Game Freak n’a vraiment pas chômé en 2019 si on y réfléchit. On pensera forcément aux sorties en fin d’année des versions Pokémon Épée et Bouclier avec tout l’engouement qu’on connait à chaque sortie de la saga. Mais le studio japonais a sorti d’autres jeux. On peut ainsi citer Giga Wrecker Alt., ce puzzle/platformer très moyen mais il y en a un troisième.
Dans l’ombre de Pokémon (deux semaines avant l’apparition des nouvelles bêtes sauvages), le développeur sortait en catimini son nouveau projet, comme pour le couler. Mais pourquoi ? Pourquoi cacher Little Town Hero après toutes ces promesses de révolutions et de changements ? Pourquoi le promouvoir en disant vouloir transcender Pokémon et le sortir comme un dealer distribue sa cam’ sous le manteau dans une rue sombre et nauséabonde ? Little Town Hero est-il si mauvais ou a-t-il le potentiel de faire trembler Pikachu ?
(Test Little Town Hero réalisé sur Nintendo Switch à partir d’une version fournie par Game Freak)
Histoire de rien dire
Little Town Hero prend place dans un petit village isolé de tout. Ces habitants n’en sortent pas, n’en sont jamais sortis et ça fait des siècles que ça dure. Et dans cette poche de nature hermétique, aucun problème n’est à signaler. Les villageois de cette bourgade sans nom et à l’abri de tout sont en sécurité, sans souci. Bref, tout va bien dans ce qui semble être le meilleur des mondes possibles. Seulement, c’est un jeu de rôle et la paix finit toujours par être troublée. La faute serait à nouveau celle de notre protagoniste. Dites bonjour à Axe, un gamin ascendant garnement, personnage assez récurrent du story-telling japonais et qui, dès les premières secondes de l’histoire, s’illustre en tentant de franchir les portes du château, seul obstacle qui le sépare du monde extérieur et, par conséquent, de son aventure !
Bien entendu, la suite est cliché : il est gaulé, renvoyé au village, sermonné sur le danger qu’il fait planer sur tous avec ses élucubrations et met la main sur une gemme magique qui lui offre une force incommensurable. La routine ! Mais vous restez au village. Oh que oui, c’est dans ce microcosme que votre aventure va se dérouler. Attendez ? Pas de grande carte ? Pas de monde ouvert foisonnant d’activités et de quêtes de ramassages de poivrons glacés dans un désert la nuit ? Non, et en vrai, c’est même plutôt rafraîchissant.
Game Freak a opté pour une approche minimaliste à l’opposé des modes d’aujourd’hui avec un RPG en huis-clos dans un tout petit village et vous savez quoi ? On ne tourne pas en rond ! La map s’ouvre à mesure que vous franchissez les étapes du scénario sur les 5 chapitres qui composent son histoire principale et débloque par conséquent d’autres zones et activités. Un tour de force qui vous rappellera qu’avant d’apprendre à courir, il faut apprendre à marcher.
Bon, il faut le dire, cette carte est aidée par l’ambiance générale du titre. Little Town Hero, c’est un peu comme être assis dans son canapé, sous son plaid avec des pantoufles aux pieds, on se sent à l’aise. La direction artistique est rustique mais colle aux enjeux, les personnages sont soignés et charismatiques (pour des personnages type anime reposant sur la règle « un perso = un caractère »), les décors sont vastes, ouverts et colorés et la musique signée par Toby Fox (en guest sur ce jeu) fait le travail. Seulement, on pourra reprocher un trop grand nombre de couacs techniques.
Tout d’abord, les ralentissements sont légion, ce qui est un comble quand on sait que la bécane fait tourner des jeux comme Doom ou The Witcher III ! Sérieux les gars, c’est votre 4ème jeux sur Switch ! L’optimisation, ça vous parle ? Ensuite, la critique chialait comme une chanteuse de RnB des années 2000 en regardant les animations de Pokémon ? Les pauvres n’ont pas dû jouer à ce titre… Enfin, l’invité aux platines a signé une jolie bande-son qui ne fait malheureusement pas plus que couvrir les décors et ambiances. Paresseuse et répétitive, on avait le droit d’attendre plus du mec qui a signé la BO de Deltarune et d’Undertale.
De la suite dans les idées
Là, nous allons nous plonger dans l’élément le plus important du jeu : les combats. La communication autour du jeu n’était pas franchement claire sur la manière dont se déroulait celui-ci, laissez-nous vous l’illustrer. Votre arène est en fait un jeu de plateau sur lequel vous devez jouer vos coups. À chaque tour, vous lancerez un dé qui vous mènera vers la zone où aura lieu le combat. Une fois en place, le combat commence/se poursuit. Dans l’absolu, le système de combat est classique et se rapproche de tout RPG reposant sur un deck.
Votre but est de réduire les PV de votre adversaire à zéro avec vos Izzit, le nom donné à vos cartes. Ces Izzit sont simplement la représentation d’une idée et se distinguent en 3 catégories : arme, bouclier et objets. Vous allez devoir contrer chacune des cartes que votre adversaire a en main avec une des vôtres tout en sachant que les boucliers peuvent être utilisés plusieurs fois par tour (tant qu’ils ne sont pas détruits), les armes ne servent qu’une fois et ce, même si elles ne sont pas détruites et les objets ne servent que pour ajouter des effets supplémentaires (bonus pour vous, malus pour l’adversaire). Une fois détruite, une carte ne revient plus dans vos mains… Enfin, sauf dans certaines conditions !
