Lil’Berry, petite perle du manga français de cet été.
Il est de ces œuvres qui nous remettent en question continuellement sur le débat de l’hommage des œuvres modernes envers les classiques dont ils ont été inspirés. Doit-on garder toutes les forces des légendes du genre, ou au contraire s’en affranchir et proposer sa propre itération du sujet traité (vous avez 4h) ? Comment surprendre avec une mélodie que nous avons tous dans notre cœur, sans bafouer sa propre perception de l’ensemble ? Bref, ce sont beaucoup de questions auxquelles Lil’Berry essaie d’apporter des débuts de réponses, via ses deux premiers tomes. Tour d’horizon.
Lil’Berry est un manga d’aventure qui nous raconte l’histoire de Baie, une jeune fille un peu/complètement naïve, qui rappellera à beaucoup un autre personnage un peu nounouille d’un autre manga très connu : Dragon Ball. En effet, le dernier né de l’esprit fantasque de l’artiste français Fabien Dalmasso (Le Fab pour les intimes de Reflets d’Acide) est un bel hommage aux premiers tomes de l’histoire de Sangoku écrit par maître Toriyama. Si ce n’est dans le scénario que la référence saute aux yeux, c’est avant tout dans l’aura émanant de Lil’Berry que l’on retrouvera ces petits je-ne-sais-quoi au goût délicat de Madeleine de Proust aromatisée Nuage Magique.
Que ce soit par les noms, qui pour quelques personnages sont inspirés de nourriture, tels que Potato et Baie par exemple, ou par l’humour grivois « facile » mais qui fonctionne toujours autant qui ponctue l’histoire de notre nouvelle héroïne made in Cocorico, l’esprit humour de Dragon Ball semble imprégner chacune des pages de cette aventure, qui a su d’avance gagner notre cœur nostalgique.
Toutefois, un hommage à un manga aussi sacré ne peut-il pas mettre Lil’Berry ad vitam eternam dans l’ombre de ce dernier ? C’est une question qui prendra plus de tomes pour trouver réponse, même si toutefois, pour l’heure, le titre dessiné par Jeronimo Cejudo arrive à se démarquer d’un héritage pourtant assumé par l’auteur, grâce notamment à un scénario intéressant, mêlant personnages loufoques, insouciance et bonne baston.
La candeur du personnage principal nous surprend de page en page, allant parfois même jusqu’à surplomber la débilité ignorante de Sangoku. Si l’on retrouve parfois un manque de profondeur pour le personnage, l’on ne peut le considérer comme un point négatif, tout d’abord parce que le manga n’en est qu’à son deuxième tome, et surtout parce que parfois, les émotions les plus simples sont aussi les plus belles à lire. Qu’on le veuille ou non, on aime Baie. On aime sa naïveté face à la résolution de problèmes qui ne paraissent même pas en être à ses yeux, tant sa vision du monde est simple et pure.
Nous n’évoquerons pas le scénario de manière concrète, puisque ce dernier n’est pas avare en explications sur son monde et son légendaire, ce qui met le lecteur dans le bain très rapidement. Et c’est d’ailleurs peut-être le seul point légèrement frustrant du manga.
L’auteur nous livre ici hélas rapidement beaucoup d’informations sur l’univers, nous privant d’une part d’un peu d’innocence inhérente au propos de départ, et d’autre part de temps afin de développer à point la curiosité du lecteur. Cela n’est pour le coup qu’un point purement subjectif, qui n’enlève en rien le plaisir que l’on éprouve à enchaîner les pages. Après tout, Lil’Berry est un peu à l’image de son personnage principal : simple, et plein d’innocence.
Pour ce qui est des dessins, on se régale ! Un chara-design au poil, avec de vraies bonnes trouvailles, notamment celle de Bomba Fatima, à moins que huhu, ce soit notre esprit grivois qui remonte (encore un coup à saigner du nez tout ça…). L’action est réellement lisible, et l’on apprécie tout particulièrement les plans de combats face à face avec des points de distance différents, nous permettant de combiner lisibilité et visibilité. L’esprit global de l’oeuvre, lui, reste totalement dans le souffle de légèreté qu’inspire le récit, nous délaissant pour quelques temps à la comparaison toute faite avec son inspiration principale.
Plus qu’un hommage sympatoche à l’oeuvre majeure de Toriyama, Lil’Berry s’inscrit au club des récits d’aventure potache, à l’humour aussi simple et efficace que son personnage principal. Nous le conseillons pour tout public, avec toutefois une préférence pour les amoureux de sensations dragonballesque (des débuts), et aux jeunes lecteurs souhaitant une porte d’entrée agréable dans le monde du manga. Nul doute que tous et toutes sortiront de cette aventure le sourire aux lèvres.