En matière de modération, Valve s’est souvent réfugiée derrière une philosophie libertaire : tout est permis, sauf ce qui est « jugé illégal ou relevant du troll ». Mais avec Squad 22, récemment publié sur Steam, une ligne aurait-elle été franchie ?
Sorti en toute discrétion il y a quelques jours, nous sommes face à un STR tactique développé par SPN Studio et publié par Zarobana Entertainment, deux entités inconnues, sans aucun autre jeu à leur actif. Sa particularité ? Être officiellement recommandé par l’armée russe.
Le site du jeu ne s’en cache pas : il a été conçu avec le « soutien informationnel » de la Direction militaire-politique des forces armées russes. Mieux encore, le jeu a été présenté lors d’un événement officiel à Moscou devant des membres de la Yunarmiya, mouvement jeunesse militaire fondé par Vladimir Poutine en 2015 pour former les futurs soldats russes dès le plus jeune âge.
Le contenu, lui, suit la même logique. Le joueur incarne un soldat russe engagé dans « l’opération militaire spéciale », le terme officiel du Kremlin pour désigner l’invasion de l’Ukraine. Les missions rejouent des épisodes réels du conflit, comme la prise de Marioupol ou l’annexion de la Crimée. Les trailers diffusés sur les réseaux sociaux du studio dépeignent l’Ukraine et l’OTAN comme des agresseurs, n’hésitant pas à montrer des ambulances civiles détruites par des drones ukrainiens.
Le bruit sourd des bottes qui résonnent
Il suffit de se rendre sur la page X du titre pour être horrifié : ironie cynique sur la guerre en Ukraine, présentée comme un vivier à futur contenu pour le jeu, et croisade anti-progressiste à coups de mèmes discriminatoires. Le décor est planté.
Et pourtant, Squad 22: ZOV est là, en libre accès sur Steam. Un jeu promu par l’armée russe, pensé comme un outil d’endoctrinement pour la jeunesse, et présenté comme un « manuel tactique pour cadets ». La plateforme de Valve, qui a récemment retiré des titres traitant du conflit israélo-palestinien ou de violences sexuelles explicites, semble ici avoir laissé passer un jeu qui coche toutes les cases de la propagande armée, dans le plus grand des calmes.
Le Centre pour la lutte contre la désinformation, rattaché au Conseil national de sécurité, a qualifié le jeu, en février dernier, de « véritable outil de militarisation de la société russe », visant à justifier la guerre et à « créer un mythe héroïque autour des forces armées ».
Sur Steam, les critiques sont partagées. Les premiers avis, souvent positifs, relaient des discours pro-Kremlin, tandis que les plus récents dénoncent la nature du projet. La page du jeu est vite devenue une zone de guerre, saturée de messages haineux, de provocations et de désinformation.
Et histoire de terminer la ribambelle de red flags accumulés : les graphismes 2D sont en partie générés par IA, « puis retravaillés pour en faire de véritables œuvres ».
En l’état, Valve n’a pas commenté la situation. Mais Squad 22 ne peut pas être vu comme un simple jeu de niche : c’est une tentative assumée d’implanter un récit militariste dans l’espace vidéoludique global.
Le jeu ne simule pas la guerre, il en chante l’ode, aligné mot pour mot sur la version officielle du Kremlin. Une arme culturelle, dissimulée derrière des menus et des objectifs de mission. Et tant que Steam l’héberge sans broncher, difficile de ne pas voir dans cette permissivité une inquiétante forme de complicité, et une invitation à toujours aller plus loin.
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