Avant de vous présenter la critique du film Deadpool en bonne et due forme, un petit cours d’Histoire s’impose. Il en aura fallu du temps avant de voir l’anti-héros tout de rouge vêtu dans son propre film. Deadpool à l’écran a longtemps été un projet incertain, surtout depuis sa piètre apparition dans X-Men Origins: Wolverine, furtive apparition (le temps d’un combat) qui n’avait convaincu personne, à commencer par les producteurs potentiels. Toutefois, la légende raconte qu’un leak aurait débloqué la situation. En effet, nous sommes en été 2014 et un mystérieux extrait d’un film dénommé Deadpool circule sur nos réseaux sociaux. L’espoir renaît. L’engouement du web suite à cette fuite aurait poussé les producteurs à financer finalement le projet. Ryan Reynolds, véritable amoureux du personnage, décide de se racheter et reprend le rôle. Tim Miller se retrouve derrière la caméra et le fidèle Stan Lee n’est pas loin. Le paris est risqué compte tenu du personnage particulier issu de l’univers Marvel et assez méconnu du grand public. Quelques mois plus tard et après une campagne marketing qui pourrait rivaliser avec celle de Star Wars VII, Deadpool sort enfin sur nos écrans. Direction nos salles obscures habituelles, la séance est sur le point de commencer.
Deadpool : le Marvel réconciliateur ?
« I’m touching myself tonight »
Impossible d’y échapper, Deadpool a soigneusement préparé sa sortie à coups de matraquage marketing. Il est évident qu’il fallait d’un côté, rassurer les fans du personnage issu du comics éponyme, et de l’autre, le faire connaitre au grand public. Pour cet objectif double, un gros budget était nécessaire, d’autant plus que le film est un gros pari. Contrairement aux autres productions de l’usine Marvel, Deadpool est une icône méconnue et bien particulière. Les puristes iront même le qualifier d’inadaptable à l’écran tant le personnage se veut complexe et profond. Hollywood ne l’entend pas de cette oreille et nous présente un Deadpool brisant les codes des films traditionnels de super-héros. Alors oui, je vous voir venir : « Deadpool, c’est pas un super-héros d’abord mais un anti-héros ». Bon d’accord, mais le principe est strictement le même. Maintenant que les présentations sont faites, rentrons dans le vif du sujet. Deadpool se veut décalé de ses prédécesseurs et joue principalement la carte de l’humour absurde. Chaque réplique est prétexte à une blague vaseuse portée principalement sur le cul. Il faut l’avouer, la recette fonctionne plutôt bien, les rires pleuvent et Ryan Reynolds accomplit le rôle avec brio. L’acteur tient là sa revanche. Les références méta sont légions et se basent surtout sur l’autodérision. Nous avons donc affaire à un Deadpool qui se fout de la gueule de Ryan Reynolds pour son premier rôle mais aussi pour celui dans l’effroyable Green Lantern. Sans surprise, l’anti-héros brise avec fracas le 4ème mur et s’adresse directement à nous, nous, spectateurs, tout au long du film. Un procédé bien mené qui fait directement penser à Kick-Ass, d’ailleurs les deux films ont plusieurs points communs, à commencer par un certain niveau de violence et un humour omniprésent. Vous l’aurez compris, Deadpool réussit à merveille sur le critère humour déjanté du personnage qui est fidèlement retranscrit à l’écran, mais cet aspect ne suffit pas pour faire un bon film, qu’en est-il des autres critères ?
Du Marvel tout crashé
Malheureusement, on déchante aussitôt en s’intéressant au scénario et à sa portée. En effet, Deadpool n’échappe pas à l’engrenage Marvel et nous sert une histoire plus que prévisible et rongée par des scènes et personnages inutiles. Deux membres issus des X-Men sont présents : Colossus et Negasonic Teenage Warhead. Pendant tout le long du film, on se demande à quoi servent ces personnages. Ils ne font en aucun cas avancer la trame principale et n’apportent aucun soutien à notre héros. Bref, un manque d’intérêt certain qui peut éventuellement se justifier par une volonté de rassurer les fans des comics avec des X-Men à bord. On notera également l’apparition de Blind Al, Ajax et Weasel. Le gros point faible (et la force) de Deadpool est son omnipotence. En effet, aucun enjeu et suspense n’est perceptible étant donné que le personnage est invincible. On sait déjà l’issu des combats, la victoire est toujours à portée. Ce constat affecte aussi bien le scénario manichéen que la profondeur du personnage. