S’il est un jeu qui a défrayé la chronique depuis l’E3 c’est bien Shenmue III. Ce dernier, attendu depuis plus de 15 ans par les fans, a battu des records sur Kickstarter. Il était donc évident que le Jeu de légende du mois de juillet serait Shenmue sur Dreamcast. Un titre sorti en décembre 2000 sur une console qui reste à mes yeux une des meilleures jamais sorties. Le jeu était tellement époustouflant et novateur qu’il allait forcément faire l’objet de cette rubrique un jour ou l’autre. (Re)plongez avec moi dans les aventures de Ryo Hazuki.
Jeu de légende : Shenmue
Lan Di(manché)
Je ne vous ferait pas l’affront de faire un paragraphe entier sur l’histoire de Shenmue. Pour résumer rapidement, vous incarnez le jeune Ryo Hazuki qui voit son père se faire assassiner sous ses yeux par un mystérieux chinois nommé Lan Di. Son but sera bien évidemment de le retrouver et d’obtenir des réponses (qu’à l’heure actuelle nous n’avons toujours pas, vivement décembre 2017). Mais Shenmue est bien plus qu’un simple jeu d’action ou d’aventure. Ce qui m’a frappé à l’époque, avant même d’en découvrir la richesse, c’est ses graphismes de dingue. C’est bien simple, à l’époque, impossible de faire mieux sur consoles. La concurrence était explosée et la Dreamcast était à genoux tant le titre demandait des ressources. Encore aujourd’hui on se rend compte de cet incroyable travail graphique sur le jeu car si les décors sont relativement peu détaillés par rapport aux normes actuelles, les visages des personnages et leurs expressions faciales sont elles toujours au top. Et on sentait déjà en ouvrant la boite du jeu (ou plutôt les boites puisqu’on avait droit à deux boites entourées d’un fourreau en carton) qu’on allait revivre le syndrome des gros jeux de la PlayStation. Il ne fallait pas moins de 4 GD-Rom pour accueillir le titre alors qu’un seul suffisait généralement (sauf pour Skies of Arcadia qui en avait deux). Bien des années après je me remémore cette claque graphique que je n’avais pas pris depuis Final Fantasy VII et ses cinématiques de dingue. Sauf que là, c’est le jeu ! Aucune transition ni différence entre les scènes cinématiques et le jeu en lui-même. C’était à l’époque complètement fou d’avoir un tel niveau de réalisation.
Shenmue Liberty City
Passée la claque graphique (enfin pas passé car on ne s’en remet jamais vraiment), vient alors le délice sonore. Car oui, Shenmue n’est pas juste beau. Il est immersif de par ses dialogues anglais entièrement doublés (non traduits en français par contre) et ses musiques travaillées. C’est simple, difficile de faire plus immersif au niveau du son. La majorité des thèmes sont parfaitement en adéquation avec ce qui apparait à l’écran et on se surprend à les retenir une fois la console éteinte. Un gage de qualité. Mais le délire ne s’arrête pas là. Lorsqu’on prend le contrôle de Ryo et qu’on commence à se balader alors là on se rend compte de la richesse du titre. De la folie pure et simple. Tout le monde prend aujourd’hui pour acquis ces titres « open world » comme Skyrim ou plus récemment The Witcher III mais à l’époque, la liberté dans les jeux vidéo était plus une utopie qu’une réalité. Surtout sur consoles. Shenmue était un précurseur dans son genre et a en plus apporté des éléments de gameplay qui sont aujourd’hui courants mais tellement novateurs pour l’époque. Mais j’y reviendrai plus tard. La richesse d’un titre, notamment d’un jeu d’aventure ou d’un RPG, tient à sa quantité de quêtes annexes et au nombre de lieux à visiter. Et là, des lieux, il y en a. On devra même prendre le bus pour se rendre à d’autres endroits de la ville. Les quêtes annexes n’en sont pas vraiment mais sont prenantes. Je m’explique. En fait, dans un jeu classique, une quête annexe vous poussera à amener un objet à un PNJ pour débloquer une nouvelle arme ou armure. Ici pas de ça. En fait, Shenmue est un simulateur de vie. Bien plus que ne peuvent l’être les Sims par exemple. Vous pourrez donc faire tout un tas de choses mais sans véritable but que l’envie de les accomplir.
Tant de choses à faire…
Toute personne ayant joué à Shenmue vous le dira, il y a tellement de choses à faire que parfois on ne fait rien car on ne sait plus où donner de la tête. La force du jeu c’est de vous proposer de faire tout un tas de choses totalement triviales comme la sous-quête du chaton abandonné. Une fillette a trouvé un chaton qu’elle garde dans un carton près d’un temple, libre à vous de le nourrir, le caresser ou non. Sachez que ça ne vous rapportera pas une super arme mais même pour rien du tout, un chaton c’est tellement mignon que qui peut y résister ? A côté de ça, on a également la « grosse » quête des figurines. Ca ne sert absolument à rien mais vous pouvez collectionner des centaines de figurines issues de l’univers SEGA. A vous celles de Sonic, Tails, Virtua Fighter et j’en passe. Chaque figurine peut être trouvée aléatoirement dans une des nombreuses machines à capsules. Mais si vous savez ces machines où l’on met 1€ et où l’on tourne une poignée pour récupérer une capsule dans un compartiment spécial ? C’est la même chose ici. Et chaque achat vous coûtera des yens. Cet argent vous ne l’aurez pas en combattant des monstres non. Votre nourrice vous laissera une enveloppe avec un peu d’argent chaque jour sur un meuble devant la porte d’entrée. A vous de l’utiliser comme bon vous semble mais sachez que comme dans la vraie vie, rien n’est gratuit. Vous désirez acheter des capsules ? Il faut payer. Vous voulez nourrir le chat ? Achetez du lait dans un magasin. Vous voulez aller passer du bon temps à la salle d’arcades au lieu de chercher le meurtrier de votre père ? Pas de souci mais chaque partie vous coûtera de l’argent. D’ailleurs, puisqu’on parle de la salle d’arcades, sachez que les jeux SEGA Hang-On et Space Harrier sont jouables entièrement dans Shenmue. Un bonus comme un autre mais qui mérite d’être souligné et renforce l’immersion. Inutile de vous dire que j’ai passé un temps fou à jouer et à acheter des millions de figurines. Quand je vous dis que Shenmue est un simulateur de vie !
…mais si peu de temps !
Mais résumer Shenmue a ses à-côtés serait vraiment réducteur. Parce que qui dit simulation de vie dit temps qui passe. Et là, encore une fois le jeu nous en met plein la vue. On a pas à faire à un simple cycle jour/nuit comme dans beaucoup de jeux mais bel et bien à une horloge qui défile. Quel impact me direz-vous ? Et bien il y en a des tas ! Déjà premièrement, Ryo se lève tous les matins à la même heure et se couche tous les soirs au maximum à 23h30 (oui il est plus sage que bon nombre d’entre nous). Et qui dit horaire dit ponctualité. Lorsqu’un personnage vous donne rendez-vous à une heure précise, soyez-y ! Dans le cas contraire le personnage en question ne vous attendra pas des heures. Pareil pour les magasins, comme dans la vraie vie ils ont des horaires d’ouverture. Inutile de vous pointer à la superette du coin à 21h30, il sera trop tard. Un principe simple mais génial et surtout superbement exploité. De plus, si l’heure est gérée, la date l’est aussi. Et si vous êtes libre de mener votre enquête comme bon vous semble et de flâner autant que vous voulez, sachez que le jeu considérera que vous avez échoué si vous n’avez pas atteint un certain point avant une certaine date ! Excellent car cela pousse à tout de même avancer dans l’histoire. Les journées passent vite (surtout à la salle d’arcade) mais il vous faudra trouver le temps de vous entrainer pour devenir plus fort parce que des combats vous allez en manger dans Shenmue. Autre point central du jeu, les combats sont en temps réel à la manière d’un Virtua Fighter (autre licence phare de SEGA). Cela pourra en rebuter certains mais moi j’ai adoré avoir un système de combat complet et intéressant dans un jeu de ce type. D’ailleurs ça n’est plus vraiment vu depuis. Dommage.
