Développé par un petit studio italien basé à Rome nommé Storm in a Tea Cup, Close to the Sun est probablement leur jeu le plus ambitieux sorti jusqu’alors. Sorte de walking simulator aventure / horreur, il puise son inspiration dans des oeuvres telles que Bioshock, Outlast ou encore Layers of Fear. Des influences visibles certes, mais qui ne plongent jamais le jeu dans une crise d’identité, car ce dernier possède sa propre patte artistique et une ambiance bien à lui.
Cependant, et même si nous avons apprécié l’expérience, il manque un petit quelque chose au dernier-né de Storm in a Tea Cup pour titiller sur leur terrain ses propres modèles, sans pour autant être dénué de tout intérêt.
Close to the Sun – Comme un demi-rayon de soleil
Close to the Sun prend place dans une sorte de passé alternatif dans lequel Nikola Tesla aurait remporté son combat scientifique contre Thomas Edison et serait devenu une sorte de ponte respecté par tous et dont les inventions sont à la pointe de l’innovation. Se déroulant dans un 19 ème siècle pour le coup très changé vis-à-vis du nôtre, le monsieur a fondé une sorte de société utopiste dans un gigantesque paquebot nommé le Hélios. Eldorado pour tous les scientifiques du monde, qui y mènent des expériences diverses et variées sur l’énergie Tesla, mais aussi sur la matière, le temps et autre joyeuseté du genre.
On y incarne Rose, une jeune journaliste invitée par sa sœur à lui rendre visite à bord de l’Hélios. Bien évidemment, les choses ne vont pas se passer comme prévu, et à notre arrivée sur les lieux, on ne trouve que désert et désolation, et on se rend vite compte que quasiment tout le monde est mort à bord, massacré par on ne sait quoi. Prenant contact avec sa sœur Ada, Rose se lance alors à sa recherche et tente de comprendre ce qui a mal tourné en s’enfonçant toujours plus dans les entrailles de cette citée flottante.
La force du récit
Probablement l’un des atouts majeurs de Close to the Sun, le récit nous embarque dans un univers steampunk fait de machineries improbables fonctionnant à la vapeur, au charbon ou encore à l’électricité Tesla. S’il nous présente dans un premier temps un lieu de liberté pour tous les génies de ce monde, un endroit d’harmonie dans lequel les grands esprits se rencontrent et jouent ensemble aux apprentis sorciers, on se rend vite compte que dernière cette façade idyllique se cache en réalité un système élitiste dans lequel règne la suspicion et la jalousie. Cela fait très Bioshock sur les bords, mais rassurez-vous aucun Big Daddy ou petite sœur en vue, alors que l’histoire part dans une tout autre direction malgré quelques ressemblances.
Et ce ne sont pas les seules sources d’inspiration des développeurs, puisque s’il s’agit d’une réécriture historique, certains événements se basent sur des faits réels et ce n’est qu’en fouinant que l’on peut se rendre compte de la richesse du background. Il nous appartient alors de faire nos propres recherches pour comprendre de quoi il retourne.
La narration se veut elle très simple. En farfouillant ici et là, on récolte quelques indices audios, mais la plupart du temps écrits, sur ce qu’était la vie à bord et sur ce qui s’est passé après un fameux accident ayant pour conséquence le décès de la quasi-totalité des personnes à bord. Quelques personnages secondaires seront aussi nos guides durant l’aventure, alors que Rose a d’étranges visions de ce qui semble être le passé.
Tout ceci se veut fluide et intéressant, le scénario est l’un des points les plus réussis de Close to the Sun, d’autant plus que des acteurs investis – aussi bien en vo qu’en vf – incarnent les quelques personnages qui peuplent le jeu. Dommage alors qu’à partir de la moitié du jeu les événements s’enchaînent sans surprise, et ce, même s’ils restent intéressants. On a aussi parfois l’impression d’avoir déjà vu ou joué ce qui nous est offert, comme si on connaissait l’histoire avant qu’elle ne se déroule, cela étant dû a quelques facilités d’écritures et l’apparition parfois de clichés éculés.
Utilisant là encore nombre de sources d’inspiration telles que Firewatch – les personnages guide – ou les jeux estampillés Bloober Team pour les mécaniques narratives, il parvient tout de même a tirer son épingle du jeu, grâce notamment a son ambiance et sa direction artistique magnifique.
Le caractère d’un artiste
Là encore on touche à l’un des points forts de Close to the Sun. Sa direction artistique est tout bonnement sublime, travaillée et mine de rien assez cohérente pour que l’on y croie et qu’on s’immerge dans les différents lieux que l’on visite sur l’Hélios. Que ce soit cet immense théâtre, cette zone d’appartements ou encore les laboratoires, on est littéralement happé par une atmosphère aussi glauque qu’enivrante. Il y a une sorte d’idolâtrie de la réussite et du bonheur qui ressort de tout ce que l’on voit, c’est luxueux à outrance, comme masquant une autre réalité plus dure et cruelle.
Les différents décors parlent autant que la narration et sont donc a considéré comme un ressort narratif à part entière, puisqu’ils témoignent des événements qui s’y sont déroulés en amont de notre arrivée. Les artistes de Storm in a Tea Cup maîtrise clairement leur sujet de bout en bout et si forcément certains passages marquent moins du fait de leur but, comme la salle des machines, il s’y dégage tout de même une forte impression de gigantisme. C’est d’ailleurs ce qui caractérise le paquebot, sa démesure et son clinquant, donnant une impression de suffisance telle que l’on n’est pas étonné par ce qu’y s’y est passé, où quand l’Homme se prend pour Dieu.
