« Chers joueurs, nous aimerions nous excuser sincèrement pour l’expérience décevante que nombre d’entre vous ont eue avec The Lord of the Rings: Gollum depuis sa sortie. Nous prenons acte, et regrettons, que le jeu n’ait pas été à la hauteur des attentes que nous nous sommes imposées, pour nous, et pour notre communauté dévouée. Veuillez, s’il vous plaît, accepter nos plus sincères excuses pour toute déception que nous aurions pu causer. »
Ce texte, publié par les développeurs de The Lord of the Rings: Gollum, semble sans doute familier à bien des joueurs, et pour cause, il semble que ce soit devenu une habitude depuis quelques années que de présenter des excuses ô combien sincères après avoir lancé un jeu, tout en sachant parfaitement qu’il serait vendu en dépit de nombreux problèmes qui affecteront l’expérience de jeu de celui ou celle qui l’achètera. Cyberpunk 2077, Blood Bowl 3, Redfall, GTA Trilogy Definitive Edition, Overwatch 2, Tales of Symphonia Remastered… La liste est longue, sans doute trop. Et probablement appelée à s’enrichir de futurs titres.
Mais qu’importent donc ces excuses, quand elles sont formulées auprès de gens qui ont déjà dépensé des dizaines d’euros dans un produit qui se retrouve instable et injouable, ou bien se trouve être guère plus qu’un jeu famélique, désossé de contenu qui aura été placé derrière des microtransactions (comme, imaginons, sans exemple particulier en tête, un jeu situé dans l’univers du Seigneur des Anneaux avec des lignes de dialogues elfiques vendues en tant que DLC) ? Que valent-elles lorsque formulées par ceux qui maltraitent constamment la confiance que placent les consommateurs dans leurs produits ? Que valent-elles, une fois l’argent empoché et soigneusement gardé ? Pas grand-chose ; l’hypocrisie, tant dans le fond que dans la forme, étant insupportablement évidente.
Nous savons, certes, que l’industrie du jeu vidéo a considérablement gagné en croissance et poids économique depuis des décennies, que les jeux AAA sont des productions gigantesques, semblables à la production de long-métrages, dans lesquelles des sommes considérables sont investies pour les mener à bien. Depuis la préproduction jusqu’à l’édition, en passant par la conception d’arts, de modèles en 3D, de très nombreuses lignes de code pour des milliers de scripts, sans compter le doublage des personnages ou la création d’une musique originale, la création d’un jeu est un écosystème entier qui fait appel à de nombreuses industries et secteurs d’activité, chacun intervenant avec ses propres contraintes, mais aussi ses propres conditions.
Lorsque des millions d’euros sont investis, il est compréhensible que ceux qui soutiennent ces projets s’attendent à en tirer des bénéfices à un moment donné, d’une manière ou d’une autre. Sans doute que cette pression, précisément, est si forte qu’elle pousse les studios, et certains producteurs, à faire des choix, qui vont s’avérer mauvais pour le consommateur en termes d’expérience de jeu, mais nécessaires pour conserver le soutien des investisseurs.
Il peut s’agir de choix prudents, comme diminuer l’ambition associée à un jeu en retirant des mécaniques prévues et en se rapprochant de formules dont on sait qu’elles sont vues et revues, mais que, justement, elles ne dépayseront pas les joueurs. Il peut s’agir aussi d’un besoin de limiter les coûts, par manque de budget ou bien par besoin de rediriger plus de ressources que prévues sur un aspect particulier, ou bien pour rassurer les investisseurs sur l’avancée du développement. Car on sait que ces derniers n’apprécient guère les retards, alors même que bien des jeux auraient pu connaître un bien meilleur lancement si celui-ci avait pu être reporté. Ce qui pousse de nombreux employés du secteur à être plus ou moins contraints à faire de nombreuses heures supplémentaires.
De fait, le blâme n’est pas aisé, tant c’est davantage un système tout entier qui se retrouve pris dans des logiques d’investissements colossaux et de besoin de bénéfices rapides, superposé à une industrie tentaculaire au sein de laquelle les retards et la surcharge de travail individuel sont malheureusement un standard. Les joueurs y sont perdants, de même que certains développeurs et producteurs passionnés, ne l’oublions pas. Et leurs excuses peuvent alors être extrêmement sincères.
The Lord of the Rings: Gollum arrive donc dans cette tendance avec son lot de défauts et de problèmes, et bien des joueurs se sentent lésés, voire volés, dans leur achat qui ne répond pas aux promesses marketing. La seule réelle solution est d’espérer que les échecs de ces dernières années, et de ces derniers mois, servent d’électrochocs et nourrissent une certaine réflexion sur le management de projet dans l’industrie du jeu vidéo.
On peut déjà se réjouir de voir certains mastodontes du milieu, tels que Rockstar et CD Projekt Red, faire preuve de beaucoup plus de prudence et patience pour leurs jeux à venir, effet directement imputable aux controverses, hautement destructrices en termes de réputation et de ventes, auxquelles ces deux studios ont dû faire face ces dernières années. Peut-être faut-il donc que tous les studios passent par là pour que la leçon soit collective ? En espérant que celui qui s’excuse une fois n’aura pas à le faire une seconde fois.
Test Redfall – Shoot At The Devil
Barth
Cyberpunk 2077 – À qui la faute ?
Loriynn
Test Blood Bowl 3 – Le jeu que vous ne pourrez pas saigner
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