En 2020, Among Us devenait un phénomène de société à l’échelle planétaire. Alors qu’on était tous enfermés à la maison, nous avons été nombreux à nous connecter en vocal pour retrouver nos amis. La recette était toute simple : des personnages au design cartoon reconnaissable, un gameplay qui favorise les discussions chaotiques et l’humour, le tout soupoudré de memes internet. En parallèle, cette période marque aussi l’explosion de Twitch, où de plus en plus de streamers s’amusaient à enchaîner les parties pour divertir leur audience.
Quand une formule fonctionne bien, on s’attend évidemment à ce qu’elle fasse des émules. En 2025, c’est Peak qui a longtemps retenu l’attention. Entre-temps, on a vu passer d’autres jeux, comme R.E.P.O ou Phasmophobia. Bien qu’ils aient tous des prémices différentes, on y retrouve toujours les mêmes ingrédients : des jeux indés rigolos, aux apparences simples, souvent bon marché, qui s’apparentent autant à des lieux de socialisation qu’à des jeux vidéo. Aujourd’hui, certains regroupent ces titres sous la même étiquette : le friendslop, comme s’ils constituaient un nouveau genre.
2025 ou l’ère du « slop »
« Slop » est un mot anglais qu’on pourrait traduire par « bouillie ». De nos jours, il désigne surtout le contenu de mauvaise qualité, produit en masse, qui pullule sur Internet à l’ère de l’intelligence artificielle générative. Comme un amas informe de textes et d’images sans âme et sans intérêt, qui n’existent que pour faire du clic ou pour créer de l’engagement.
Quand on sait ça, on comprend que l’étiquette « friendslop » est peu flatteuse. Le sous-entendu est que ces jeux seraient eux aussi de piètre qualité, et que leur existence ne se justifierait que par une volonté de capitaliser sur une hype de courte durée. Par le passé, on appelait aussi ces titres des « streamer baits » (soit des « appâts à streamers ») : des jeux développés en espérant que les créateurs de contenu s’en empareraient le temps de quelques lives, assurant une promotion gratuite.
On voit tout de même vite les limites du terme. Si on comprend qu’à force de voir des jeux qui se ressemblent, on a une impression de redondance, difficile de parler de véritable « slop » : malgré tout, ces titres sont créés avec intention et avec l’envie de proposer une expérience agréable. Du vrai slop, ce serait des jeux entièrement générés par IA, sans la moindre intérêt.
Entre lassitude et mépris
Finalement, le terme friendslop n’est-il pas simplement né de la lassitude face au dernier concept à la mode ? C’est indéniable : ces jeux se sont multipliés depuis le succès d’Among Us, ou encore de Lethal Company. Vous avez peut-être vous-même un ami qui vous demande régulièrement d’installer un petit jeu à quinze euros pour faire une ou deux parties, avant de ne plus jamais le relancer.
Des titres qui utilisent souvent le chat de proximité, qui vous mettent dans des situations absurdes, ou qui vous demandent de vous coordonner tous ensemble pour réussir un objectif, on en voit passer tous les mois. Ils sont souvent présentés comme « le nouveau phénomène » avant de retomber dans l’oubli, en dehors des jeux mentionnés dans cet article, qui semblent bien partis pour durer.
Mais en quoi est-ce une mauvaise chose ? Pourquoi ces jeux en coop, pensés pour passer un moment entre amis, sont-ils particulièrement ciblés par les commentateurs ? Pourquoi ne parle-t-on pas de « Rogue-like slop » ou de « Extraction shooter slop », d’autres genres qui peuvent sembler tout aussi surreprésentés dans l’industrie ?
Les jeux friendslop semblent, d’une certaine façon, attirer de nouvelles personnes vers le jeu vidéo. À la manière d’un jeu de société, ils sont un espace de socialisation pour passer un bon moment avec ses amis. Ce sont bien souvent des titres accessibles financièrement, mais aussi au niveau du gameplay (pas besoin d’être un joueur aguerri ou de passer des heures à comprendre les mécaniques). Et ce n’est pas un hasard si ces jeux deviennent particulièrement populaires à une époque où on estime que les jeunes souffrent de plus en plus de solitude et d’isolement social.
Notons également que ces jeux qui peuvent avoir l’air « cheap » sont aussi, bien souvent, l’œuvre d’une seule personne ou d’une toute petite équipe. On peut comprendre que cet aspect bon marché ne soit pas au goût de tout le monde dans une industrie pleine de AAA, mais là encore, est-ce vraiment ce qui en ferait du « slop » ? Alors que la concurrence devient de plus en plus sévère sur cette niche, on observe au contraire que les développeurs cherchent à innover pour proposer des expériences différentes. On pense par exemple à Mage Arena, qui avait poussé l’utilisation du micro.
En tout cas, les créateurs de Peak ont décidé d’accepter l’étiquette de friendslop, comme l’a affirmé le développeur Caelan Pollock :
« Nous sommes dans cette phase dans laquelle on peut facilement classer tous ces jeux dans un même genre, qu’on l’appelle friendslop ou quelque chose de moins négatif. Ils sont populaires, ils s’inspirent clairement les uns des autres, et ils sortent rapidement. Ça me fait mal de l’admettre, mais nous, on adore le terme. »

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