Entreprise française connue pour avoir donné naissance aux séries Syberia et Still Life, mais également pour avoir édité d’honnêtes jeux tels que Blacksad: Under the Skin et Les cigares du Pharaon (et d’autres moins reluisants comme le remake de XIII ou l’adaptation de Fort Boyard), Microids est une marque connue et reconnue dans l’industrie du jeu vidéo. Que l’on aime ou non ses propositions, il est indéniable que la société a les pieds bien ancrés dans le paysage vidéoludique.
Mais aujourd’hui, Microids doit, une nouvelle fois, faire face aux retombées d’une enquête dénonçant des conditions de travail pour le moins chaotiques. Déjà ciblé par une enquête du journal Libération en 2024 mettant en lumière la mauvaise organisation en interne, les problèmes liés aux budgets ou encore la rémunération des équipes, Microids est cette fois visé par BFM Tech & Co. Cette enquête, tout comme celle de Libération à l’époque, se base sur les témoignages d’anciens et d’actuels employés de la société.
Suite au joli petit succès des Fourmis (adaptation de l’ouvrage éponyme de Bernard Werber) plusieurs employés témoignaient d’un épuisement psychologique et physiologique important. Et pour cause, Microids étant spécialisé dans le développement de jeux à petit et moyen budget, la cadence de développement est effrénée. Et cela est encore plus vrai en fin d’année. Cette période propice aux rentrées d’argent importantes est également celle où certains studios dévoilent toutes leurs cartes. Mais parfois, terminé ou non, le jeu doit sortir et ce n’est pas sans douleur, comme l’explique l’un des employés resté anonyme :
« Qu’importe si un jeu n’est pas terminé, il faut parfois le sortir, car nous sommes beaucoup plus tributaires des fêtes de fin d’année par exemple, qu’un éditeur de jeux à gros budget. »
Parfois, ce rythme de production imposé peut être néfaste pour le jeu. En témoignent Tintin et XIII. Bien que Microids ne soit que l’éditeur des projets nommés, c’est ce dernier qui décide de la fenêtre de sortie. Et comme nous le savons, retarder une sortie engage une certaine somme d’argent. Impossible pour une structure comme Microids. Le résultat s’est fait sentir : Tintin et XIII étaient parfaitement injouables à leur sortie. Même si Tintin s’en sort honorablement aujourd’hui, XIII quant à lui est toujours une torture à jouer (ressortez votre vieille PS2 ou Xbox pour profiter de cette pépite).
Et alors que la presse comme les joueurs ne sont pas tendres avec de nombreuses propositions de Microids, plusieurs membres des équipes de développement quittent le navire. Et comme le dit l’un des employés, ces postes vacants ne sont pas forcément remplacés. Pire encore, plusieurs d’entre eux doivent réussir l’exploit d’accomplir le travail de deux à trois personnes :
« Je fais le travail de trois personnes. Je ne suis pas le seul dans cette situation. »
Cette désertion est également la conséquence de beaucoup de licenciements camouflés. Ne pouvant respecter les contraintes économiques imposées par le développement des jeux, tout en continuant de garder certains employés à leur poste, la décision est prise et elle est drastique. Ces décisions témoignent d’un réel manque de management, mais également d’une gestion des équipes et des budgets pour le moins étrange.
La mauvaise presse, liée au nombre d’employés chutant drastiquement, l’entreprise doit désormais composer avec des fonds moins importants. Le succès des Fourmis est bel et bien présent, mais ne suffit pas à redresser la barre. Cette économie de moyens forcée a, certes un impact sur la qualité des jeux proposés, mais également sur l’ensemble des facteurs de la sortie d’un jeu. Ce faisant, Microids est désormais au coeur d’un cercle vicieux. La mauvaise direction des équipes entraîne un surmenage des employés. Ces derniers, au bout du rouleau, décident de tirer leur révérence laissant leur collègue composer avec ce qu’ils ont. Et ainsi de suite jusqu’à la sortie des jeux, qui pour la plupart n’ont pas vraiment la côte auprès des joueurs.
Pour pallier cela, Microids avait annoncé mettre en place des moyens pour améliorer les conditions de travail et de vie de ses employés. Mais beaucoup d’employés restent dans l’attente de ses décisions :
« On nous a déjà promis des améliorations par le passé, mais rien n’a changé. »
Alors que pouvons-nous espérer pour Microids ? D’ici quelques semaines, un nouveau directeur général devrait reprendre les rênes. Cette nouvelle arrivée n’est pas forcément bien accueillie en interne :
« C’est toujours compliqué d’avoir un nouveau patron, et on a surtout peur qu’il change l’ambiance. C’est une super boîte, mais on est épuisé. Il faut que la direction le comprenne. On ne peut pas continuer comme ça éternellement, ou on va finir pressés comme des citrons. »
Les employés sont clairs : ils effectuent jour après jour un travail de passion. Bien que les conditions ne soient pas favorables à un véritable épanouissement professionnel, beaucoup restent espérant qu’un jour nouveau se lève. Les mises en garde sont faites et il ne tient qu’au nouveau directeur de faire bouger les choses, sous peine de voir une entreprise qui a encore beaucoup à dire s’effondrer lentement mais sûrement.
Ubisoft – Yves Guillemot prend la parole contre le harcèlement
Léo Delacroix
Crunch – Les salariés pointés du doigt par le fondateur des studios People Can Fly
n1co_m
Test Blacksad – Un héros hors du temps, un jeu à son image
n1co_m