Et on le sait, jouer à Dieu n’est pas sans conséquence et c’est là le propos, celui qui a la connaissance et s’en sert sans se poser de limites morales. L’Hélios se présente alors comme un rêve qui s’est tu dans le sang et les larmes, se transformant alors en cauchemar de cadavres jonchant chaque partie du vaisseau.
Close to the Sun est très explicite dans son imagerie, ne mettant aucun filtre sur sa violence, mais n’est pas gore pour autant. L’ambiance qui se dégage du jeu est très anxiogène, parfois étouffante et ceux malgré des lieux souvent très vastes. En cela, les développeurs utilisent de manière intelligente les mécaniques de peur, se servant de l’environnement, de thèmes musicaux discrets, mais efficaces et du contraste entre le sublime du lieu et le morbide de la mort. Même si, avouons-le, quelques jumpscares putassiers surgissent ici et là parfois, surtout durant les cinq premiers chapitres.
Le grincement du gameplay
Des chapitres il y en a d’ailleurs dix, certains plus longs que d’autres et plus intéressants aussi. Il faut dire que le jeu est assez court, nous demandant entre quatre et cinq heures pour être bouclé en ayant récupéré plus de 95% des objets à trouver. Car oui, il y a bien des petites bricoles à dénicher et il s’agit essentiellement de documents écrits nous en apprenant plus sur le background de l’univers du jeu, ainsi que sur l’Hélios et ses habitants. Mais ne vous y trompez pas, Close to the Sun est bel et bien plus linéaire qu’il n’y parait, surtout dans sa seconde partie.
Alors que les premiers chapitres promettent une sorte de game design à la Bioshock, sans pour autant que cela soit aussi poussé, la suite se veut bien moins passionnante, car si artistiquement cela reste réussi, c’est bien moins intéressant à parcourir, on enchaîne d’innombrables couloirs et l’avancée se veut très dirigiste. Cela renforce certes le rythme et amplifie la dramaturgie autour du scénario, mais au prix d’un plaisir de jeu moindre.
D’ailleurs, le gameplay n’est pas ce qu’on pourrait qualifier de très élaboré. Sommaire, il se permet même d’être parfois passéiste, nous demandant d’utiliser une action contextuelle pour passer en dessous d’un obstacle ou pour monter une échelle, il n’y a même aucune commande de prévue pour s’accroupir. D’autre part, il y a parfois quelques soucis de missclick lorsque l’on essaie d’interagir avec des objets et c’est parfois préjudiciable, surtout lors des courses poursuites.
Oui, car il ya quelques poursuivants vous courant après histoire de vous faire du mal dans le jeu. Ceci se traduit donc par des courses poursuites assez indigestes et plus ennuyeuses que captivantes, même si très courtes. Punitives, elles demandent de suivre uniquement des chemins prédéfinis la plupart du temps peu clairs et osez emprunter une autre route est synonyme de mort instantané. Rose ne possédant aucun moyen de défense et ne trouvant aucune arme durant son périple, ces événements sont un passage nécessaire à l’exécution douteuse, on aurait préféré plus de variété avec pourquoi pas des jeux de cache-cache entre nous et notre potentiel meurtrier.
Autrement, la lourdeur de l’héroïne ne nous a pas plus dérangés que cela et sert bien le côté horrifique de Close to the Sun, sans pour autant pardonner aux courses poursuites un manque de tension et de vitesse évident. On regrette aussi qu’il n’y ait aucune nouveauté de gameplay au fur et à mesure de notre avancée, les innovations et inventions des scientifiques ou de Tesla auraient pu être utilisées en ce sens, cela manque d’imagination au bout du compte et c’est bien là le principal reproche que l’on fait au jeu. Les énigmes ou casse-têtes en sont le principal témoignage, il s’agit plus d’observer ce qui nous entour que de véritablement se creuser les méninges, entrer des codes, éteindre de l’électricité Tesla pour se frayer un chemin, autant de choses qui n’apportent véritablement rien.
Le soleil sous Unreal
Pour finir, il nous faut aborder la technique de Close to the Sun, car si artistiquement il propose jolies choses, techniquement ce n’est pas toujours au point. Utilisant l’Unreal Engin 4, le jeu souffre de quelques ralentissements et n’est pas toujours reluisant non plus, surtout au niveau de ses modèles de personnages vieillots et de quelques animations dans le même ton. D’autre part, il y a un réel problème au niveau de l’éclairage, c’est simple, le titre est trop sombre a bien des moments, nous vous conseillons de pousser un peu la luminosité pour pouvoir y voir quoique ce soit durant certains passages.
Close to the Sun est loin d’être un mauvais jeu et se montre même plutôt bon dans sa première partie, malheureusement moins inspiré par la suite, il est tout de même parvenu à nous tenir en haleine de par son scénario et un rythme assez soutenu. On aurait aussi pu craindre que le titre se perde et ne soit finalement qu’une pâle copie de tous les autres jeux ou oeuvres desquels il s’inspire, mais ce n’est heureusement pas le cas.
Les développeurs de Storm in a Tea Cup ont réussi a créé un lieu, l’Hélios, une direction artistique et une ambiance bien a eux, le tout porté par une histoire intéressante. Il est alors dommage que le jeu ne soit pas plus varié, trop court et sans trop d’ambition en ce qui concerne son gameplay. Mais malgré ses défauts, Close to the Sun est une expérience narrative et horrifique prenante que les amateurs du genre se doivent de faire. Un petit coup de cœur en somme.