Souvenez-vous, c’était en 2016 (en 2015 pour la version non-censurée). La Wii U héritait alors d’un titre audacieux, développé par Atlus et Intelligent System et associant entre eux les univers de Fire Emblem et de Shin Megami Tensei/Persona. En soi, rien que l’annonce était un événement pour les fans. Alors quelle surprise cela fut de découvrir un jeu original, piochant dans l’un et dans l’autre, une aventure nouvelle pleine d’amour et de fan-service. Aujourd’hui, 5 ans plus tard, Tokyo Mirage Sessions #FE revient pour les joueurs Switch dans une formule « Encore ». Comme après un rappel en fin de spectacle, le titre tient à nous prouver qu’il en a encore sous le capot, mais Tokyo Mirage Sessions #FE Encore a-t-il réellement ce qu’il faut pour nous convaincre une seconde fois ? Peut-il nous faire oublier Persona 5 ? Et surtout, efface-t-il les défauts que présentait la galette originale ? En avant la musique !
(Test Tokyo Mirage Sessions #FE Encore réalisé sur Nintendo Switch à partir d’une version fournie par Nintendo)
J’aurais voulu être un artiste
Alors ici, on va partir du principe que vous n’avez jamais posé les mains sur le jeu (d’autant que c’est très possible vu les chiffres de vente). Dans Tokyo Mirage Sessions #FE Encore, vous incarnez Itsuki, le « leader » d’un petit groupe d’adolescents, dans sa quête qui consiste à aider et soutenir ses amis lors de leur ascension au cœur du star-system japonais. Si ça semble déjà être une tâche délicate en soi, notre brave Itsuki n’est pas au bout de ses peines puisque ce même star-system est pris d’assaut par des démons, les Mirages, issus d’un autre monde, qui s’en prennent au talent de ses plus illustres représentants. Ce talent, c’est de la Performa, la capacité à créer et à divertir. Forcément, notre petit groupe en possède mais ils sont aussi des Mirage Masters, ça veut dire qu’ils se servent de cette Performa pour se lier à des Mirages, qui prennent ensuite l’apparence de personnages de Fire Emblem. Ces derniers leur serviront de familiers et de confidents, mais leur octroieront également la capacité de combattre les autres Mirages.
Vu qu’il s’agit d’un J-RPG, il semble évident que le travail d’Atlus se ressent sur le point fort du titre (et de loin), à savoir les combats. Effectivement, les combats de Tokyo Mirage Sessions #FE Encore sont très engageants ! S’il va de soi que les couleurs faisant appel à la rétine, la présentation efficace et les animations dynamiques omniprésentes y sont pour beaucoup, le disque d’or sera clairement décerné à son style de combat qui pioche allègrement du côté de celui de Persona. Comme pour cette série, le titre du jour vous incite à rapidement trouver les faiblesses de vos ennemis. Lorsque vous cognez la faiblesse d’un ennemi, une « session » démarre et chacun des protagonistes de votre équipe donnera un coup à l’adversaire visé (en fonction des affinités de vos héros), vous faisant gagner beaucoup de temps et sauvegardant probablement vos points de santé puisque vos ennemis ne se laisseront pas faire et il n’est pas impossible qu’ils utilisent VOS faiblesses (entraînant par conséquent le même genre de résultats, mais avec votre équipe).
Une autre des forces de Tokyo Mirage Sessions #FE Encore, c’est la progression des personnages. Si les licences d’Atlus vous offrent de vous lier à des démons pour acquérir de nouvelles compétences, ici, le chemin est différent. C’est par le biais de vos armes que vous apprendrez vos compétences. Effectivement, au fil de vos combats, vos personnages augmenteront leurs affinités avec celles-ci et débloqueront des capacités. Pour acquérir de nouvelles armes (et donc progresser sur le plan offensif), il vous suffira simplement de progresser dans le jeu et les ennemis vous offriront de quoi renforcer votre arsenal et donc votre inventaire de sortilèges. Si ce système sert son principe assez efficacement, vous incitant à progresser pour évoluer, il est cependant lassant d’avoir à systématiquement sortir des donjons pour aller les apprendre dans l’antre de Tiki, au cœur de votre base. Vous pouvez choisir de ne pas le faire, mais votre progression sera donc impossible… Usant pour un système qui aurait pu simplement être dans les menus.
Excès et manque de Persona-lité
Dans la plus pure tradition d’un Persona (sur lequel il lorgne beaucoup), Tokyo Mirage Sessions #FE Encore nous invite à vivre une aventure partagée entre le monde réel et un monde parallèle appelé l’Idolasphère (habituez-vous aux références, vous n’avez pas fini de manger « showbiz »). Bien entendu, pour un périple au sein de la culture idol et japanim, c’est Tokyo qui vous invite à franchir quelques uns de ses quartiers les plus connus dont le légendaire Shibuya que nombre d’entre vous connaissent très probablement, même sans y avoir mis les pieds. Toutes ces attractions pour le moins touristiques sont assez fidèlement reproduites et sont largement mises en valeur par la direction artistique choisie. C’est aussi le cas de l’Idolasphère qui est habillé du ton de l’événement qui aura causé son apparition (le méchant est un photographe ? Des clichés paveront votre chemin). On pourra néanmoins reprocher à l’ensemble un manque de vie certain, ce qui semble un exploit tant le jeu a tout d’un Persona 5 et rappelle le grouillement de la vie tokyoïte (même si les éléments faisant office de remplissage étaient des bulles de conversations sans réelle valeur qui s’ouvraient au gré de vos pas).
