Le temps passe, mais sa réputation auprès de certains ne change pas ou presque. Car même si cela arrive sans doute un peu moins que par le passé, il existe toujours quelques voix (isolées) pour s’élever et stigmatiser notre média favori ou le tourner en ridicule dès que l’occasion se présente. Et les derniers jours nous ont assez bien montré cette méfiance crasse qui existe encore çà et là. Sans aucune réserve, certains individus aux tendances réactionnaires, principalement issus du monde de la télé, considèrent le jeu vidéo avec mépris, allant même jusqu’à le désigner comme l’origine de toutes les violences qui existent dans le monde. Les preuves ? Où sont-elles ? Il n’y en a pas besoin. Ils le savent et il faut leur faire confiance à eux, chantres de la Vérité…
« Les jeux rendent violent », vraiment ?
Le caractère néfaste que l’on prête aux jeux vidéo a donc refait surface ces derniers jours, en marge du tragique incident survenu à Saint-Jean-de-Luz. Attention, pas partout. Mais même si ce genre d’intervention à charge était très minoritaire, cela a largement suffi pour faire le tour des réseaux sociaux (on a en tête les propos d’un chroniqueur de CNews ou encore du présentateur de l’émission de C dans l’air). Alors oui, c’est vrai que ça peut paraître bien léger. Cependant, ça reste assez révélateur de l’existence de certains préjugés qui ont la peau dure et qui circulent (et pas forcément que dans le monde de la télé).
"Les élèves sont sans arrêt sur leurs jeux vidéo en train de jouer à des jeux extrêmement violents, et quand ils se retrouvent dans la vie réelle, ils ne savent plus s'ils sont encore dans le jeu ou s'ils sont encore dans la vie réelle"
Kevin Bossuet#saintjeandeluz pic.twitter.com/nKkPJE7Yai— Caisses de grève (@caissesdegreve) February 22, 2023
Et pourtant, s’ils levaient ne serait-ce qu’un peu leur nez et qu’ils le dirigeaient là où il faut, ils trouveraient alors des propos dignes d’éclairer leur lanterne. Les diverses études réalisées sur le sujet tendent en effet à annihiler toute diatribe faite à l’encontre du média. Prenons, par exemple, l’une des plus récentes que l’on a sous la main : celle qui a été conduite par deux chercheuses de l’Université de Brigham Young. Sans surprise, le résultat ferait pâlir nos réfractaires. Pas qu’aucun comportement violent n’a été observé chez les individus ciblés (dont la moyenne d’âge était de 23 ans), ça c’est techniquement impossible, humains oblige.
Seulement, et c’est le plus important, il a été établi que le jeu vidéo n’avait nullement ce rôle de « graine qui fait germer l’agressivité ex-nihilo ». À vrai dire, les joueurs adolescents accompagnés au cours de ces travaux (effectués sur une dizaine d’années) ne présentaient rien, à l’âge adulte, qu’une personne lambda n’éprouverait pas.
Mais on peut probablement bien leur accorder une toute petite chose à ces partisans du « jeu vidéo, ça rend violent ». C’est que si le produit vidéoludique n’est pas à l’origine de tous les maux, il n’en reste pas moins un possible catalyseur. Cependant, il ne fera qu’exacerber un mal-être déjà profond, tout comme toute autre sorte de productions (cinéma, littérature et autres…), d’ailleurs. Les idées, images qui pullulent d’un côté comme de l’autre ne peuvent avoir de véritables influences (néfastes, s’entend) que si l’individu qui les reçoit (ou subit) est déjà très fragilisé psychologiquement.
Éluder les faits…
Le vrai problème est donc ailleurs. Quel est-il ? Eh bien, il est vrai que pour apporter une véritable réponse au sujet, rien ne vaut mieux que de le travailler avec l’aide des outils nécessaires. Néanmoins, il n’est pas exclu d’émettre quelques éléments qui, selon nous, ne peuvent être que l’expression de la logique.
Si certains préfèrent se diriger vers un objet tout trouvé, c’est parce que c’est beaucoup plus simple que de s’interroger sur les réelles causes et ainsi prendre le risque d’emprunter la voie de la remise en question. Et le jeu vidéo est une cible idéale à cause de la notion d’immersion. Le joueur est envoyé dans un monde virtuel, accomplit des tâches, etc. Cela fait peur, du moins, c’est ce qu’il semble être. Il suffit d’écouter les propos tenus. Quand quelques individus allèguent une certaine forme de « rupture avec la réalité », d’autres font un procès quant à la « prétendue immoralité » qui lui serait inhérente. Mais, dommage pour eux, ils ne font qu’exposer une chose : leur ignorance vis-à-vis de ce qu’ils critiquent à cœur joie et leur bêtise.
Cependant, le plus grave consiste à faire des généralités et à considérer, sans honte, le joueur comme un être étant dénué de tout esprit critique, d’être, ce que l’on appellera un peu vulgairement, un esclave motivé par ses désirs. Mais, quoi de plus normal ? Comme dit, trouver un coupable empêche de poser les bonnes questions et de faire face à ses possibles responsabilités. Car oui, cette violence que l’on pointe souvent ces derniers temps ne serait-elle pas le résultat et l’expression de maux beaucoup plus profonds qui existent au sein de notre société tels que la misère (sociale, éducationnelle…), le cynisme généralisé… ? On n’en sait rien, et on ne prendra pas parti. Toutefois, ces questions méritent vraisemblablement d’être abordées par ceux qui se permettent de faire ces procès.
Vers un progrès ?
Mais, en vérité, il y a peu de chances que nos réacs vilipendeurs se les posent, ces interrogations. Que ce qu’ils disent soit vrai ou faux, cela leur importe peu. Tout ce qui compte pour eux, c’est de prendre en grippe tout ce qui n’appartient pas à leur monde idéalisé, où ce qu’ils considèrent comme la Culture légitime a une place pour le moins fantasmée. Ceci dit, pas d’inquiétude, les temps changent bel et bien. Et on le voit déjà : le jeu vidéo est vraiment loin d’être marginal. Les chiffres le montrent : en 2020, par exemple, plus de 37 millions de français (dont la majorité était une population jeune) comptaient parmi la catégorie de joueurs.
N’en déplaise à certains, l’avenir est donc radieux pour les jeux vidéo, qui gagnent de plus en plus de reconnaissance (la dernière édition des Grammy Awards en témoigne). Les méprisés des temps présents deviendront (peut-être) les gloires de demain. C’est du moins ce que nous a montré le passé : souvenez-vous, mesdames et messieurs les réacs, d’œuvres aujourd’hui au panthéon de la culture (tels que Madame Bovary et les Fleurs du mal) qui n’ont pas toujours été vues d’un très bon œil.