Tout va bien ? Vous suivez jusque-là ? Cool, c’est pas fini ! Chaque tour, vous vous voyez accorder un certain nombre de points. Ces derniers font office d’énergie ou de mana et servent à transformer vos Izzit en Dazzit, votre carte devient donc une carte active et peut être utilisée à tout moment (un peu comme quand vous posez une carte sur le terrain dans Hearthstone, Pokémon ou Magic par exemple). Avec tout ceci, à vous de dépenser vos points intelligemment afin de contrer les attaques de votre adversaire et si vous avez bien fait votre travail, s’il vous reste une carte « arme » en main, vous pourrez décocher une droite à votre adversaire. Rassurez-vous, ça peut sembler compliqué mais il existe 2/3 menues bricoles pour vous simplifier la tâche.
Tout d’abord, qu’arrive-t-il quand vous parvenez à détruire toutes les cartes de votre adversaire mais que vous êtes à court de cartes d’attaque ? Vous récupérez des points de combat, points que vous pourrez ensuite dépenser pour récupérer votre jeu dans sa totalité ou modifier votre main en cours. Ensuite, à mesure que vous remporterez des combats, vous obtiendrez des points Eureka. Ces points peuvent être dépensés dans un arbre de talent afin de renforcer votre deck. Car oui, si vous ne pouvez customiser votre deck à proprement parler, vos cartes, elles, évolueront au fil du jeu, gagnant çà et là des points d’attaque, de défense ou même des bonus.
Et si jamais je n’arrive pas à détruire toutes les cartes de mon adversaires ou pire, que lui arrive à atteindre mes points de vie ? On va être honnête, il vaut mieux en prendre une et se repositionner que ne pas opposer de cartes à son adversaire. Effectivement, si vos cartes ne sont pas détruites dans le tour, elles restent dispo pour le tour suivant. C’est aussi le cas de celles de votre adversaire. Soyez sûr de bloquer les cartes autant que vous le pouvez. Si jamais vous perdez un point de vie, ce n’est pas si grave, surtout si votre main est à sec puisque vous récupérerez l’intégralité de vos cartes le tour suivant. N’hésitez pas à contre-attaquer avec violence !
Au rythme d’un petit village dans Little Town Hero
Nous disions précédemment que Little Town Hero avait beau se dérouler dans un tout petit village, il ne tourne pas en rond… Alors, on s’est montrés un peu laxistes… Effectivement, il arrive au soft de Game Freak de manquer cruellement d’originalité… voire bien pire ! Tout d’abord, comme dans tout bon RPG, il existe un certain nombre de quêtes annexes pour vous motiver à mener des enquêtes et à vous familiariser avec ce petit village et ses habitants. Ces dernières offrent des bonus sympathiques, mais consistent souvent à assumer un rôle de livreur. Ouais, pas ouf… D’autant que de nombreuses quêtes du scénario proposent déjà ce genre de divertissements.
La différence ? La quête scénario fait avancer le jeu donc n’offre pas forcément quelque chose de sympa et vous force parfois à affronter votre rival… 3 FOIS DE SUITE ! Oui, les majuscules sont voulues ! Et c’est appuyé par des conversations du genre « il me faut un [objet] pour [quelqu’un] », « si tu me bats, je te donne un indice »… 3 fois de suite ! On a vu des ados utilisant du rembourrage se faire pincer pour moins que ça !
Du coup, inexorablement, une certaine monotonie peut s’installer, et ce dès le début de l’histoire où les missions répétitives et la musique qui l’est tout autant bouclent sur des conversations creuses et insipides qui n’aident pas à s’attacher au titre. Cette sensation sera d’autant plus renforcée que le manque d’optimisation file le hoquet à la console qui galère quand 4 PNJ strictement identiques marchent autour de vous. Oui, en même temps, si certains personnages sont extrêmement attachants, si le personnage principal a seulement 4 ou 5 animations qui se répètent tout le long du jeu, il ne faut pas s’attendre à ce que les habitants de ce village aient tous une identité visuelle proche… Remarquez, d’une certaine manière, c’est très dommage.
Little Town Hero n’a rien de Pokémon. Si la série populaire de Game Freak a su, avec le temps, développer une identité propre et solide, on ressent clairement que « son rival », même s’il part sur des bases intéressantes, peine à convaincre, la faute à un parti pris qu’il n’a pas assumé jusqu’au bout. Si on ajoute à ça la difficulté qui repose principalement sur la chance et la possibilité de perdre un long combat sur une série de mauvaises pioches, l’expérience peut même s’avérer frustrante (que la lenteur des premières heures et les inlassables joutes avec votre rival n’atténueront guère…).
Seulement, il reste un périple agréable pour qui est prêt à un certain nombre de concessions, aussi bien sur la technique que sur l’aspect pratique, et le joueur audacieux qui y tentera sa chance trouvera peut-être dans ce voyage quelques moments de pure satisfaction, cette sensation gratifiante que l’on ressent quand on « aime qu’un plan se déroule sans accro ».