Yasuhiro Wada nous parle de ce qu’il comprend du marché japonais et justifie les succès des systèmes actuels.
Avant qu’il ne soit dit plus, il est important voire primordial de vous inviter à prendre du recul sur l’article qui va suivre puisqu’il partage l’avis d’un homme, qui même s’il est dans le circuit depuis un moment, reste un homme avec sa position réfléchie mais subjective du sujet. Si avoir une vision du marché japonais (même si ce n’est que celle de Yasuhiro Wada) permet quelque chose, c’est bien de comprendre les modes qui pourraient finir par arriver chez nous, d’autant que le marché japonais est un des axes majeurs du gaming.
Yasuhiro Wada est donc un développeur/directeur de création qui officie dans le jeu vidéo depuis un moment puisqu’il a commencé dans le métier avec le tout premier Harvest Moon sorti sur Super Nintendo en 1996 (si vous aimez pas les maths, ça fait plus de vingt ans). Il est depuis resté principalement collé à la production des jeux de cette franchise même s’il a également tenu au cours de sa carrière des postes chez d’autres éditeurs comme Grasshopper Manufacture (studio responsable entre autre de No More Heroes sur lequel l’intéressé a également travaillé).
Cependant, même si ces dernières années il est un peu moins actif (justifiant également que sa série semble se perdre un peu plus à chaque épisode), il reste toujours très intéressé par l’évolution de le business du jeu vidéo, commerce en mouvement constant et qui se mue à mesure que le temps passe.
Bref, il est important de se rappeler que largement accepté au Japon, le gaming y est disponible sous des formes très différentes. Bien entendu le gaming console, mais également les salles d’arcade qui malgré des pertes enregistrées marchent toujours très bien et le mobile qui, depuis ces dernières années, ne cessaient de croître (sérieusement, si vous n’êtes jamais allés à Tôkyô, la vision d’un métro dans la mégalopole et d’un daron d’un certain âge en costard qui joue à des jeux d’action dont l’héroïne est une étudiante en mini-jupe poutrant de l’alien sur mobile est irrésistible).
Cependant, depuis 2017, on a pu assister au retour en force des consoles qui, tel un phénix, renaquirent de leurs cendres.
Dans une interview accordée à GameInformer (au sujet de Little Dragon Café, sa dernière production pour PlayStation 4 et Switch), il se voit interroger par le journaliste sur la disparition des galettes nippones ces dernières années avant leurs retours bourrins dans nos bacs. Pour répondre à la question, Yasuhiro Wada revient presque 10 ans en arrière et évoque les années Wii. Il y a 10 ans, peu avant l’apparition de la console de Nintendo dans les rayons, le gaming d’après ses observations étaient principalement tournés vers le marché des « otaku » (non, otaku étant un nom japonais, on y met pas de « s » au pluriel puisque la langue japonaise ne distingue pas le genre ou le nombre d’un mot).
La suite, on la connait puisqu’il s’est passé exactement la même chose chez nous, de nombreux shovelwares finirent par apparaître, défigurant la vision que nous avions du média en ce temps.
Forcément, il allait de soi qu’au Japon, la situation était identique. Étant des business, les principaux acteurs cherchant logiquement à enregistrer du profit, ils se sont naturellement tournés vers le moyen d’en faire le plus avec le moins d’effort possible. Est ensuite apparue une course aux arguments commerciaux basés sur la présence au casting de grand chara-designers ou de tel ou tel doubleur populaire dans des jeux simples à concevoir. Une fois l’ère de la Wii passée, plutôt que de poursuivre en achetant une console, ces joueurs ont tout simplement disparu provoquant par conséquent la réduction du marché à celui des « otaku » (nombre de joueurs « semi-casu » ont également lâché pendant cette période transitoire).
Le dernier clou dans le cercueil fut simplement l’apparition du jeu sur mobile. Devenu une mode en très peu de temps, des softs très simples ont commencé à pulluler sur les anciens téléphones (pas encore « smart »). En gros, d’après Mr Wada, la disparition de ce marché « casu » a entraîné la désertification du jeu console au profit des jeux mobiles. Puis ce même gaming a depuis évolué afin de se plier aux nouvelles contraintes de l’évolution et du matériel. Les smartphones aujourd’hui proposent au Japon (comme chez nous), de nombreux jeux free-to-play avec achats in-game (même si l’offre est un poil bien plus conséquente). Et c’est donc là que l’on retrouve/retrouvait ceux qui ont depuis lâché les consoles.
Le gaming mobile est donc devenu très rapidement une grosse machine reposant principalement sur ces achats au sein du logiciel pour engranger des sous. Et des sous, ils en ont bien fait le plein ! Fonctionnant sur un système de Gacha (machine japonaise permettant pour une certaine somme de tenter sa chance afin de gagner un prix aléatoire dont on peut retrouver la forme dans des jeux mobiles tels que Dragon Ball Dokkan Battle ou même Fire Emblem Heroes), l’idée était de rendre dépendant à la dépense les utilisateurs afin de continuer à tirer des sous.
Les jeux à succès ont très rapidement aligné les billets des joueurs et ceci sans proposer plus de gameplay. Le modèle a si bien fonctionné que les éditeurs ont tous cherché à faire le leur, voire même plusieurs pour certains éditeurs selon les droits dont ils pouvaient disposer. Par conséquent, le marché s’est saturé de lui-même entraînant sa propre stagnation.
Le sujet intéressant c’est que le phénomène suivant serait récent puisqu’il coïnciderait plus ou moins avec le lancement de la Nintendo Switch. La Xbox One n’ayant pas le succès qu’il a en occident, c’est avec la PlayStation 4 qu’a tenu le marché gaming console au Japon (« Wii U ? C’est quoi ça ? »). Une fois que les utilisateurs ont réalisé qu’ils se faisaient « plumer » en dépensant de l’argent réel dans des simulateurs hasardeux, ils se sont détournés, d’après l’auteur, de la forme mobile pour revenir à une forme de jeu plus traditionnelle et c’est donc naturellement vers une PlayStation 4 ou la Nintendo Switch qu’ils se sont tournés, justifiant par conséquent les ventes de ces 2 machines sur l’archipel.
Curieuse petit analyse, n’est-il pas ? Bien entendu, il ne s’agit que de l’avis d’un homme très intéressé par le sujet (en même temps, il bosse dans ce domaine, ça serait dommage de pas y être intéressé). Et vous, qu’en pensez-vous ? Avez-vous observé ceci sur place ? Ou même chez nous ? Plus largement ? Quel modèle de gaming a vos faveurs ? Notez que si le PC n’a pas été évoqué par le bougre, il existe réellement du gaming PC au Japon mais comme chez nous, il est plus personnel. Retrouvez l’interview s’il vous intéresse dans les liens ci-dessous.