythmer le cœur du manga au dépend d’une réflexion que l’on aurait imaginée plus personnelle de la part du héros… On regrette également le manque d’introspection dans les personnages entourant le héros, leur présence est typiquement décorative, leurs portraits n’étant pas développés. Le tome 2 s’achèvera en 2011 sur une morale peut-être un peu trop « clichée » d’un « Bip-bip boy » tourné vers des remords et des regrets : « si j’avais peut-être un peu plus bossé, j’aurais peut-être vu le monde différemment ». Le tome 3 révèle alors d’ores et déjà une touche moderne, s’approchant possiblement de nos dates actuelles avec la PS4 ou la Switch, et signera la fin de cette série.
Et c’est ainsi, que le mangaka, soucieux des détails nous offre des dessins à couper le souffle avec des consoles et des cartouches de jeu plus vraies que nature. Cependant, le style exagéré des personnages peut ne pas plaire à tout le monde, les traits du visage sont extrapolés, voire flippants, d’où, on le souligne à nouveau, ce côté mature, réservé à un public averti. Les contrastes assombris auraient également pu être un peu plus nuancés, de manière à cadencer les visuels au lieu de les concentrer uniquement sur les cheveux des protagonistes. Autant les consoles ont été crayonnées avec brio, autant les décors manquent peut-être de saveur, les ornements restent succincts et cela est bien dommage pour se projeter physiquement dans les salles d’arcade des années 80.
Notre avis ?
BIP-BIP BOY saura combler les nostalgiques du retro-gaming, et les passionnés de la culture nippone au sens large du terme. L’on aura bien retenu l’approche mature du manga qui pourra freiner certains lecteurs à se lancer dans l’aventure. De par ses traits de crayon durcis, et cyniques, le manga n’est en effet clairement pas destiné à un public jeune ne pouvant s’identifier à ce style particulier. Mais par cet air atypique, et ses situations loufoques, BIP-BIP BOY et particulièrement son auteur, vous feront découvrir les moments difficiles d’un artiste vous transportant pleinement dans une partie intime de sa vie. Si vous êtes encore réticent à l’idée de franchir le cap, n’hésitez pas à consulter cet extrait gratuit de BIP-BIP BOY pourvu de visuels en HD. Chaque tome dispose de 140 pages pour le prix de 7€50 disponible au rayon Seinen de votre librairie la plus proche. Le tome 3 sera quant à lui disponible le 4 juillet, et nous sommes déjà ravis à l’idée de vous proposer la critique de la conclusion de cette série.
- BIP-BIP BOY de Rensuke Onikiri – Tome 1 et 2
- 140 pages – 7€50 par volume
- Édité par Omaké Manga, disponible depuis le 7 mars 2019. [Site Officiel]