Avec la sortie récente de God of War: Ragnarök, les aventures de Kratos se poursuivent sous une myriade d’éloges critiques mérités tant le titre regorge de qualités narratives et d’une ambiance exceptionnelle. Cependant, un petit nuage vient d’arriver et tonne de manière inquiétante : il n’est en effet pas lié au panthéon ou à la mythologie nordique, et la controverse qu’il apporte risque d’apporter une ombre malvenue, mais peut-être nécessaire et légitime.
Point de salut dans le Valhalla pour les stagiaires
Après la sortie du dernier titre de Santa Monica Studios, une artiste stagiaire ayant travaillé sur la bande originale du jeu, Jessica Mao, a partagé sa déception d’avoir appris, manifestement après sa participation à la production du jeu, qu’elle ne figurerait pas dans les crédits du titre, qu’aucun patch ne l’ajoutera et qu’on lui a rapporté qu’être crédité dans la production d’un jeu nécessite des « critères minimum » auxquels elle n’aurait pas satisfait.
« Il vaut mieux que j’en parle avant que Twitter ne meure. Je suis tellement heureuse de voir tant de personnes apprécier God of War: Ragnarök ! J’ai travaillé sur l’édition, l’arrangement et l’implémentation de la musique lors de la course-poursuite avec Freya et pour le combat de boss avec Thor. Vous pouvez en écouter une partie de chacune dans cette vidéo. […] Malheureusement, mon nom n’est pas dans les crédits et apparemment il ne pourra pas être rajouté avec une mise à jour. L’on m’a dit que pour être créditée, ma contribution au jeu doit satisfaire certains « critères minimum », d’où mon tweet de lundi. Je ne suis toujours pas sûre de bien comprendre ce que ce critère pourrait être… C’était incroyablement décevant et décourageant pour moi de l’apprendre, et je ne souhaite à personne de vivre cela. Développeurs de jeux vidéo, s’il vous plaît, créditez TOUTES les personnes qui travaillent sur le développement d’un jeu. C’est juste normal. »
Après que ce thread a quelque peu gagné en popularité, Jessica Mao a déclaré dans un tweet deux jours plus tard qu’elle a travaillé à Santa Monical Studios de juin à août 2021 en tant que stagiaire en production musicale à temps plein. Dès lors, pour quelle raison cette artiste débutante n’a-t-elle pas été créditée dans le développement du jeu ? Pour n’avoir été qu’une stagiaire ? Les clauses donnant droit à paraître dans les crédits sont très floues et varient de studio en studio, souvent à la discrétion des producteurs des jeux développés. Si l’on en croit Mark Matarea, ancien ingénieur software senior à Electronic Arts, qui s’est exprimé sur le sujet il y a un an :
« S’ils sont stagiaires dans une équipe qui participe au développement du jeu, alors ils seront très probablement crédités dans la section « travail additionnel ». Elle est dédiée aux personnes qui ne sont pas restées longtemps ou qui ont peu contribué. Ça dépend de l’équipe, du chef d’équipe et de leur opinion sur la performance du stagiaire. S’ils n’ont rien fait, ils n’auront pas de crédit. La barre est basse, mais elle existe ».
Cependant, Jessica Mao a travaillé sur le mixage et l’implémentation musicale de certaines séquences du jeu, dont un combat de boss. Et étant donné la réception critique du jeu pour son ambiance et sa musique, c’est plus que curieux que l’artiste stagiaire ne soit pas créditée au développement. Bien que le studio soit resté silencieux sur la controverse, Sean LaValle, designer audio senior au sein du studio, a apporté son soutien à la jeune artiste.
Une pratique qui connaît des précédents
Cet épisode fait écho à une controverse similaire qui a eu lieu l’année dernière concernant le jeu Metroid Dread. En effet, le studio MercurySteam avait alors totalement assumé ne pas inclure dans les crédits du jeu les personnes ayant travaillé sur moins de 25% du développement du jeu, laissant de fait de côté de nombreuses personnes talentueuses dont le travail était pourtant essentiel au jeu telles que Roberto Mejias, un modélisateur 3D, qui, bien qu’il ait consacré huit mois de travail au jeu, n’est pas présent dans les crédits. Il en est de même pour la développeuse Tania Hernandez qui s’est émue sur LinkedIn de ne pas figurer aux crédits du jeu alors que les animations et ennemis qu’elle a faits sont omniprésents dans les vidéos de gameplay.
Dans les deux cas, MercurySteam revendique de ne faire figurer au générique que les personnes apportant une contribution « significative » au développement du jeu, mais de toute évidence, les critères semblent flous, arbitraires et dommageables pour la carrière des jeunes talents qui contribuent pourtant à la naissance de ces jeux. Imaginez-vous faire un stage de 6 mois de fin d’étude dans une grande compagnie, et une fois votre diplôme en poche, lors de votre quête de premier emploi, votre futur employeur vous apprend que la société dans laquelle vous avez travaillé en tant que stagiaire estime que vous n’y avez rien fait ?
Malheureusement, la controverse reste marginale et peu connue du grand public. Les studios s’emmurent dans un silence dont personne ne viendra les déloger ou prétendent avoir des critères qui semblent opaques et à la convenance d’un groupe restreint de managers. Le seul changement pourrait venir d’un syndicat tel que le surpuissant SAG-AFTRA américain qui avait négocié une meilleure paie pour les acteurs et doubleurs de personnages de jeux vidéo au terme d’une grève qui aura duré près d’un an et touché la plupart des grands studios outre-Atlantique.
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