C’est plus fort que moi. Quand je suis interpellé en bien ou en mal par quelque chose, j’ai cette envie soudaine d’en écrire un article. It Follows a clairement réveillé cette pulsion de rédacteur compulsif. Sorti dans nos salles obscures en février dernier, It Follows de David Robert Mitchell avait surpris bon nombre de spectateurs (et j’en fais partie) par son scénario original et sa réalisation de qualité. Le film est présenté au grand public comme un film d’horreur (il suffit de regarder son affiche officielle pour s’en rendre compte). Et pourtant, It Follows se veut tellement, mais tellement plus profond. Tel un justicier, je m’apprête à corriger cette classification simpliste qui a certainement fait fuir quelques spectateurs dubitatifs. Et si j’arrive en plus à convaincre certains d’entre vous de visionner ce film, ma mission sera un fier succès. Bref, commençons par un rapide coup d’œil sur le cinéma dit « d’horreur » (dieu que je déteste cette appellation).
Critique It Follows de David Robert Mitchell
L’horreur n’a plus de sens au cinéma
De près comme de loin, le cinéma d’horreur a perdu de sa valeur au fil des années. Devenu une classification destinée aux adolescents en quête de frissons faciles, le genre s’est perdu au point de devenir un pot-pourri où tous les sous-genres (slasher, gore, zombies…) sont mélangés sans profonde distinction. Il faut l’avouer, l’industrie nauséabonde du cinéma actuelle en est la cause principale. Saw, Hostel, Insidious ou encore Sinister, voilà quelques exemples concrets qui rendent le cinéma d’horreur détestable et sans saveur. À nous servir 52 fois la même chose, ça en devient indigeste et surtout sans intérêt pour le spectateur, le vrai qui cherche une véritable expérience derrière le film.
Combien de fois ai-je entendu « le cinéma d’horreur, c’est pas vraiment du cinéma » ? Outre le fait que j’ai une soudaine envie de foutre un coup de boule à mon interlocuteur, cette phrase est tout bonnement erronée et révèle un manque évident de connaissance sur le sujet. Je ne suis pas là pour présenter l’horreur sous ses meilleurs auspices mais bien pour pousser une gueulante sur ce genre en perdition. Les films d’horreur font partie intégrante du cinéma et n’ont strictement rien à envier aux autres genres. Scénario, jeu d’acteur, réalisation, les ingrédients sont identiques. Parmi les multiples déchets visuels que comptent nos salles obscures, certains films arrivent à sortir des sentiers battus et à nous proposer une véritable expérience. It Follows a alors un effet curatif tel un pansement sur une plaie. Certes, le cinéma d’horreur va mal depuis quelques années mais certains réalisateurs limitent cette hémorragie.
It Follows, parlons synopsis
L’été arrive et avec lui ses belles promesses. Jay, une adolescente comme les autres fréquente depuis peu un jeune homme. Après plusieurs soirées passées ensemble, le couple décide de passer à l’acte. David Robert Mitchell nous présente ici une situation de vie banale où chaque spectateur peut facilement s’identifier, d’autant plus que la scène en question est sincère et réaliste. Une fois l’amour consumé, Jay se retrouve attachée sur une chaise, son compagnon lui explique alors qu’il lui a transmis quelque chose qui s’apparente à une sorte de malédiction. Notre héroïne va être traquée sans relâche par quelque chose. Cette chose peut prendre l’apparence d’un membre cher ou d’un inconnu, elle marchera, marchera inlassablement dans sa direction. Lente, hideuse, elle n’est animée que pour la tuer. Avant de s’enfuir, le jeune homme l’informe qu’elle peut transmettre cette chose en couchant avec un autre garçon. Le mal se transmet par le sexe. Dernier détail qui a son importance : seuls les individus « contaminés » peuvent voir ces entités horrifiques mais bien réelles. Jay va alors tenter de survivre à ce cauchemar, un peu comme dans les Griffes de la Nuit de Wes Craven où la victime ne peut s’endormir sous peine de mourir des mains (ou plutôt des griffes) du croquemitaine, It Follows reprend ces codes : comment fuir quelque chose qui vous suit inlassablement ?
It Follows se démarque d’entrée de jeu par un scénario atypique, l’angoisse est constante et la réalisation de David Robert Mitchell l’intensifie. En effet, le réalisateur s’amuse à cacher le « fantôme » en arrière-plan. Il opte pour des plans larges où le mal peut surgir de nulle part. Mais le véritable frisson provient de cette vulnérabilité constante ressentie tout au long du film. Quoi qu’on fasse, le mal approche, impossible de se poser sans être en alerte, ça approche, ça suit.
La musique au cœur de l’angoisse
It Follows se distingue également par sa bande-son glaçante. Rich Vreeland alias Disasterpeace en a composé tous les morceaux. Tantôt sereines, tantôt angoissantes, les musiques rythment à la perfection l’adrénaline accumulée.
Je vous invite vivement à écouter l’intégralité de ce somptueux OST, ainsi que toute la discographie de l’artiste (disponible sur Spotify).
It Follows : il y a un message caché ?
Lors de sa sortie au cinéma, It Follows a fait couler beaucoup d’encre, non pas pour sa qualité mais pour son message véhiculé. Certains spectateurs criaient au sexisme (je ne m’attarderai pas sur ce sujet), d’autres voyaient le film comme une allégorie des maladies sexuellement transmissibles et j’en fais partie. Pourtant, David Robert Mitchell a clairement réfuté cette idée et a déclaré que son long-métrage était simplement issu d’un cauchemar récurrent qu’il faisait quand il était gamin. Difficile à croire de la part du réalisateur de The American Myth of Sleeping Over où le sexe est omniprésent. Ce dernier a également déclaré que la grande force de son film réside dans toutes les interprétations possibles de cette « chose », chacun aura sa propre vision. En y réfléchissant de plus près, bon nombre des peurs sont irrationnelles et uniques, nous ne connaissons pas leurs origines. Tout ce que nous savons c’est qu’elles sont là. Le film suit ce raisonnement à la lettre.
Vous l’avez compris, je recommande chaudement It Follows et à vous de vous forger votre propre interprétation de ce mal irréversible. On n’en ressort pas indemne, avec une étrange sensation de mal-être qui se dissipe avec le temps… ou pas.