Dans la petite famille des jeux indépendants à sortir en cette année 2021, Lust From Beyond (et donc Lust From Beyond: Scarlet) fait office de réel jeu d’horreur à surveiller puisque proposant quelque chose d’assez unique en son genre. Il s’agit là d’une expérience horrifique s’inspirant à la fois de l’univers littéraire de H.P. Lovecraft, des travaux artistiques et visuellement dérangeants de H.R. Giger ou encore de Beksinski, tout en y ajoutant un côté très érotique, voire BDSM sur les bords.
Développé par le studio Movie Games (The Beast Inside), il s’agit d’une suite au jeu Lust From Darkness sorti en 2018 et qui fut plutôt une bonne surprise en son temps. En 2019, Lust From Beyond lança son Kickstater et une démo dite Prologue sortit très vite gratuitement. Soit près de quarante minutes convaincantes qui ne laissaient présager que du bon pour la suite.
Voilà qu’en octobre dernier, un autre stand-alone a vu le jour. Lust From Beyond: Scarlet est en effet une sorte d’introduction à ce que donnera le titre qui paraîtra le 25 février prochain sur PC. Cela pour nous introduire à son univers, pour peu que vous n’ayez pas déjà plongé dedans, mais surtout à ses mécaniques de gameplay que nous verrons revenir et qui était pour certaines absentes de la démo Prologue parue auparavant.
Free-to-play oblige et durée de vie relativement courte, nous ne souhaitons pas donner de notes à cette véritable expérience visuelle. Bienvenue dans les méandres cradingues, malsains et sexuels de l’Enfer selon Movie Games.
(Test de Lust From Beyond: Scarlet réalisé à partir d’une version free-to-play du jeu sur PC)
Autant vous la faire courte, Lust From Beyond: Scarlet n’est vraiment pas un jeu à mettre entre toutes les mains et il est clairement déconseillé aux âmes sensibles et aux plus jeunes. Visuellement explicite dans sa violence, sa nudité et ses séquences sexuelles, le titre assume son côté subversif au risque de choquer l’audience, mais n’en reste pas moins intelligent.
On y incarne un homme du nom d’Alan qui après avoir perdu son job s’est isolé et est devenu accroc au porno, ainsi qu’au sexe. Après avoir vécu une expérience traumatisante, il se rend chez un psychiatre pour lui raconter sa perturbante dernière expérience. Ne sachant plus ce qui est réel ou non, il ne sait plus où il en est et compte sur le médecin pour l’aider à faire la part des choses.
On ne sait donc pas exactement combien de temps s’est écoulé depuis la fin du calvaire qu’a vécu Alan. Son histoire débute alors qu’il part à la rencontre d’une certaine Réah, une charmante jeune femme qu’il a rencontrée comme beaucoup d’autres sur un site de rencontres et qui l’a invité à la rejoindre dans une espèce de bar underground appelé l’Eden Café. Et c’est en ce lieu, d’apparence déserte, que son malheur commence.
Le souci, c’est que cet endroit abrite la Scarlet Lodge (loge écarlate), une branche d’une secte occulte se faisant appeler le Culte de l’Ecstasy qui cherche à rejoindre et/ou communiquer avec le royaume de Lusst’ghaa, une sorte de monde démoniaque dans lequel plaisir et douleur ne font qu’un. Alan est alors capturé, puis devient un « voyant », car il fait partie des personnes capables de pénétrer dans le monde de Lusst’ghaa.
Il est alors utilisé comme observateur par la secte qui compte bien user de son don pour découvrir les secrets de cet autre univers, parallèle au nôtre, et pourtant si différent.
Comme un tableau cauchemardesque aux multiples influences
Narrativement, il n’y a pas grande-chose à dire de Lust From Beyond: Scarlet, car il n’est qu’une introduction à un univers et ne prend donc aucun risque de ce côté-là, même s’il ne spoile en rien le jeu final. Notes écrites, cut-scenes et dialogues sont alors vos principaux alliés pour comprendre l’univers dans lequel vous évoluez. Cependant, il y aussi une très grande part de narration visuelle à prendre en compte, notamment lors de nos visites de Lusst’ghaa.
Les locaux de la loge témoignent de la violence et des pratiques sexuelles de ses membres, tout en renvoyant là à l’imagerie de Lovecraft, avec tenues de cérémonie de culte, un certain goût pour le mobilier ancien et les idoles. C’était encore plus vrai dans la démo Prologue, où le moderne de notre époque se noyait dans l’ancien du début du XXe siècle de manière assez troublante, tant on avait parfois l’impression d’évoluer dans une autre temporalité que la nôtre.
