Avec un dénouement en faveur de Xbox lors du procès qui l’opposait à la Federal Trade Commission (la fameuse FTC, organisme de régulation de la concurrence du marché américain), c’est le début de la fin d’un an et demi de feuilleton du rachat d’Activision-Blizzard-King qui s’annonce. Un feuilleton à près de 70 milliards qui devrait à présent vivre ses derniers soubresauts, notamment du côté de l’Angleterre où la CMA (l’équivalent local de la FTC) représente l’un des derniers bastions de résistance.
Mais ne nous y trompons pas, avec l’abdication de PlayStation, représentée par la validation d’un accord de dix ans autour de la licence Call of Duty que la firme nippone refusait de signer jusque-là, ce n’est finalement plus qu’une question d’heures avant que la transaction ne soit définitivement entérinée. Ainsi, ce sont des dizaines de nouveaux titres qui entrent dans l’escarcelle d’Xbox et qui devraient donc logiquement arriver dans les prochains mois sur son Game Pass. Cependant, au-delà des conséquences directes de ce rachat, quels pourraient en être les autres remous à l’échelle de l’industrie, et à quoi peut-on s’attendre dans les semaines et mois à venir ?
En effet, en se plaçant dans la position de PlayStation, on peut aisément imaginer que cette validation risque de faire bouger les lignes, et d’inciter les dirigeants à accélérer sur différents dossiers. Jusqu’à présent, malgré bien sûr quelques achats de studios ciblés selon ses besoins (Bungie pour son expertise dans les jeux services, Insomniac Games pour concrétiser une relation de longue date, Nixxes, spécialiste des portages PC…), le constructeur japonais nous a plutôt habitués à sécuriser l’exclusivité, au moins temporaire, de jeux. On pense notamment à des titres comme Ghostwire Tokyo, Stray ou plus récemment encore Final Fantasy XVI.
Mais dorénavant, avec un ogre Microsoft prêt à toutes les folies sur le marché, PlayStation (tout comme Nintendo par ailleurs, mais dans une moindre mesure) se retrouve plus que jamais dos au mur (bien que sa position soit, à date, ultra dominante). Ainsi, on peut s’attendre à ce que plusieurs autres rachats soient effectués afin de conserver un portfolio de licences exclusives attractives, ou plutôt pour éviter qu’elles ne sortent de son giron.
On imagine alors assez aisément qu’un Square Enix, partenaire de longue date, puisse être une prochaine acquisition pour le constructeur japonais. Un autre éditeur tel que Capcom, souvent très mis en avant lors de State of Play notamment, pourrait aussi finir par rejoindre la liste des PlayStation Studios, voire pourquoi pas un Konami et ses licences mythiques (Castlevania, Metal Gear Solid…).
Cependant, si on peut avoir tendance à se focaliser sur les réactions de la firme de Jim Ryan, rien ne garantit que Xbox, toujours pourvu du portefeuille presque sans limite de Microsoft, ait terminé ses emplettes. Il n’y aura probablement rien de comparable, financièrement parlant, aux 70 milliards déboursés pour le rachat d’Activision-Blizzard-King, néanmoins nous ne sommes pas à l’abri de la possibilité que plusieurs autres studios finissent dans le panier de Phil Spencer.
Plusieurs noms ont déjà été évoqués, tels qu’Ubisoft ou CD Projekt Red, mais c’est plutôt du côté de SEGA, le plus américain des éditeurs japonais, qu’on imagine son dévolu se jeter. En rumeur depuis quelques années maintenant (rumeur par ailleurs confirmée par des documents officiels révélés pendant son procès contre la FTC), ce brasier pourrait se raviver prochainement, et ainsi concrétiser l’ambition qu’a Phil Spencer d’enfin réussir à s’offrir une porte d’entrée pour le marché japonais sur lequel la marque américaine est pour ainsi dire inexistante.
Et n’oublions pas non plus le géant chinois Tencent, premier éditeur mondial (et de très loin), à l’appétit vorace et déjà présent dans un très grand nombre de studios. Toutefois, avec la désormais quasi validation du rachat d’un des plus gros éditeurs du marché, nul doute que les autres GAFAM (Google, Amazon, Facebook-Meta, Apple et donc Microsoft), pouvant légitimement considérer qu’elles ont les coudées franches, vont aussi pouvoir, voire devoir, se mettre en mouvement pour ne pas se laisser distancer sur ce qui représente aujourd’hui le premier secteur mondial du loisir.
Et, à ces niveaux de valorisation d’entreprise et de liquidités disponibles, d’autres séismes de même amplitude pourraient se produire. Même un Sony pourrait ne pas être épargné si l’un d’entre eux souhaitait entrer plus agressivement dans la danse. De qui pourrait venir la charge ? Google, certes échaudé par son échec Stadia, n’est peut-être pas le premier nom qui vient à l’esprit, mais il est certain qu’il faudra compter avec lui à l’avenir, l’infrastructure technique de son ancienne offre de jeux étant, quant à elle, bien plus viable et performante que ne l’était son business model.
Meta semble actuellement trop occupé avec ses casques de réalité virtuelle, tout comme Apple et son onéreux masque Vision Pro. Reste donc Amazon qui pourrait s’immiscer dans la bataille de manière bien plus prononcée, lui qui dispose déjà des technologies adéquates pour le jeu dans le cloud par exemple, ainsi que la plateforme rêvée, Twitch, pour atteindre des millions de joueurs.
Dans tous les cas, une chose est sûre, ceux qui étaient déjà épuisés par l’épisode Xbox/Activision-Blizzard-King devront encore s’armer de patience tandis que l’Hunger Game vidéoludique est en passe d’encore plus s’intensifier. Alors, à qui le tour ?