Il y a 19 ans les joueurs PC découvraient un wargame du nom de Shogun: Total War et tous s’accordèrent sur le fait que c’était là le début d’une grande licence du jeu de stratégie sur nos machines. Joli succès critique et commercial, le titre de The Creative Assembly marqua le début d’une grande histoire d’amour entre eux et les aficionados du genre. S’en suivirent alors une dizaine de nouvelles itérations et autres spin-offs apportant la plupart toujours plus de profondeur à la série.
Arrive donc en 2019 ce nouvel épisode dont nous allons parler ici et qui se nomme Total War Three Kingdoms. Se déroulant durant la période des Trois Royaumes de Chine, et débutant même un peu avant, pour nous faire vivre la chute de la dynastie des Han et le déchirement interne de la Chine menant à une guerre entre trois royaumes, chacun désireux de grimper sur le trône et régner. Ce nouvel épisode propose donc un contexte historique inédit dans la franchise et apporte sa pierre à l’édifice Total War, parvenant à surpasser les attentes que l’on plaçait en lui.
C’est donc dans une Chine déchirée à la fin du 3e siècle que Total War Three Kingdoms nous embarque. L’Empire chinois est chancelant et la dynastie des Han s’essouffle, alors que de nouveaux leaders cherchent à gagner le trône et régner sans partage sur un pays touché par la révolte des rubans jaunes. S’inspirant à la fois de faits historiques et du roman Les Trois Royaumes, le jeu nous propose de découvrir l’histoire de tout un tas de personnages historiques durant cette période tourmentée.
Total War Three Kingdoms se montre alors très scénarisé, nous proposant de suivre une ligne directrice pour chaque leader que l’on incarne avec des objectifs qui leur sont propres, et ce, du début à la fin de chacune des campagnes proposées. C’est logique lorsque l’on sait que The Creative Assembly explore une scénarisation plus poussée de ses wargames depuis Total War: Warhammer. Alors oui, les opus précédants à ce spin-off proposaient déjà de marcher sur les traces de l’Histoire, mais on se retrouve ici avec différentes aventures entrecoupées de cinématiques et de passages scénarisés obligés suivant les récits connus.
Mais ne vous y trompez pas. La façon dont vous atteignez vos divers objectifs ne dépend que de vous, que vous optiez pour la guerre contre d’autres, la diplomatie ou encore les deux, il vous revient de suivre votre propre voie, qui doit néanmoins mener à la finalité voulue par le scénario. D’ailleurs, tout comme dans les deux Warhammer, nos leaders sont considérés comme des héros et possèdent chacun des caractéristiques qui leur sont propres, ainsi que des atouts apportant nombre de bonus sur-le-champ de bataille, sur la gestion économique ou encore sur la partie diplomatique du titre.
Généralement en adéquation avec leurs aspirations, ils sont une aide indéniable pour réaliser nos objectifs, surtout si l’on choisit d’accomplir les campagnes via le mode Romance. Issu directement de Total War: Warhammer II, il fait de notre dirigeant et généraux de véritables bêtes de guerres capables de renverser des batailles grâce à des capacités propres. Pour les puristes, il est néanmoins possible de goûter à l’expérience classique de Total War, mais c’est bien la première proposition qui remporte notre préférence.
Diplomatic Immunity
Cela n’est en plus pas la seule chose héritée des deux spin-offs, puisqu’il est possible d’habiller notre chef de faction de divers équipements le rendant plus puissant, différentes caractéristiques étant présentes, mais aussi de le faire évoluer en dépensant des points de compétence dans un arbre dédié. Par ailleurs, tous nos généraux ou personnels de notre cour disposent des mêmes options, mais aussi d’aspirations propres qui demandent de traiter sagement ses sujets sous peine de voir apparaître des dissidences au sein même de son royaume, certaines pouvant mener à des désertions, des trahisons et même des révoltes armées.
Parce que s’il y a bien un aspect du jeu sur lequel les développeurs ont mis l’accent dans Three Kingdoms, c’est la diplomatie. Cela aussi bien par une gestion poussée de ses relations au sein de notre propre royaume, qu’avec les leaders des autres factions. En interne, il faut gérer les ego, les désirs de chacun, quitte à parfois arranger des mariages, proposer des promotions au sein de son gouvernement ou se débarrasser, et ce, peu importe la manière, d’un élément gênant. Si parfois on aimerait un peu plus d’options, car les problèmes se règlent finalement assez vite, le système est rôdé et certaines actions peuvent avoir des répercussions néfastes assez inattendues sur l’équilibre du royaume et vice versa.
