Quelle joie de poser nos mains sur un nouveau jeu cyberpunk qui en plus veut sortir des sentiers battus en nous proposant une aventure sur fond d’enquête policière. Nobody Wants to Die nous propose de partir en chasse d’un tueur en série dans un New York dystopique du plus bel effet. Les polonais de chez Critical Hit Games entendent avec ce premier jeu marquer un grand coup et s’installer durablement parmi les studios de moyenne portée à suivre.
Et tout est là pour que le studio réussisse. Un univers accrocheur, une narration et un scénario au poil, ainsi que des idées de gameplay qui font mouche. Malheureusement, si le jeu nous a séduit, il nous a aussi laissé sur notre faim, non pas qu’il soit mauvais, bien au contraire, mais il montre assez vite ses limites. La bonne surprise de l’été en somme, mais qui ne parvient pas à pleinement convaincre.
(Test de Nobody Wants to Die réalisé sur PlayStation 5 à partir d’une version fournie par l’éditeur)
New York, 2329. Le détective James Karra noie son chagrin dans une bouteille de whisky, alors qu’il est assis dans sa voiture volante dans un drive-in. Pris d’hallucinations durant lesquelles il voit sa défunte femme, il est marqué par un accident qui lui a fait perdre son coéquipier quelques temps auparavant. Alors qu’il n’a toujours pas réintégré la police de New York, il reçoit un appel de son chef qui lui demande de rejoindre une scène de crime dans un quartier huppé de la Grande Pomme sans ébruiter l’affaire. Mis en relation avec Sarah Kay, son officier de liaison par radio, il s’engage alors dans une histoire qui changera sa vie à jamais.
Raconte-moi un polar
Nobody Wants to Die brille grâce à son scénario, son ambiance et sa patte graphique. Jeu de science-fiction dystopique, cyberpunk, faisant la part belle au transhumanisme, il n’en reste pas moins un polar noir qui prend racine dans l’Amérique des années 30.
La direction artistique, venue d’ailleurs, nous fait découvrir un New York mêlant l’architecture art déco à des technologies futuristes. C’est envoûtant dès la première image, d’autant plus que tout est un mélange constant entre ces deux conceptions artistiques si distinctes. C’est très beau, immersif, et mine de rien la suspension d’incrédulité fonctionne à merveille.
L’histoire, elle, commence comme une simple chasse à l’homme, puisque l’on enquête sur un tueur en série capable de tuer réellement les gens, car il faut savoir qu’en 2329 l’immortalité est normalisée dans la société. D’ailleurs, c’est l’un des points les plus importants du scénario, parce que cette vie éternelle conditionne la vie de tous, comme elle se monnaie, et à l’instar d’œuvres comme Repo Men, si vous ne payez pas dans les temps votre corps d’emprunt (car l’immortalité se gagne en achetant des corps), les corporations récupèrent leur dû autrement.
Ainsi, des banques de données mémorielles font office d’après-vie pour beaucoup de personnes, et les lois répressives sont de plus en plus sévères pour l’humain moyen, alors que les riches s’enrichissent toujours plus.
De ce point de départ, on plonge de plus en plus dans une sorte de complot gouvernemental qui réserve bien des surprises. Narrativement, Nobody Wants to Die frôle la perfection. Que ce soit en termes de rythme, de dialogues, de sous-intrigues, de psychologie des personnages, il n’y a là aucune fausse note et on ne peut que féliciter Critical Hit Games. L’univers est prenant, le côté policier noir fonctionne à merveille et l’ambiance est une réussite totale. De même que le jeu d’acteur et la bande-son sont de très bonne facture.
Précisons aussi, que l’on ne voit presque pas âme qui vive dans New York : choix ayant été fait de rendre la foule floue et quasiment imperceptible, elle fait office de toile de fond bruyante. Seuls deux personnages font exception, et uniquement les morts seront « visibles ». Chose assez surprenante, mais qui se marie bien avec le propos même du jeu et les questions qu’il soulève.
Le titre est d’ailleurs parsemé de symbolisme et d’allégories, se permettant d’interroger sur la psyché même de James via des séquences fascinantes.
Un game ça se play
Intervient alors le point de discorde. Car si le gameplay est assez classique pour un jeu d’aventure, ne vous attendez pas à pouvoir crapahuter partout dans les rues : sa linéarité absolue ne prive pas le jeu de bonnes idées. C’est une enquête, et de ce fait, notre détective jouit de quelques outils technologiques qui l’aident à résoudre les nombreuses énigmes sur sa route, afin d’élucider l’affaire en cours.
Le plus remarquable est sans aucun doute le dispositif qui sert à remonter le temps sur une scène de crime dans le but de voir ce qui s’y est passé. Interviennent alors quelques casse-têtes nous demandant de trouver le bon indice pour continuer l’exercice et ainsi reconstituer le déroulé des événements en entier.
Le problème, c’est que hormis cela, il n’y a pas grand-chose à se mettre sous la dent. Car si les scènes de crime ne sont pas inintéressantes, et que le scénario suit, le reste des gadgets est assez classique, voir déjà-vu, comme le scanner qui renvoie aux jeux Batman Arkham par exemple, et le tout tourne très vite en rond.
Même la résolution des différentes enquêtes ne parvient pas à relever le niveau, puisque l’on est trop tenu par la main, et que l’on n’a aucunement l’impression d’agir dessus. Ne vous attendez pas non plus à de grosses séquences d’action, il n’y en a tout simplement aucune, ce n’est pas Cyberpunk 2077 et l’intérêt du jeu réside ailleurs.
Reste toujours ces environnements magnifiques que l’on visite et cette sublime représentation artistique qui nous offrent des tableaux qui marquent l’esprit durablement. Une petite séquence lorgnant du côté de l’horreur fait d’ailleurs son petit effet, alors que Nobody Wants to Die n’est pas non plus à mettre entre toutes les mains, tant son ton est mature et que son imagerie l’est tout autant.
Alors ce n’est ni pénible à jouer, ni ennuyeux. L’expérience étant assez courte, environ cinq heures, c’est finalement très suffisant et en plus deux fins sont disponibles en fonction de certains de choix, même si cela manque un chouïa de clarté sur comment les obtenir.
Nobody Wants to Die est la petite surprise de cet été. Magnifique, narration au top, ambiance incroyable, il avait tout pour être un hit en puissance. Malheureusement, ce polar noir futuriste ne parvient pas à offrir une boucle de gameplay satisfaisante sur la durée, et ce, même si quelques bonnes idées sont présentes.
Seulement, il serait injuste de se priver de l’expérience uniquement pour cela, tant son intérêt est avant tout de nous embarquer pour un voyage différent, dans un univers mature et infiniment plus pertinent et passionnant que bien des jeux dits cyberpunk. Il faut juste savoir dans quoi on s’embarque.