Un superbe remake de Metroid II réalisé par un fan nous quitte
AM2R, un Metroid II totalement modernisé
Metroid II n’est certainement pas l’épisode le plus connu ni le plus apprécié de la saga, en dépit de retours plutôt positifs par la presse de l’époque. Paru sur GameBoy en 1991, Metroid II: Return of Samus fait suite au jeu NES d’origine sorti en 1986 et en reprend le thème général ainsi que le personnage jouable devenu culte, Samus Aran. Le setting est le suivant : afin d’éviter que les Pirates de l’Espace ne s’approprient la puissance colossale des fameuses créatures extraterrestres baptisées Metroids, la Fédération Galactique envoie plusieurs équipes sur la planète natale de ces derniers afin de les exterminer une bonne fois pour toutes. Néanmoins, aucune de ces équipes n’étant revenue vivante de sa mission, c’est finalement à Samus, chasseuse de prime renommée, de se coller à la tâche. Sur place, la belle affrontera plusieurs dizaines de Metroids de taille variable, avant d’anéantir leur reine au coeur de sa planète.
SPOIL : une fois sa mission accomplie, Samus trouvera un oeuf de Metroid dont l’éclosion produira un bébé qui la suivra comme sa propre mère et qu’elle emportera avec elle afin de le faire étudier par les scientifiques END SPOIL.
Notez que ce jeu GameBoy est disponible sur l’eShop de la Nintendo 3DS depuis 2011, donc si vous ne le connaissez pas encore et que vous appréciez les Metroid 2D, n’hésitez pas à vous le procurer. Il ne vous en coûtera que 4€.
Parmi les critiques négatives reçues par le jeu, ce sont les rendus graphique et sonore, bien entendu, qui ont le plus marqué les esprits, la vaillante petite console monochrome étant ce qu’elle était. Metroid II a d’ailleurs dû employer des voies détournées pour parvenir à ses fins avec un écran en noir et blanc ; par exemple, les programmeurs ont choisi d’ajouter des épaulettes rondes à l’armure de Samus pour marquer l’évolution de sa combinaison, épaulettes qu’on retrouvera par la suite dans tous les jeux dédiés à notre héroïne. Par contre, sa suite, Super Metroid (1994) sur Super NES, est considérée par beaucoup comme un jeu culte et comme l’un des meilleurs titres de la console de par son atmosphère particulière, sa qualité graphique et musicale, la présence d’une map ainsi que son gameplay fluide et efficace. Tout le contraire de son prédécesseur, en somme ; mais cet état de fait n’allait pas convenir à un certain Milton Guasti, amoureux de Metroid II et bien décidé à lui offrir une seconde vie plus éclatante…
Après avoir terminé le jeu sur GameBoy pour la première fois, Milton Guasti (Argentine) se dit qu’il aimerait bien jouer au jeu avec des graphismes plus léchés, un gameplay plus dynamique, une carte intégrée au jeu (à la place du croquis papier-crayon qui était de mise sur GameBoy pour éviter de tourner pendant des siècles) et des boss plus massifs. Ni une ni deux, il s’attèle à la tâche via GameMaker, un programme de création vidéo-ludique, en reprenant des éléments de Super Metroid et de Metroid: Zero Mission, le remake du Metroid originel paru sur GameBoy Advance en 2004. Le projet se voit dénommé AM2R, pour Another Metroid 2 Remake. Peu familier de la programmation de jeux vidéo, Milton Guasti a acquis des compétences dans le domaine au fil de sa création, qui aura tout de même duré près de 10 ans avant d’aboutir à un produit fini.
