Mine de rien, cela fait presque trente ans que l’on foule les faiways au côté d’Everybody’s Golf. Née en 1997, la licence est restée assez confidentielle, parlant principalement aux amateurs du sport recherchant une alternative plus « bon enfant » que les simulations très sérieuses du type PGA Tour. Ainsi, après une dizaine d’épisodes, dont un très décevant dernier opus sorti en 2017, Everybody’s Golf Hot Shots, sorti le 5 septembre dernier, entend bien regagner ses lettres de noblesses tout en capitalisant sur un public plus familial via sa parution sur Switch en plus de la PS5 et du PC.
Nous voici donc huit années après l’épisode PS4 qui a cristallisé tant de critiques, huit ans qui ont dû permettre de remettre le jeu à plat. Pour l’occasion, exit Clap Hanz, développeur historique de la saga et place à HYDE (Digimon Survive, Tamagotchi Plaza). Mais ce regard neuf, bienvenu quand on souhaite offrir un second souffle à une licence, a-t-il permis à Everybody’s Golf Hot Shots de la lancer sur une nouvelle dynamique vertueuse ou l’enterre-t-il encore plus profondément dans son bunker ?
(Test d’Everybody’s Golf Hot Shots sur PS5 réalisé à partir d’une version fournie par l’éditeur)
Parcours du combattant
Simple à apprendre, difficile à maîtriser, Everybody’s Golf s’est toujours appuyé sur cette maxime pour ficeler son gameplay. On choisi sa trajectoire et le point de destination visé, et, via une jauge qui se rempli puis se vide rapidement, on défini la puissance et l’impact de notre coup. Le reste n’est que complexité et richesse de jeu à apprendre et appréhender selon la situation. Force et direction du vent, inclinaison du sol, intempéries, obstacle éventuels, hauteur du point de destination… un grand nombre de paramètres qui font le plaisir de chaque partie.
On pourrait effectivement croire à un jeu enfantin de prime abord, au vu notamment de la bouille des personnages et de leurs mimiques exagérées mais il n’en est rien. Et si les premiers parcours sont très simples, avec une adversité aux abonnés absents, dès que l’on avance dans les tournois, chaque coup doit faire l’objet d’une analyse bien plus poussée, avec, en prime, une personnalisation des personnages (clubs et balle notamment) et de son caddie permettant de combler ses points faibles ou améliorer ses points forts. Et puis, au delà de défaire des adversaires contrôlés par la machine, c’est surtout contre soi-même qu’on se bat, à viser le meilleur score sur les 9 et 18 trous disponibles.
Ainsi, les modes solos sont un passage obligatoire afin de pouvoir progresser dans les différents parcours et, in fine, se frotter aux modes en ligne. Une progression si lente tournant autour d’un grinding rapidement déplaisant et rendant l’expérience particulièrement répétitive. À l’instar de l’opus PS4, Everybody’s Golf Hot Shots vous demandera de répéter encore et encore le même parcours (avec des règles différentes, encore heureux) dans son mode « défi » afin de débloquer de nouveaux personnages et terrains de jeu. Individuellement, chaque partie apporte son lot de fun, mais passer des heures pour débloquer un seul personnage, qu’il faudra ensuite utiliser des dizaines de fois pour le faire monter de niveau, qu’est-ce que c’est pénible.
On aurait pu espérer quelques variations avec le « tournoi mondial », la partie histoire du jeu, permettant d’en connaître plus sur tous les personnage et leurs aspirations. Chaque chapitre nous propose quelques dialogues avant qu’une partie se lance avec divers objectifs secondaires à remplir (battre l’adversaire en X trous, ne pas utiliser de spin…). Autant le dire tout de suite, c’est complètement raté. Les dialogues sont insipides et on zappera très rapidement ces intermèdes inutiles pour avancer plus rapidement.
Mais pire encore, Everybody’s Golf Hot Shots souffre de soucis proprement inacceptables, et notamment de bugs qui n’auraient jamais dû passer les phases de tests, si toutefois il y en a eu (on a de gros doutes sur ce point). Pour ne citer que quelques exemples représentatifs, il y a eu des problèmes visuels, pendant des parties de nuit, avec des éléments affichés en filigrane pendant tout le parcours, des balles annoncées hors limites alors même qu’elle atterrissait sur le green ou la non-validation d’objectifs pourtant clairement remplis. Une honte ! Autre point particulièrement agaçant, au moment de frapper la balles, les personnages continuent de faire leur vie, gênant notre vision globale alors que, dans tous les épisodes précédents, lancer cette jauge figeait les personnages. Un retour en arrière incompréhensible.
Un passage malheureusement obligé si on souhaite faire quelques parties en multijoueur, le titre n’étant absolument pas équilibré. Inutile de se pointer avec les personnages débloqués durant les deux tiers du jeu car on tombe systématiquement sur des joueurs utilisant des personnages frappant 50 % plus fort, enchainant donc les eagles et albatros quand on peine à valider des birdies. Quel intérêt ? Déjà que les salons en ligne semblent désertés (en tout cas aux heures où nous nous sommes connectés), si c’est en plus pour se prendre des roustes, faute d’équilibre, ce n’est pas la peine. À voir ce que donnera le premier « gros » tournoi organisé par les développeurs qui se tiendra à partir du 1er octobre, mais nous ne sommes pas bien optimistes.
