Godzilla: Minus One n’était d’abord qu’une sortie éphémère organisée par les cinémas Pathé le 17 décembre dernier, ce qui pouvait paraître être une sorte d’injustice vis-à-vis du public amateur d’un tel divertissement. Fort heureusement, un mois après cette sortie, le monstre le plus célèbre du cinéma japonais (même du cinéma tout court) est de retour dans nos salles obscures. Cette réapparition du colosse doit-elle être considérée comme un immanquable ? C’est la question à laquelle nous allons tenter de répondre dans les prochaines lignes.
Il était une fois une guerre
Godzilla: Minus One débarque pile au moment du soixante-dixième anniversaire de la licence. Une longévité impressionnante qui n’aura sur sa route que le gros gorille du côté d’Hollywood, l’imposant King Kong. Lequel « rival », bientôt centenaire (en 2033 plus exactement), aura lui-même contribué à sa création.
C’est donc dans la volonté de rendre hommage que Takashi Yamakashi s’est attelé à la tâche de ce nouveau film. En tout cas, on ne peut évacuer totalement l’idée. D’autant que l’environnement même du film est en lui-même évocateur : adieu le monde contemporain et bonjour le Japon des années 1945/1946. Cela nous renvoie donc, d’une part, à l’époque qui a accueilli le monstre pour la première fois, mais aussi, et surtout, au contexte initial, celui de l’après-guerre.
C’est ainsi que l’on nous amène à vivre les tribulations d’un ex-soldat japonais, et plus particulièrement l’un de ses aviateurs porteurs de mort nommés plus communément kamikazes. On taira l’histoire en grande partie de peur d’en dire trop, même si, on le concède, il n’y a rien de très original. C’est donc sans grande surprise que l’on nous offre des personnages que l’on pourra qualifier d’archétypiques tels que le scientifique zélé ou le jeune impétueux… Une caractéristique qui prendra d’ailleurs tout son sens par le jeu très expressif des acteurs.
Tout ce que l’on pourra dire du scénario, c’est qu’il semble y avoir une volonté de donner corps à un récit intimiste où la bête aurait davantage un aspect métaphorique aux sens multiples. Si le fameux dinosaure mutant aura pour la plupart la portée écologique qu’on lui donne depuis toujours, il aura aussi ici une dimension que l’on pourrait définir comme philosophique. Pour cause, il condense en quelque sorte tous les tourments du héros. Combattre Godzilla revêt ainsi une portée plus intimiste, s’avérant en quelque sorte être une sorte d’épreuve vers l’acceptation de ce qu’il considère être comme sa plus grande faute.
Une fureur dévastatrice
Le résultat est-il pesant pour autant ? Pas réellement. Du moins, ces questions peuvent passer inaperçues si l’on décide évidemment de ne pas en faire grand cas et de considérer ce Godzilla: Minus One comme un simple spectacle de lutte entre une poignée d’hommes et une créature venue d’ailleurs dont la seule finalité est la destruction. Une destruction qui, on va le dire, fait plaisir aux yeux. Mais attention ! Il n’est nullement question de mettre en avant ici nos penchants pour la désolation, mais bien d’attirer l’attention sur la prouesse technique du film.
Car oui, dire que ce qui a été fait est impressionnant n’est pas un superlatif utilisé sans raison. C’est simple, Godzilla: Minus One met une claque. D’autant que le budget qui a été alloué au film est assez limité. Avec un tout petit peu plus de 15 millions de dollars, le film donne quelque chose de très convaincant. Ce qui bluffe, c’est qu’il n’y a absolument pas matière à envier les grosses productions hollywoodiennes qui ont nécessité des fonds plus conséquents à l’instar des héros de chez Marvel ou DC Comics.
D’ailleurs, la performance est telle qu’elle est possiblement en passe d’être récompensée par Hollywood même, qui vient de le nominer aux Oscars dans la catégorie « Meilleurs Effets Visuels » face à des mastodontes tels que Mission Impossible: Dead Reckoning ou Les Gardiens de la Galaxie Vol.3. Et même si l’estimée statue ne lui revient pas, c’est déjà à considérer comme une victoire.
Après, si on cherche, on trouvera forcément quelques défauts, lesquels seront forcément imputés à la modestie de la production. Visuellement, cela se traduira par exemple par la présence de figurants parfois atones ou par un manque d’impact dans les coups portés par la bête, abaissant par là le niveau de réalisme. Ne pourrait-on pas en effet nous attendre à ce que les corps projetés soient un peu plus malmenés que ce que l’on voit ?
Cela mis à part, on ne peut être que ravis et transportés par ce que nous sert le film sur un plan visuel, mais aussi sur le plan musical, qui convaincra plus d’un spectateur avec le célèbre thème de la série remanié d’une bien jolie manière. Bref, le tout donne un résultat saisissant. La preuve : toutes les scènes dans lesquelles apparaît Godzilla font sensation. C’est tendu, passionnant et même émouvant, du moins est-ce le cas pour un certain passage qui fera probablement verser quelques larmes.
Une réussite consensuelle ?
Godzilla fait vivre la terreur à l’écran et tient en haleine le spectateur. Néanmoins, comme on le disait, c’est loin d’être une copie parfaite, et y compris sur le plan scénaristique. Oui, on revient sur ce point, mais cette fois-ci pour voir un peu plus le fond de la chose, en s’intéressant alors à tout ce qui tourne autour du Kaiju : les affaires humaines.
Déjà, en premier lieu, ce qui se heurtera au spectateur occidental, c’est ce que l’on pourrait appeler une « dissonance culturelle ». Plus tôt l’on disait que le jeu des acteurs était très (trop) démonstratif, mais on pourrait aussi dire de lui qu’il est très japonais, dans le sens où il est très théâtralisé, voire factice. Ensuite, c’est l’écriture qui est quelque peu problématique : situations prévisibles, fin un peu trop facile et surtout l’écriture du personnage principal.
En effet, tout est fait pour qu’on le prenne en sympathie. Il y a, de fait, comme une volonté d’appuyer sur ses soucis moraux. Ce qui est utile pour la progression intérieure du héros, pour signifier sa prise de conscience et souligner sa résolution à combattre le monstre. Cependant, ce que l’on voit confine très vite à l’apitoiement. Et voir quelqu’un se lamenter plus que de raison n’est pas forcément agréable à voir.
L’autre reproche que l’on pourrait lui faire tournerait finalement autour du manque d’originalité. Les situations mises en scène à l’écran sont assez banales et dégoulinantes de bons sentiments, ce qui pourrait faire plonger le spectateur dans l’ennui, lequel ne pourra que prier pour que les moments avec Godzilla réapparaissent bien vite. Et, en plus de cela, si on se met à l’analyse de la chose, on pourrait aboutir à une morale (politique ?) quelque peu ambiguë.
En définitive, Godzilla: Minus One est une excellente entrée et un divertissement spectaculaire, surtout quand l’on considère son budget. Le film n’échappe pas à quelques facilités et à des lourdeurs que l’on doit à sa construction narrative ou à son personnage, mais il s’en sort très bien là où on l’attend. La créature est terrifiante et fait son effet dans toutes ses scènes consacrées. Atteindre bientôt les 70 ans sans perdre une once de terreur, c’est pas beau, ça ?
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