La chose qui jure avec ce constat, sans que cela soit dans le mauvais sens du terme, vient de la présence de toutes les références sexuelles : sex-toys, appareils sexuels en tous genres ou représentations graphiques crues qui semblent plus sorties d’un film BDSM qu’autre chose. Et on ne parle pas là de 50 Nuances de Grey…
Quant à Lusst’ghaa et son architecture inspirée des dessins de Giger ou Beksinski, avec un design très phallique et vulvaire et aux courbes féminines, on nage là en plein royaume de la luxure, du plaisir charnel, mais aussi de la souffrance imagée par quelques représentations torturées ou par les créatures qui y résident.
Si visuellement le jeu fait son petit effet, notamment de par ses inspirations plus que visibles, mais aussi grâce à une proposition technique plutôt solide, c’est bien de par son érotisme qu’il intrigue. Des univers de jeux vidéo inspirés par Lovecraft ou Giger, on connaît, mais rarement jeu n’aura autant parlé de désir dans le sens pervers du thème. En cela, on y voit clairement un parallèle avec un certain Clive Barker et son Hellraiser.
Dans le long-métrage, l’auteur met en parallèle le plaisir et la souffrance, punissant la curiosité et le désir par de la torture censée nous faire atteindre une sorte de félicité ultime. Lust From Beyond: Scarlet entend développer cette même thématique, avec moins de brio certes, mais avec suffisamment d’intelligence pour que cela justifie le caractère pornographique du jeu.
Car très vite l’érotisme devient pornographie, et sans que cela nous ait choqués, on se demande ce que cela donnerait sur une expérience plus longue, même si finalement les rares séquences de sexe ne durent que quelques secondes. Et si cela devient vraiment dérangeant pour vous, il est toujours possible d’appliquer une censure via les options sur les éléments les plus perturbants.
Classique, vous avez dit classique ?
En revanche, le gameplay, lui, ne se montre pas très ambitieux. Il reprend nombre de formules que l’on connaît déjà, comme la santé mentale du personnage qui baisse lorsque l’on voit quelque chose de perturbant, nous donnant hallucinations, déformant l’image et pouvant même nous mener à la mort. Chose que l’on peut facilement soigner à coup de remèdes et il en va de même pour notre santé classique.
Les mécaniques de jeu s’articulent principalement autour de l’exploration, la résolution d’énigmes et les séquences d’infiltration, voire d’action dans une moindre mesure. Rien de bien marquant, ni même d’original ; on trouve des objets, on les utilise via notre inventaire là où ils doivent l’être et on trouve des indices nous aidant à la résolution d’un casse-tête particulier.
Les quelques séquences à Lusst-ghaa s’articulent autour des mêmes principes, sauf qu’ici les énigmes sont plus environnementales et que l’infiltration et la fuite prennent alors une importance autre. En effet, si dans les locaux de la loge on peut aussi se battre à l’aide d’un couteau lors d’affrontements somme toute lambdas, dans le royaume de la luxure, prendre ses jambes à son cou est (pour le moment) la meilleure de nos armes.
Alors cela ne donne rien de bien trépidant, c’est même parfois assez déroutant une fois que l’on a compris le comportement des créatures à notre poursuite. Certaines ne tentant de nous choper que sur une aire de jeu prédéfinie, il n’est pas rare de pouvoir s’en débarrasser en franchissant une ligne imaginaire et de pouvoir les narguer par la suite.
C’est classique et il y a quelques ratés dans l’exécution, mais cela n’en reste pas moins globalement bon et agréable à jouer. On ne s’y ennuie pas et si l’habitué du genre n’y rencontre que très peu de difficultés, hormis celle de comprendre quoi faire parfois et surtout comment, les néophytes y trouveront un certain challenge sans qu’il ne soit trop relevé.
Les séquences sexuelles jouables, au nombre de deux ici, sont pleinement justifiées par le scénario et en cela plutôt bien amenées, on est loin du simple procédé servant à flatter une certaine virilité. C’est par une surdose de plaisir (et probablement de drogue) que les portes de Lusst’ghaa s’ouvrent en effet à nous. En cela, elles sont plutôt courtes, interactives sans l’être trop et surtout pas envahissantes pour un sou. Un dosage juste qui aurait pu vite virer dans le n’importe quoi.
On attendra alors d’avoir le jeu complet entre les mains avant de juger réellement de l’équilibre entre toutes ces phases de jeu et surtout concernant le dernier point que nous avons évoqué, car condensé sur une petite heure, tout ceci s’imbrique bien, mais pas sûr que cela soit le cas sur plusieurs heures de jeu.
Lust From Beyond: Scarlet est une bonne introduction au jeu complet. Il assume pleinement ses inspirations et son postulat d’expérience horrifique et érotique sans jamais trop en faire et en restant toujours cohérent avec son propre univers. Le gameplay, certes classique, est solide si on met de côté quelques petits ratages sans grande importance pour le moment.
Reste à voir ce que tout ceci donnera sur une expérience dépassant l’heure. Car oui, c’est intéressant d’un point de vue artistique et du scénario, mais nous attendons de voir comment tout ceci va s’articuler sur la durée. Réponse dans quelques jours.