Avec l’arrivée imminente de The Plucky Squire, nous avions envie de parler un peu de l’éditeur Devolver. Ce qui nous a surtout motivé à saisir la plume, c’est la lecture concomitante de l’excellent ouvrage de Baptiste Peyron et de Pierre Maugein, Les coulisses de Devolver – Business et Punk Attitude, sorti en 2019 chez Third Editions.
Un livre passionnant qui, comme son nom l’indique, nous plonge dans l’équipe réduite de Devolver. Écrit en 2019, et donc pas forcément de dernière fraîcheur, l’équipe, entièrement en télétravail et sans local, regroupait seulement une dizaine de personnes. On pourrait parler de leur rapport antagonique avec l’E3 ou à l’inverse leur rapport bienveillant avec leurs partenaires, ici All Possible Futures, ou bien de leurs fulgurances en matière de marketing.
Mais nous voudrions raccrocher les wagons avec l’actualité et l’ouvrage chez Third Editions fait suffisamment bien son travail pour qu’on le paraphrase grossièrement ici. The Plucky Squire sort le 17 septembre sur PS5, Xbox Series, Switch et PC. Si l’éditeur est sur toutes les consoles, Devolver ciblant historiquement le PC, jugé alors plus propice pour y faire émerger des concepts fort et une écriture plus mature, c’est qu’il en a besoin.
Maximiser les ventes est un impératif car 2023 a aussi été une année difficile pour les rebelles de l’industrie. Une baisse du chiffre d’affaires de 31% et une perte nette statutaire de 12,6 millions de dollars, pas de quoi claironner. D’ailleurs, l’éditeur n’est pas avare en communication et dévoile tous ses chiffres.
Avec ce graphique, on peut être surpris de voir Hotline Miami aussi loin et Shadow Warrior 2 aussi proche des gros succès. Aussi, la compagnie assure que sur l’année 2023, le plus gros de ses revenus était assuré par son back catalogue, et ce de manière inhabituellement élevé, près de 83% des revenus étaient assuré par des jeux sortis dans les années précédentes.
Autre déclaration relayée et partagée, le désintéressement progressif de Devolver sur les offres d’abonnements qui ne serait pas assez lucratives par rapport à l’impact sur les ventes : la cannibalisation des titres étant trop fortes par rapport aux deals proposés. Avec tout le bruit qu’il y a eu sur le « changement » de stratégie d’Xbox via son Game Pass, Devolver renforce cette idée selon laquelle les abonnements ne sont plus intéressants, voire empêche l’industrie d’aller correctement de l’avant.
Pourtant The Plucky Squire figure bel et bien sur le PS+ Extra Day One, schizophrénie ou choix conscient de Devolver ? Il est sûrement plus probable que le contrat ait été signé avant cette déclaration de Devolver, on sait l’inertie des grands projets. Lors de sa déclaration en effet, l’éditeur tablait sur des revenus via abonnement à la baisse, de telle sorte que ces revenus, rien que sur l’année 2023, ont été divisés par deux et que cela s’accentuerait dans les prochaines années.
Autre contradiction par rapport à la philosophie originelle de Devolver Digital, la sortie physique de The Plucky Squire déjà annoncée et délayée de seulement 5 mois par rapport à la sortie dématérialisée. L’édition physique étant généralement réservée aux titres ayant montré leur potentiel de ventes : GRIS ou Cult of The Lamb par exemple. À savoir que certains gros succès comme Inscryption n’y ont toujours pas droit.
Avec des moyens plus gros, l’entreprise peut maintenant assurer la distribution de jeux physiques. Devolver le disait déjà en 2018, il existe un public de joueurs qui privilégie le physique au dématérialisé. Après les différentes polémiques et les quelques fermetures de serveurs, on imagine que le cercle des aficionados du physique n’a pu qu’augmenter.
On voit donc assez que Devolver s’adapte et que la situation est surtout subie, les fondamentaux, comme le 100% digital, ou bien encore le public visé, le PC, ne sont plus vraiment d’actualité.
Devolver axe clairement sa stratégie autour de la multiplication d’un gros catalogue issu de petits jeux, ceux remportant un vif succès assurent les arrières des projets qui ne rencontrent pas toujours leur public. Tandis que les énormes succès vont dans un back catalogue très solide qui permet à Devolver, ne le cachons pas, de garder ses actionnaires.
Même si certains groupes de chez Devolver ont subi des licenciements, on pense notamment à Artificer, le groupe a néanmoins réussi à garder une certaine cohésion humaine et à ne pas se départir de ses talents, chose assez rare par les temps qui courent.
L’éditeur doit cependant réussir à hisser des jeux très haut pour ne pas s’autocannibaliser, comme par exemple Square Enix il y a encore peu. La diversification de son catalogue allant en ce sens. Avoir un back catalogue aussi puissant est une bonne chose mais cela peut également inquiéter car, toujours pour séduire un public actionnarial, la croissance n’est pas au rendez-vous sans nouveautés, et la croissance est le mot d’ordre.
Devolver se retrouve donc dans une fâcheuse position mais se montre jusqu’à présent extrêmement résilient face à la crise de l’industrie jeux vidéo. Même en pleine tempête et avec de multiples ajustements qui viennent rogner sur leur identité de base, Devolver reste un représentant singulier dans l’édition du jeu vidéo, et c’est pour le mieux.
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