Les deux premiers épisodes de Drakengard resteront dans les esprits à la fois pour leur scénario mature et violent, mais aussi, pour leur réalisation technique bien en deçà des capacités de leurs supports à l’époque de leur sortie. L’on n’avait plus entendu parler de la série depuis plusieurs années, mais voilà qu’en 2013 (2014 chez nous), pour commémorer le dixième anniversaire du premier opus, Square Enix gratifiait les adeptes d’un Drakengard 3, constituant en réalité une préquelle à ses deux ancêtres. La question est de savoir si le studio a su entendre les critiques adressées aux anciens Drakengard afin d’en tirer des enseignements pour cette nouvelle mouture. Ce sera, bien entendu, l’objet de notre analyse.
Test de Drakengard 3 sur PlayStation 3
Direction artistique efficace, mais…
Le postulat de départ de ce Drakengard 3 reste le même que celui des deux premiers volets : il s’attache aux liens unissant un dragon et son cavalier. Dans le cas présent, le joueur contrôle Zero, une Invoqueuse, sorte de déesse guerrière en croisade contre ses cinq soeurs dans une quête sanglante de pouvoir. Après un combat épique et savoureux constituant l’introduction du jeu, Zero se trouve contrainte de fuir, mortellement blessée, et perd par la même occasion son fidèle compagnon, le dragon Michael. On la retrouve un an après, remise de ses blessures, flanquée d’un jeune dragon inexpérimenté, et de nouveau prête à traquer et tuer ses soeurs. A nouveau, le background de ce Drakengard 3 constitue un des points forts du jeu, avec des personnages et des dialogues travaillés en profondeur, un scénario sombre et mature, mais aussi, un humour noir omniprésent, principalement asséné par une Zero cynique et cruelle, et c’est d’ailleurs un grand plaisir de contrôler, pour une fois, un personnage aux intentions maléfiques et égoïstes. Comme ses aînés, le jeu met l’accent sur la relation entre cavalier et monture, et les dialogues entre les deux, en anglais sous-titré français, sont savoureux à souhait. La direction artistique du jeu est superbe, que ce soit en termes d’univers, de personnalité des persos, ou d’environnement musical, somptueux. Il est donc dommage que le jeu, comme les deux autres opus avant lui, souffre d’une réalisation visuelle bien inférieure à ce que l’on est en droit d’attendre d’une PlaySation 3 en fin de vie. Car si les cinématiques sont de toute beauté, in-game, on est confronté à du clipping, des ralentissements, des murs invisibles étranges, des bugs d’affichage divers, une caméra parfois en roue libre, bref, toutes ces choses pas très plaisantes qu’on croyait presque disparues depuis des années.
Terre et air
Si vous êtes un amateur de la licence ou si le concept vous intéresse, il vous faudra donc être capable de passer outre ce travail graphique un peu bâclé, soyez-en conscient. En parlant de concept, quel est-il exactement, pour les profanes ? Les deux premiers Drakengard ont éclairé la voie ; l’un des intérêts de ces jeux repose sur l’alternance entre plusieurs phases de gameplay : beat’em all au sol avec le personnage jouable, façon Dynasty Warriors, destruction massive à faible hauteur à dos de dragon, et passages de shoot dans les hautes sphères rappelant un peu les Panzer Dragoon. Cette alternance constituait elle aussi un point positif pour ces jeux, puisqu’elle venait régulièrement rompre la monotonie en proposant quelque chose de différent à chaque stage. Drakengard 3 revisite un peu la formule, la seconde phase étant désormais plus effacée, en quelque sorte mixée avec la troisième. Hélas, le jeu ne réussit le perfect dans aucune des deux sessions. Bien que plutôt nerveux et bien pensé, notamment en ce qui concerne le changement simple et rapide d’armes permettant des combos dévastateurs, ou encore la fury procurant un sentiment exaltant d’invulnérabilité, le beat’em all s’avère très redondant et répétitif, avec une succession de couloirs entrecoupés d’arènes fermées, et on s’y ennuie vite, même si l’on est amateur du genre. Quant aux phases de vol, qui savent elles aussi procurer de beaux moments d’exaltation, surtout quand on parvient à torpiller un navire énorme en fondant dessus tel un faucon, elles comportent certaines lourdeurs de gameplay qui, couplées aux errances de la caméra, viennent un peu gâcher le plaisir.
De belles qualités, de grands défauts
Je pense notamment au fait de devoir appuyer de manière répétitive sur un bouton pour battre des ailes et monter dans les airs, chose qu’on a vite tendance à oublier de faire en plein combat contre des adversaires nombreux. Rien de rédhibitoire dans tout ceci, certes, mais le sentiment de se trouver face à un jeu encore en phase de développement est omniprésente, et on se prend à se demander à quoi ressemblera ce jeu lorsqu’il sera fini et que ses défauts auront été corrigés, avant de se souvenir qu’on a bel et bien en main la version finale et commercialisée de Drakengard 3. Un dernier exemple pour illustrer cette impression d’incomplet ? Vous rencontrerez, au fil de votre aventure, un certain nombre de PNJ (personnages non-joueurs) qui feront office de disciples et combattront à vos côtés. Seulement voilà : ces acolytes souffrent d’une IA à la ramasse, et qui plus est, vous n’avez pas la possibilité d’interagir avec eux, ni de leur ordonner une ligne d’action. Ce qui constituait une bonne idée de départ tombe donc un peu à l’eau, par manque de finition. Et c’est réellement dommage, pour un jeu potentiellement excellent, offrant plusieurs phases de jeu différentes, ainsi qu’un petit côté RPG permettant de leveler ses armes à l’aide de matériaux trouvés en cours de route. Même les quelques quêtes secondaires déçoivent, puisqu’elles ne consistent en général qu’à récupérer un certain nombre d’objets tout en débarrassant les lieux de leurs vindicatifs occupants. Et pourtant, il en avait des atouts, ce Drakengard 3. Le principal étant l’écriture de son background, comme évoqué plus haut.
Conclusion de Drakengard 3
Pas facile, pour un amoureux de jeux type musou comme moi, de dire du mal d’un représentant du genre, surtout quand il n’est pas exempt, par ailleurs, de grandes qualités. Mais l’objectivité est de mise, et force est de reconnaître que ce Drakengard 3 ne se hisse pas au niveau des standards de notre époque. Sa réalisation graphique bâclée et son aspect un peu trop répétitif devront donc être pris en compte, même si son background profond, mature et cynique seront capables de le sauver de la noyade. Le fait est qu’avec sa durée de vie plutôt correcte, et certains passages et boss-fights épiques, Drakengard 3 reste capable de séduire. Le tout, c’est de ne pas trop en attendre par rapport aux productions actuelles.