Par-Tee game
Everybody’s Golf Hot Shots, comme ses ainés par ailleurs, nous propose une durée de vie solide. Pour peu que vous accrochiez à la proposition, ce sont des centaines d’heures de jeu qui vous attendent. Mais nous l’attendions sur le terrain du contenu, et sur ce point, on peut difficilement se satisfaire pleinement du résultat. Le grinding exacerbé du titre à beau tenter de le cacher, on ne peut que constater le faible nombre de parcours proposé (une douzaine) et le manque d’originalité de ceux-ci. N’aurait-il pas été plus intéressant de réduire la répétitivité de l’ensemble en ajoutant quelques terrains supplémentaires ?
Au lieu de cela, on nous propose plein de modes de jeu supplémentaires, rapprochant parfois Everybody’s Golf Hot Shots du party game plus que du jeu de golf. Une idée qui aurait pu être pertinente, histoire de de varier les plaisirs, sauf qu’il n’y en a pas un de réussi, la faute, à nouveau, à un équilibre inexistant. Le mode survie, permettant de « voler » des clubs à notre adversaire après chaque trou, est rigolo quand on le découvre, mais après un ou deux vol, l’avantage est bien trop conséquent et le perdant ne pourra plus rattraper son retard, rendant du même coup l’affrontement inintéressant.
Même chose pour le mode « tout en couleur » qui octroie des objets à utiliser selon le point de chute de la balle, à la manière d’un Mario Kart. Mais après une ou deux parties, on se rend bien compte que la formule ne fonctionne pas. Certains objets vont même à l’encontre de la philosophie de jeu, comme celui rendant invisible la barre de puissance/impact ou le fait de pouvoir obliger un adversaire à utiliser un club de notre choix (un putt à la place du drive ? mais quelle bonne idée…). Contre un adversaire humain, ce n’est déjà pas bien folichon, mais alors contre les ordis, notamment dans le mode solo, c’est une horreur et un déplaisir à chaque instant.
Bon, ce n’est pas pire que les parties en équipe, en deux contre deux, où on alterne entre chaque coup. Si l’idée est intéressante, avec un ami bien réel, en équipe avec la machine, c’est globalement la pire idée qui soit. Il faut dire que l’IA est d’une débilité rarement vue dans un jeu de sport et on subira généralement notre partenaire, incapable de faire un coup correct à deux mètres du trou. On l’a même vu, à plusieurs reprises, tirer n’importe comment, en arrière ou dans l’eau, sans raison apparente. Du grand n’importe quoi !
L’endurance qui fatigue
Au fil des heures passées sur Everybody’s Golf Hot Shots, nous nous rendions compte qu’au-delà du socle ludique en place depuis des décennies, le titre n’apportait rien. Pire, il régresse épisodes après épisodes. Comment peut-on, en 2025, nous proposer une telle bouillie visuelle. On se croirait revenu à l’ère PS3. Nous avons relancé World Tour, sorti en 2007, et le jeu nous semble plus beau, et globalement plus réussi sur tous les points, que ce cru 2025.
Mais comment ne pas évoquer le système d’endurance, incorporé dans cet épisode et qui est probablement l’une des pires idées mise en place dans la licence. Après un coup raté, on obtient un malus qui se traduit par une barre de puissance/impact qui s’estompera à intervalle régulier. Autant dire que cela rend chaque coup de plus en plus difficile et il faut parvenir à refaire des bons coups pour retrouver un affichage normal. Heureusement, on peut à loisir virer cette option du démon. Mais quelle idée d’avoir implémenté un truc pareil.
Mais le plus fou dans tout ça, c’est qu’en prenant un pas de recul et en observant l’ensemble des ajouts d’Everybody’s Golf Hot Shots, on s’aperçoit qu’il n’y en a aucun qui tient la route. Les scénarios n’ont aucun intérêt, les modes de jeux supplémentaires n’ont visiblement pas été conçus pour être équilibrés, l’endurance n’a rien à faire, sous cette forme du moins, dans le jeu, et tout ce qui aurait pu être amélioré (la quantité de parcours, la technique et les graphismes, le grinding…) reste inchangé par rapport à l’opus PS4. Ah si, il n’y a plus l’insipide mini-jeu de pêche, c’est toujours ça de pris.
D’un bout à l’autre, Everybody’s Golf Hot Shots nous aura déçu, et pourtant nous n’en attendions pas grand-chose. Chaque ajout de cette itération souffre de soucis structurels, d’un équilibre bancal ou de bugs inacceptables. On a eu la désagréable impression que le jeu a été fait à la va-vite et n’a pas été testé, sinon comment expliquer que certains points, comme le système d’endurance ou la technique, inférieure à l’épisode PS3, aient pu être validés pour la version finale du jeu. Même le côté party game, sans doute là pour draguer les joueurs Switch, est raté dans les grandes lignes.
Alors on pourrait arguer qu’il s’agit là d’un jeu proposé à prix réduit (50 €), mais même à ce tarif, la pilule risque d’avoir du mal à passer. Pire encore, en France, nous n’avons même pas le droit à une version physique (contrairement à nos voisins européens, une mauvaise habitude prise par l’éditeur) alors même que le siège de Bandai Namco Europe se situe à… Lyon.
Heureusement, tous ces éléments, aussi mauvais soient-ils, restent secondaires et on retrouve, manette en main, les excellentes sensations de la licence. Les parcours, quoique peu nombreux, sont funs et globalement réussis, et si on regrette que le titre pousse beaucoup trop au grinding pour débloquer personnages et caddie, on enchaîne néanmoins les parties sans voir les heures défiler et avec, il faut bien l’admettre, un certain plaisir coupable. Reste qu’Everybody’s Golf Hot Shots est indigne de son héritage et pourrait bien sonner le glas de la licence, faute de sérieux ou de moyens accordés par ses développeurs.