Finalisation du projet et réponse de Big N
La principale difficulté rencontrée par le concepteur de AM2R a été de parvenir à recréer l’atmosphère de claustrophobie instillée par le jeu GameBoy où l’on se sentait seul et enfermé dans des cavernes toujours plus profondes, une ambiance facilitée par l’écran sans couleurs de la console. Les combats contre les différentes formes de Metroids, notamment, se déroulaient majoritairement en espace confiné sur Metroid II : il a donc fallu modifier les patterns et l’agressivité des ennemis pour la version remake, qui offrait des espaces plus vastes. En outre, si les débuts du jeu s’avèrent assez colorés et ouverts, la progression conduit le joueur dans des lieux de plus en plus sombres et étroits, avec des créatures postées dans des endroits nettement plus délicats en termes de maniement. Une autre difficulté à laquelle a été confronté Milton Guasti : coordonner les personnes collaborant au projet AM2R, d’autant que ces dernières cravachaient gratuitement sur le jeu durant leur temps libre.
Après la publication de deux démos, Another Metroid 2 Remake est finalement lancé en version complète et gratuite le 6 août 2016 sur PC, date exacte du trentième anniversaire de la série, le premier opus ayant été commercialisé le 6 août 1986.
On le sait, Nintendo est particulièrement vigilent en ce qui concerne l’usage frauduleux de ses licences, y compris en vue de projets amateurs édifiés par des fans. S’il est surprenant que la firme ne soit pas intervenue tout au long du développement de ce AM2R somme toute plutôt connu dans le milieu, la réaction à la parution officielle ne s’est pas faite attendre. Dès le lendemain, les sites hébergeant le téléchargement du jeu recevaient des avis DMCA, le Digital Millennium Copyright Act, une loi américaine destinée à protéger les droits d’auteur, conduisant le site officiel à supprimer le lien. L’auteur du jeu comptait cependant poursuivre le développement de son œuvre en privé, tout en encourageant les joueurs à se procurer la version eShop de Metroid II. Mais le 2 septembre, Guasti recevait sur sa boîte mail personnelle une interdiction formelle DMCA de poursuivre toute activité liée à AM2R, qui signait la mise à mort de son projet, imposant sa suppression pure et simple, injonction à laquelle il s’est inéluctablement plié.
Une longue histoire d’amour qui se termine de manière tragique, donc, mais également logique.
Ensuite, il est toujours possible de débattre sur le sujet. Est-ce que Nintendo sont des gros enfoiros d’avoir torpillé un travail de 10 ans ? Est-ce que la firme est dans son droit, peu importe le travail effectué par l’équipe ? Je ne me permettrai pas de prendre parti sur le sujet, mais toujours est-il que les faits sont là : les droits d’auteur existent pour protéger les créations de chacun, ce qui est parfaitement compréhensible, et ce dont l’auteur de Another Metroid 2 Remake avait probablement parfaitement conscience en se lançant dans son projet. Etait-il possible d’envisager une transaction entre Milton Guasti et Nintendo pour diffuser le jeu de manière officielle sans que Big N n’ait participé au projet ? Très improbable. Peu importe la manière dont on aborde cette révision de Metroid II, la tentative semblait vouée à l’échec. Alors tant mieux pour ceux qui auront pu mettre la main dessus avant sa mise à mort, et pour les autres il ne reste plus qu’à espérer que cette antiquité subira une refonte officielle comme avait pu en profiter le premier opus sur GameBoy Advance…
Notez que l’OST prévue pour la version finale de Another Metroid 2 Remake, composée par le créateur même du jeu, est disponible sur le site officiel de ce titre officieux, une OST souvent plus dynamique et moins angoissante que celle des Metroid originaux. Visiter le site vous permettra également de retrouver toutes les informations concernant cette pépite qui demeurera à jamais enfouie. Et si l’envie vous prend de suivre un walkthrough détaillé du jeu ou d’en découvrir certaines parties, le Hooper vous proposera une virée complète à travers la ténébreuse planète natale du Metroid. Vous pouvez également consulter notre test de Metroid Prime: Federation Force, dont notre testeur estimait qu’il s’éloignait beaucoup de l’esprit global de la licence.