La Team Asano a su se faire remarquer dans le paysage vidéoludique en nous proposant des productions comme la saga Bravely Default ou encore l’excellent Octopath Traveler. Avec ses précédents titres, le studio a imposé sa marque de fabrique : des combats efficaces au tour par tour, des trames narratives intéressantes et une esthétique tranchée qui sent bon les références old school.
Avec sa nouvelle licence, Triangle Strategy, la Team Asano s’attaque maintenant à une autre branche qui saura faire frétiller les amateurs de rétro : le tactique RPG. Découvrons ensemble si le mythique studio se renouvelle à travers un nouveau médium tout en conservant l’essence de ses anciennes productions.
(Test de Triangle Strategy sur Nintendo Switch réalisée à partir d’une copie fournie par l’éditeur)
A Song of Ice and Fire… and choices
La principale force de Triangle Strategy réside dans son scénario et dans sa mécanique de choix moraux. On se croirait à s’y méprendre dans un livre de Georges R. R. Martin. Tout n’est que trahison, coups d’état, meurtres et batailles. À une ou deux relations incestueuses près, l’auteur américain aurait même pu crier au plagiat.
Vous incarnez Serenor, nouveau chef de sa Maison, qui va se retrouver au cœur d’un virage historique du continent de Norzélia : la reprise des hostilités entre les trois grandes nations qui le composent. Accompagné de vos vassaux, vous devrez trouver votre place dans ce conflit en façonnant le monde de demain par l’intermédiaire de choix qui feront de plus en plus vaciller vos convictions au fur et à mesure que l’aventure avance.
Si vous jouez vraiment le jeu, en prenant en compte tous les commentaires éclairés de vos camarades, certains de ces choix sauront vous triturer les méninges. Sans spoiler, au début de l’intrigue, vous aurez le choix de mener une bataille qui semble perdue d’avance en vous aidant de pièges secrets disséminés à travers la ville qui annihileront les troupes ennemies, mais également les habitations de vos sujets.
En exploitant ces pièges, vous rendrez le combat plus simple, mais vous détruirez tout ce que votre peuple a mis des années à construire. Si vous choisissez de ne pas utiliser les pièges, le combat sera beaucoup plus ardu, mais votre conscience sera tranquille. Force est de constater que réussir cet affrontement en évitant de détruire tout un quartier est très satisfaisant pour votre égo et votre conscience de petit chef militaire.
Dès le départ de sa campagne de promotion, Triangle Strategy se voulait un J-RPG tactique où nos choix moraux auraient un impact concret sur les événements du jeu. Combien de titres nous ont vendu ce postulat pour finalement masquer nos actions derrière une inéluctable fin prévue par les scénaristes ? On peut affirmer que Triangle Strategy remplit sa part du contrat. Vos choix auront des répercussions suffisamment conséquentes pour vous faire ressentir un éventail d’émotions assez variées, et ce malgré l’aspect très linéaire de l’intrigue qui ne propose que peu de distractions à côté de la trame principale.
Pas moins de trente personnages sont jouables (pas tous récupérables dans le même run, car ces derniers sont disponibles en fonction de vos choix) et chacun dispose de son rôle au combat, de sa propre histoire et de ses motivations personnelles. On appréciera l’écriture réalisée pour ces « personnages secondaires », mais le manque d’originalité des quatre protagonistes principaux est peut-être la seule ombre au tableau de Triangle Strategy qui manque parfois de subtilité. Le pire exemple reste le personnage principal, Serenor, dont le manque de charisme n’a d’égal que ses dialogues étonnamment plats.
La force des partis pris
La notion de rythme est à double tranchant dans Triangle Strategy. D’un côté, nous avons le rythme du joueur lui-même. Vous pourrez vous lancer dans un chapitre en étant plus ou moins certain que ce dernier ne vous prendra pas plus de vingt à trente minutes. Durant ce temps imparti, vous pourrez avancer dans l’intrigue, réaliser un affrontement et améliorer vos personnages. Ajoutez à cela l’aspect nomade de la console de Nintendo et vous obtiendrez le parfait passe-temps non chronophage. Cette répartition en actes et chapitres est une vrai bouffée d’air frais en termes de confort pour le joueur.
D’un autre côté, le rythme du jeu en lui-même est peut-être son principal avantage et son plus gros inconvénient. Le gameplay est en effet divisé en quatre phases distinctes : la narration, les phases d’exploration (en déplacement libre, où vous récolterez des matériaux et débloquerez éventuellement de nouvelles lignes pour les futurs dialogues), les combats (tactiques en tour par tour) et les votes (ces derniers façonneront votre aventure personnelle lors du jeu).
L’action n’est clairement pas au cœur de Triangle Strategy, et ceux parmi vous qui souhaiteraient en découdre le plus vite possible ou qui apprécient les rythmes de jeu soutenus risquent d’être déçus. À certains moments, on se croit plus dans un visual novel que dans un tactical RPG.
Sans révolutionner les codes du genre, Triangle Strategy propose des combats dont la difficulté est habilement dosée en mode normal. Les nouveaux venus pourront aisément terminer l’opus et profiter de l’étendue du scénario tandis que les vétérans des références du genre, adeptes de Fire Emblem, ne devraient pas rencontrer de grandes difficultés, mais pourront se laisser rêver face à la direction artistique exemplaire.
L’autre parti pris de Triangle Strategy qui saute aux yeux, et pour cause, c’est sa direction artistique. Tout bonnement sublime, cette dernière recèle toujours de petits détails bien pensés qui raviront les fans du HD-2D popularisé par Octopath Traveler. Les environnements sont magnifiques, les chara-design de Naoki Ikushima sont toujours aussi sublimes et les sprites qui en découlent le sont tout autant.
Les tactical RPG ne sont pas pour tout le monde. Le pixel art n’est pas pour tout le monde. Les jeux mettant l’accent sur la narration ne sont pas pour tout le monde. La force de Triangle Strategy réside dans ses partis pris. Les choix de la Team Asano ne pourront clairement pas satisfaire tous les joueurs, mais le public cible sera clairement régalé par l’expérience globale.
Avec Triangle Strategy, la Team Asano impose à nouveau son savoir-faire irréprochable. La HD-2D est magnifique, l’histoire est captivante et les combats efficaces. On lui reprochera son rythme qui ne sera pas au goût de tout le monde et une composante RPG légèrement en deçà de ce que nous avait proposé son grand frère Octopath Traveler. Le titre reste un excellent jeu qui offrira une porte d’entrée idéale à qui veut s’essayer aux Tactical RPG et proposera de bons moments en perspective pour les vétérans du genre.