Quant à la diplomatie extérieure, elle est gérée d’une façon assez inattendue. Notre royaume possède en effet plusieurs niveaux dirons-nous, et au fur et à mesure qu’il grandit, qu’il gagne en importance, notre influence sur les autres chefs augmentent aussi. Pour ce faire, on gagne de l’expérience en accomplissant divers objectifs principaux et annexes qui nous permettent d’investir dans différents secteurs de notre nation. Cela influe sur l’économie, l’industrie, la diplomatie ou encore l’ordre.
Il est même possible d’avoir à sa botte en tant que vassaux certaines factions, ou bien même de les assimiler à notre territoire. Alors si au départ nos options sont réduites, elles augmentent assez vite et du simple accord commercial ou déclaration de guerre, on passe aux négociations les plus poussées pour l’avenir de l’Empire de Chine. Ce nouveau Total War est probablement le plus réjouissant de ce point de vue, et place la diplomatie au premier plan, là où parfois certains épisodes n’y arrivaient pas.
Aussi, l’arrivée de l’espionnage dans ce Total War Three Kingdoms augmente encore un peu plus nos outils de déstabilisation et nos possibilités diplomatiques. On peut avec un bon espion rendre la politique d’un autre royaume instable, voire investir les postes les plus hauts placés de son gouvernement et gagner en influence sur ce dernier.
Attention, un espion peut aussi déserter et rejoindre définitivement les rangs espionnés, tout comme une taupe peut aussi être présente dans les nôtres. Il nous en revient de gérer la satisfaction de notre expert du déguisement et tout faire pour qu’il nous reste fidèle. Le système est en soi bien pensé, même si on peine au départ à comprendre ce qu’il apporte concrètement, ce n’est que par la suite et après un petit bout de temps que l’espionnage dévoile enfin son jeu et devient véritablement incontournable.
La Petite Maison dans la Prairie
D’un point de vue gestion, Total War Three Kingdoms se montre assez similaire aux anciens épisodes dans le sens où il n’invente pas la roue, mais peaufine une formule déjà bien rodée. La carte du jeu est séparée en différentes régions et chacune d’entre elles possède des petits cantons. Sur ces derniers, il y a au choix une ville ou un point d’intérêt agricole, religieux ou encore minier. Vous l’aurez compris, mises bout à bout ces différentes zones constituent notre royaume et chacune d’elle est spécialisée dans un domaine précis qu’il nous faut exploiter à notre avantage.
Et la chose la plus importante lorsque l’on gère ce royaume donc, est de trouver un juste milieu entre les dépenses et les rentrées d’argent. Car sans pécule pas de troupes, pas d’améliorations du territoire et autres bâtiments et surtout une faiblesse exploitable par nos voisins toujours à l’affût de la moindre faille dans notre jeu. Pour ce faire, il faut gérer le bonheur de nos citoyens en leur apportant nourriture et qualité de vie, tout en maximisant nos profits commerciaux et les revenus dus à l’agriculture et aux industries. Du classique me direz-vous, mais mené de main de maître.
Pourquoi ? Parce que The Creative Assembly a su créer une formule qui ne montre aucun défaut et c’est le laisser-aller du joueur ou ses propres erreurs qui le sanctionnent. À mesure que notre royaume prospère, on débloque via un arbre aux multiples embranchements de nouveaux bâtiments, des améliorations pour les anciens, et tout un tas de choses rendant notre nation plus stable et forte sur les plans diplomatique et militaire. Attention toutefois, il ne faut pas se montrer trop gourmand et s’il est possible d’orienter notre royaume vers le commerce par exemple, il ne faut pas délaisser le reste au risque de se retrouver très vite avec des carences dures à rattraper.
Des carences qui rendront vos territoires instables, amenant parfois des soulèvements populaires, la défection de généraux et donc à l’instabilité du royaume entier. Difficile à gérer en période de paix, cela peut tuer votre partie lorsque cela intervient alors que l’on mène une ou plusieurs guerres.
This is war
La guerre, parlons-en. Composante importante de tout Total War qui se respect, Three Kingdoms n’en fait pas l’impasse, loin de là. On est proche du sans-faute à ce sujet, même si on aurait peut-être aimé un peu plus d’originalité et de fraîcheur à un système certes rodé, mais en rien surprenant. Le tout se veut toujours aussi précis, tactique et pointu et il est possible de mener de larges, voire de très grandes batailles, comme de plus petites. De la prise d’une ville, aux batailles navales ou plus classiques, il y a cependant de quoi faire.