De la vie, en revanche, le casting n’en manque pas. Effectivement, dans la plus pure tradition du jeu avec lequel on compare ce Tokyo Mirage Sessions #FE Encore, les personnages sont vivants et relativement bien écrits. Tant et si bien qu’il est difficile de ne pas s’attacher aux différents membres de votre groupe. Bien sûr, un amateur d’animation japonaise verra les cordes quasiment d’instinct, mais saura également se laisser charmer par Kiria, la fille cool au grand cœur, Maiko, ancienne modèle taquine et accessoirement votre « boss », Touma et ses rêves grandiloquents d’héroïsme, ou Tsubasa, l’amie d’enfance du héros, maladroite mais adorable et clairement le personnage principal de votre aventure. Oui, vous lisez bien, votre personnage n’est malheureusement guère plus qu’un canevas, une coquille vide qui répond à vos commandes… Remarque, ça justifie peut-être son pouvoir de faire table rase du lien qui lie les Mirages et les ennemis…
Du fait, on retrouvera forcément beaucoup d’éléments colorés pour illustrer le tout. Les couleurs sont éclatantes, les petites animations prennent des formes d’étoiles, les transitions sont dynamiques… Aucun répit ne sera accordé à votre rétine pour un effet des plus agréables (et pourtant, je ne suis généralement pas franchement tendre avec les japoniaiseries). Et vos tympans alors ? Rassurez-vous, à l’image de ce qui arrive à vos yeux, la BO riche de pop japonaise sucrée saura vous garder alerte. La main de maître d’Atlus se ressent sur absolument tous les aspects du logiciel, jusque dans les menus, les illustrations des personnages et j’en passe. Mais du coup, il reste de la place pour l’univers d’Intelligent System ? Eh bien, pas vraiment… Il faut reconnaître que les éléments de Fire Emblem se comptent sur les doigts de la main. On passera l’évidence en n’évoquant pas vos Mirages pour souligner entendre ci et là des jingles qui sortent de la série de jeux de stratégies et la présence de quelques costumes, mais ça s’arrête tristement là…
Un dernier tour de piste
On a fait le tour de ce qui fait le corps du titre et qui le faisait déjà à sa première sortie en 2016. Tokyo Mirage Sessions #FE Encore accueille cependant un certain nombre d’éléments inédits. Ça aurait été malheureux que le titre ressorte sans nouveautés, non ? Eh bien, rassurez-vous, Atlus et Intelligent System y ont pensé et nous offrent une couche supplémentaire de ce qui fait la force de ce croisement hors du commun : de l’amour et du fan-service. Effectivement, un certain nombre d’éléments inédits (quoique liés entre eux, ce qui réduit drastiquement leurs impacts) font leur entrée. Tout d’abord, un donjon inédit fera son apparition dans l’antre de Tiki. Reposant sur votre progression dans l’aventure (et principalement sur les quêtes de carrière de vos alliés), il vous permettra de mettre la main sur de nouvelles compétences et des costumes inédits. Si vous avez probablement reconnu celui de Joker (qui tourne depuis quelque temps déjà sur le net), des costumes de Shin Megami Tensei et de Fire Emblem sont également au rendez-vous pour offrir de l’amour en plus aux fans de ces deux licences.
De l’amour, il y en a aussi pour une catégorie de joueurs que les RPG de niche ne cajolent généralement pas : les joueurs francophones. En effet, une fois n’est pas coutume, Tokyo Mirage Sessions #FE Encore propose une localisation (quasiment) intégralement en français. Si les dialogues ne sont pas doublés dans notre langue (et ça aurait été un crime vu que c’est probablement l’un des logiciels les plus japonais que la Terre ait portés), vous pourrez vivre cette aventure dans notre belle langue du début à la fin. Les allergiques à l’anglais n’auront pas de raisons de bouder le titre du coup, même s’ils râleront peut-être en découvrant le nom de certaines options restées dans la langue de Donald Trump.
En revanche, s’il y a bien des points desquels on se serait passé, ce sont les nombreux défauts techniques qui font leur retour sur cette version Switch. Déjà sur Wii U, le titre souffrait d’une réalisation datée, de modèles rigides et d’autres joyeusetés de ce genre, vous serez donc probablement ravi d’apprendre que vous allez payer plein pot pour un jeu qui aurait pu tourner sur une PlayStation 2. Ça aliase (??) très sévèrement, se floute à certains endroits (l’antre de Tiki en majorité) et le soft est à la limite de l’hideux à certains moments en mode TV. Un tel manque de soin est presque une insulte à leur propre travail… On pourra aussi ajouter que pour un RPG aussi tendu (oui, parce que les ennemis ne vous font pas de cadeau, on le rappelle), ne pas proposer de sauvegarde automatique en 2020… Sérieux ? Perdre 2h de jeu sur un ennemi qui a enchaîné une Session en virant un à un les membres de votre escouade ? Franchement, ça craint…
Tokyo Mirage Sessions #FE Encore est un jeu sympathique et rafraîchissant. Si on lui reprochera des défauts techniques de l’ordre de l’insultant en 2020 pour un logiciel d’une telle écurie, sa présentation élégante et soignée, ses personnages attachants et surtout son système de combat font de cette œuvre une valeur sûre pour les fans de J-RPG. Si vous êtes féru de l’univers de Persona, un amateur de japanimation ou de J-Pop, ce titre est un indispensable. Pêchu, édulcoré et rafraîchissant, vous ne trouverez rien de similaire sur Nintendo Switch à l’heure actuelle et mieux, il est l’expérience la plus proche de cette série que les fans n’ont de cesse d’attendre sur la machine, alors cédez, vous ne pouvez pas être déçu (à moins d’être allergique au manga et là, on ne comprend pas pourquoi vous avez lu jusqu’ici… mais merci quand même).