Peu d’entre vous ont dû louper le lancement raté de Cyberpunk 2077, le RPG attendu comme le messie par de nombreux joueurs durant toute l’année 2020 et qui a fait couler énormément d’encre à sa sortie.
S’en est alors suivi une véritable chasse aux sorcières afin de régler les comptes avec le studio CD Projekt qui annonçait leur jeu comme étant déjà un futur classique du jeu vidéo. Quelques semaines après cette polémique, des membres de l’équipe du studio polonais ont décidé de sortir de l’ombre pour s’exprimer sur le développement chaotique de Cyberpunk 2077.
Quelques jours seulement après les excuses de Marcin Iwinski concernant la qualité de son jeu, Jason Schreier enfonce le clou en publiant un article sur le site américain Bloomberg concernant le développement désastreux de Cyberpunk 2077. Ce n’est en effet pas moins de vingt témoignages des membres de l’équipe qu’a réussi à regrouper le journaliste américain, et qui viennent une fois de plus entacher la réputation de ce studio apprécié.
Parmi les nombreux points mis en avant dans cet article, on retrouve évidemment les cadences insoutenables pesant sur les développeurs et le crunch qui en ont obligé plus d’un à faire des heures supplémentaires, malgré le fait que le studio avait expliqué que ces dernières ne seraient pas obligatoires. Cela relance encore une fois la polémique du crunch, un procédé de plus en plus décrié par les équipes de développement ces dernières années. C’est notamment Adrian Jakubiak, un ancien programmeur audio, qui fait part dans son témoignage des cadences compliquées durant le développement :
« Il y avait des moments où je faisais jusqu’à 13 heures par jour – un peu plus et c’était probablement mon record – et je travaillais cinq jours par semaine comme ça. J’ai des amis qui ont perdu leur famille à cause de ce genre de manigances. »
Ce témoignage fait simplement état des conditions de travail plus que compliquées pour l’équipe, bon nombre d’entre eux se sentant obligés de participer aux heures supplémentaires par leurs supérieurs. C’est d’ailleurs ce même programmeur, qui a quitté CD Projekt depuis, qui nous fait part d’un autre aspect intéressant, le studio ne savait pas où il allait.
S’appuyant sur le succès de The Witcher 3, CD Projekt ne doutait pas de la réussite de son projet, quand bien même plusieurs membres du staff s’interrogeaient sur la possibilité de finaliser un jeu aussi grand dans un délai plus court que pour leurs jeux précédents et ayant pour seule réponse :
« Nous le découvrirons en cours de route. »
Autre fait bien plus dérangeant cette fois-ci, des témoignages mettent en avant que malgré des conditions de travail compliquées, certains développeurs se sont retrouvés à bosser sur des démos du jeu qui étaient presque entièrement fausses.
Absolument pas représentatives de l’état de développement du jeu, ces démos mettaient en avant des aspects du jeu qui n’avaient même pas encore été codés. Bien qu’il soit largement admis aujourd’hui que les démos sont là pour vendre du rêve, il reste tout de même dérangeant de réaliser que ces vidéos qui avaient su gagner le cœur des joueurs et des journalistes n’étaient au final que de la poudre aux yeux.
On peut alors s’interroger sur les causes ayant mené au fait que Cyberpunk 2077 soit considéré comme un jeu moyen. Eh bien, il semblerait que ce soit au niveau de la communication que cela a coincé. Les témoignages font état de points de vue divergents, de demandes de refonte du gameplay ou de l’histoire après plusieurs années de développement, et d’une communication chaotique ayant mené à une forme de chacun pour soi. Le manque de personnel et la barrière de la langue n’ont pas non plus aidé, menant à des retards. De plus, la Covid-19 n’a semble-t-il pas aidé vis-à-vis de ce problème :
« Une grande partie de la dynamique que nous tenons normalement pour acquise s’est perdue lors d’appels vidéo ou de courriels. »
Tout cela couplé à un salaire bas, une ambition démesurée et à un manque d’écoute flagrant des employés, les développeurs n’ont pu qu’assister à l’annonce de dates et de délais qu’ils savaient par avance ne pas pouvoir tenir. Même constat pour la sortie, les témoins précisent qu’ils savaient pertinemment que le jeu n’était pas prêt à être vendu, de nombreux aspects du jeu étant manquants et des bugs majeurs étant encore découverts alors que Cyberpunk 2077 venait d’être annoncé comme gold.
La réaction des joueurs n’a donc pas été une surprise pour les développeurs qui s’attendaient à un tollé, malgré leur volonté de limiter la casse jusqu’au bout.
« Je savais que ça n’allait pas bien se passer. Je ne savais tout simplement pas à quel point ce serait désastreux. » – Adrian Jakubiak
Reste à espérer qu’il ne s’agisse ici que d’une regrettable erreur de parcours du studio CD Projekt qui, malgré « l’échec » de Cyberpunk 2077, a su nous faire passer d’excellents moments sur certaines autres de leurs œuvres. Suite à la parution de l’article avec Jason Schreier, Adam Badowski, le chef du studio CD Projekt, s’est lui-même exprimé sur Twitter au sujet de cet article, précisant que cela lui avait donné matière à réflexion. Reste à espérer que le studio polonais nous reviendra sous de meilleurs auspices dans un futur proche.
I’ve read your piece and tweets, thank you for the read. I have some thoughts. https://t.co/T3qACdrnwM pic.twitter.com/wuzy5lXoqQ
— Adam Badowski⚡️ (@AdamBadowski) January 16, 2021