Mon poing sinon rien
Ryo n’est pas violent de nature mais pratique les arts martiaux et sait s’en servir pour récolter des informations, défendre sa vie ou protéger la veuve et l’orphelin. L’entraînement auprès de différents maitres vous permettra d’apprendre de nouvelles techniques à utiliser en combat. Vous pourrez aussi trouver des parchemins avec des techniques à acquérir avec de l’entrainement. Vous battre sera régulier dans Shenmue. Mais pas que, puisqu’à part les combats vous devrez surtout retrouver la trace de Lan Di. Et vos pérégrinations vous mèneront dans des lieux plus ou moins fréquentables. Pour vous aider à vous retrouver parmi tous vos indices (notamment entre deux parties de Space Harrier), Ryo dispose d’un carnet dans lequel il écrit tous les éléments importants du scénario. Idée géniale puisqu’encore une fois réaliste et crédible. Ce carnet vous aiguillera de nombreuses fois comme pour vous rappeler l’heure et le lieu d’un rendez-vous ou simplement vous rappeler la marche à suivre. Dommage que les textes ne soient pas traduits en français mais comme ce n’est pas de l’anglais compliqué on est rarement perdu. Le scénario m’a plu à l’époque par sa simplicité mais surtout par ses ramifications. On sentait que de nombreuses explications seraient données dans les jeux suivants (puisque le jeu était une trilogie depuis son annonce). Je ne me souviens pas de jeux de l’époque exploitants cet aspect de récupération de sauvegarde pour continuer l’aventure avec les acquis du héros. Je vous parlais tout à l’heure d’une composante de gameplay inventée par Shenmue. Il s’agit des QTE (Quick Time Event). Régulièrement on avait à tester nos réflexes pour rattraper un fuyard en évitant ce qu’il nous jetait dessus ou pour certaines scènes de combat. Cela servait toujours le gameplay et n’était jamais poussif. Même si depuis les QTE sont légions et parfois encombrants, à l’époque c’était tellement novateur et prenant qu’on en redemandait.
Une course en Fenwick ?
La force de Shenmue c’est vraiment d’avoir réussi à me surprendre constamment. Alors que je pensais avoir tout vu du jeu, voilà qu’arrive la course de Fenwick. En fait, à un moment du jeu, pour son enquête, Ryo doit aller sur les quais et se fait embaucher comme manutentionnaire. Il ira ainsi au boulot tant que cela sera justifié par le scénario et en plus d’une paie journalière (à dépenser comme on le souhaite encore une fois), il pourra participer chaque matin avant le boulot à une course de Fenwick. Génial et hilarant tellement ces engins ne sont pas faits pour ça. Et entre nous, c’est grâce à ce genre de choses que Shenmue m’a autant marqué. Le scénario est excellent mais relativement convenu (une histoire de vengeance) mais tout cet aspect « simulation de vie » dont j’ai tant parlé était extrêmement novateur à l’époque, peut être trop même puisque jamais aucun jeu n’a voulu retenter l’expérience derrière. Si on m’avait dit à l’époque « Tu vas adorer un jeu dans lequel tu vis ta vie et où tu vas même travailler ! » j’aurais sans doute ri aux éclats. Et pourtant, tout est là. Une profondeur de jeu incroyable qui fait que même si le jeu était parfois un peu mou ou que quelques problèmes de maniabilité apparaissaient de temps à autres et bien on s’en fichait tellement Shenmue était au-dessus de tout ce qu’on avait pu essayer jusque là. Et mon dieu ce contenu de fou ! Les figurines, les canettes à acheter (dont des spéciales à gagner) aux distributeurs, les magasins etc. La vie dans ma console. Voilà comment je voyais le jeu à l’époque. Et ça n’a pas changé.
Conclusion de Shenmue
On va faire simple, j’en ait déjà tellement dit sur le jeu. Shenmue est un Jeu de légende. Sublime, travaillé jusque dans les moindres détails, avec des musiques et des doublages incroyables, le titre a tout pour plaire. Si en plus on rajoute un contenu pharaonique, un scénario prenant et un aspect « vie réelle » omniprésent et parfaitement intégré alors nous ne sommes pas loin de la perfection. Croyez-moi, Shenmue fait partie de ces jeux qui méritent leur place au panthéon des jeux vidéo tellement il a apporté à notre univers. Il a prouvé que quand on s’en donnait les moyens alors on pouvait transcender le plaisir de jeu. Alors oui, il n’est pas exempt de défauts et au jour d’aujourd’hui probablement que la claque graphique de l’époque ne vous fera pas d’effet, mais ne jamais essayer Shenmue et déclarer qu’on aime les jeux vidéo serait comme dire qu’on aime les shonens mangas et refuser de lire Dragon Ball.