Il est même possible d’abréger certains affrontements en proposant un duel à notre opposant. Deux généraux s’affrontent alors en tête-à-tête sur-le-champ de bataille et celui qui en ressort vainqueur décide quasiment de l’issue de la bataille, avec parfois même l’armée entière du vaincu qui se replie et fuit le combat. Sans être géniale, cette feature a le mérite d’apporter un peu de mordant à des affrontements parfois vus et revus.
Néanmoins, rendons à Total War ce qui appartient à Total War, car encore une fois c’est bien l’intelligence tactique du joueur, surtout dans les modes de difficulté élevés, qui prévaut avant tout. L’IA, aussi perfectible soit-elle, se montre franchement intelligente et sait s’adapter à nos mouvements de troupes et autres tactiques de départ. Il nous revient alors de faire de même et de nous montrer suffisamment vicieux pour l’emporter. Il faut savoir que rien n’est jamais perdu d’avance et qu’en exploitant bien l’environnement, comme le relief de la zone ou encore les rues étroites d’une ville, mais aussi en avançant nos différentes troupes au bon moment, on parvient à se défaire de la fatalité d’une défaite pour la transformer en victoire.
Hormis cela, ça reste très classique. Chaque armée est composée de trois généraux qui ont chacune des affinités particulières avec un type précis d’unités. On a donc droit aux archers et arbalétriers, aux cavaliers, lanciers et tout ce qui a fait le succès de la saga, comme les armes de siège. Les batailles sont souvent très impressionnantes, surtout lorsqu’elles ont lieu à grande échelle avec des renforts qui débarquent pour chacun des camps. C’est tendu, prenant et fascinant, on adore ça.
La technique séculaire
On adore ça, mais tout n’est pas parfait et s’il y a bien un point sur lequel The Creative Assembly va devoir encore une fois se pencher, c’est sur tout le côté technique. Car le moteur de jeu de ce Total War Three Kingdoms accuse un peu le poids des années et se montre un chouïa moins pertinent. Alors oui, les batailles à grande échelle en mettent plein la vue, mais uniquement parce qu’elles sont à grande échelle justement, car techniquement cela commence tout simplement à vieillir et si ce n’est pas trop dérangeant aujourd’hui, demain ça risque de l’être beaucoup plus. Les modèles de personnages sont vieillots, les animations prennent de l’âge et la modélisation des territoires un peu désuète, le temps est venu d’accorder à ce moteur une bonne mise à jour.
Aussi, le jeu est toujours victime de bugs en tout genre, comme des ralentissements sur la mapemonde, très jolie au demeurant, et ce, même avec une configuration balèze. On passera sur les traditionnels éléments de gameplay qu’il va falloir améliorer à coup de patchs, comme les quelques problèmes liés à la diplomatie sous certaines conditions, pour en arriver à un jeu qui ne va pas forcément être accessible à tous, car tout complet qu’il est, il manque de clarté parfois même pour un vieux routard de la licence. Cela manque parfois d’explication et il aurait juste fallu un didacticiel un poil plus poussé pour nous aider, parce qu’on s’y perd un peu à force.
Aussi, il est important de préciser tout de même que l’interface est, elle, très épurée et facile d’accès pour le coup. On est loin des épisodes brouillons et les informations importantes sont à portée de clics, tout comme celles qui le sont moins ou qui offrent plus de précisions sur des points précis. Il en va de même en bataille, tout est travaillé pour que le joueur s’y retrouve très facilement, du grand art sur ce point qu’il faut saluer, tant cela est difficile à faire dans ce genre de jeu.
Total War Three Kingdoms est très probablement l’épisode de la série le plus complet qui soit. Il propose non seulement une période historique originale et captivante, mais aussi une scénarisation plus marquée que ses prédécesseurs qui fonctionne à merveille et s’imbrique parfaitement dans le système de jeu. Tout, des batailles à la gestion de son territoire, en passant par la diplomatie est merveilleusement réussi et pertinent.
Hormis les quelques bémols soulevés en fin de test et le fait que l’une des factions n’est disponible qu’en DLC payant, il n’y a rien à redire sur cet opus qui s’impose comme un des tout meilleurs de la saga. D’autant plus que le multijoueur, certes classique, satisfera les amateurs du genre. Un must have.
[Site Officiel de Total War Three Kingdoms]