Le jeu Six Days in Fallujah fait encore parler de lui, mais l’affaire prend désormais une tout autre tournure avec le CAIR (Council on American-Islamic Relations) qui se joint désormais aux protestations concernant le jeu.
Pour retrouver l’origines de la polémique, il faudra remonter en 2009 et à l’annonce d’Atomic Games. Les studios de l’époque voulaient en effet nous mettre dans la peau d’un Marine intervenant dans le conflit irakien de 2004. À l’époque, l’expérience vidéoludique se voulait « divertissante » et surtout authentique. Des témoignages de soldats ayant vécu le conflit devaient donc intervenir lors de cinématiques pour ajouter ce côté émotion. Cependant, dès l’annonce du jeu, diverses controverses avaient éclaté concernant le contexte.
Souvenez-vous, lors du conflit irakien, la seconde bataille de Falloujah faisait partie de l’un des moments les plus sanglants de cette guerre. En effet, plus de 800 civils irakiens avaient trouvé la mort lors de cet affrontement. Et c’est ici que l’Histoire rencontre le jeu vidéo, puisque Six Days in Fallujah prenait place lors de ces événements. Et ainsi naquit la controverse, incarner un soldat et prendre d’assaut la ville… Ce n’est pas la première fois que le contexte de la guerre est utilisé dans l’industrie du jeu vidéo. Là où l’affaire s’avère plus complexe, c’est dans un événement historique meurtrier et assez récent (il ne s’est écoulé que cinq ans entre le conflit en question et la volonté de développer le jeu).
Suite à ces controverses, l’éditeur Konami souhaite ne pas prendre de risques et décide alors de ne pas publier le jeu. C’était sans compter sur Highwire Games qui ressort l’idée de ses vieux cartons et qui souhaite donc développer le jeu, bien évidemment toujours dans cette optique de plonger le joueur dans ces moments authentiques d’incertitude et de peur viscérale. Cependant, ce que nous pourrions reprocher d’emblée au jeu, c’est qu’il ne présente encore une fois que le coté « libérateur » du pays de l’Oncle Sam !
Il ne s’agit pas ici de débattre sur le bien-fondé (ou pas) de l’intervention des États-Unis en Irak, mais de comprendre l’intervention du CAIR. Il s’agit là d’une organisation de défense des droits civiques des musulmans aux USA, fondée en 1994. Cette association intervient assez régulièrement dès lors qu’une forme de discrimination est perçue envers la communauté musulmane (ils ont par exemple participé au projet de loi Georges Floyd). Il est donc tout naturel que le CAIR intervienne dans l’actualité du jeu Six Days in Fallujah. Huzaifa Shahbaz, la porte-parole du CAIR, s’est exprimée sur le sujet mercredi.
« L’industrie vidéoludique doit arrêter de déshumaniser les musulmans. Des jeux vidéo comme Six Days in Fallujah ne servent qu’à glorifier la violence qui a pris la vie de centaines de civils irakiens, justifier la guerre en Irak et renforcer les convictions anti-musulmanes à une époque où le sectarisme anti-musulman continue de menacer des vies humaines. Nous appelons Microsoft, Sony et Valve à interdire à leurs plateformes d’héberger Six Days in Fallujah, un simulateur de meurtre arabe qui ne normalisera que la violence contre les musulmans en Amérique et dans le monde. »
Ce que nous pouvons également dénoncer ici dans l’annonce de ce jeu, hormis le possible traumatisme que pourra réveiller ce « divertissement », c’est ce côté propagande que propose Six Days in Fallujah, puisque les cinématiques (si tant est que le jeu voie le jour) seront ponctuées par l’intervention de soldats qui étaient réellement présents sur place. Il n’y aura, on peut l’imaginer, aucun recul de pris sur la présence des forces américaines sur le sol irakien ; le jeu s’annonce déjà comme une espèce d’ode poétique aux sacrifices des membres de l’US Army. Sans prendre en compte qu’en face des fusils, il y avait aussi une population effrayée et prise entre deux feux.
La seule chose à notre sens qui pourrait sauver le jeu serait qu’il apporte une réelle approche historique de ce conflit, avec les tenants et les aboutissants bien évidemment. Mais c’est peu probable vu le projet, et le titre devrait garder une approche manichéenne, et tenter de nous imposer ce qui pourrait bien sembler comme une « vérité absolue ». Et vous, que pensez-vous de cette proposition et de l’usage qui est ici fait du jeu vidéo ?
TW: Le visionnage de cette vidéo peut s’avérer choquant.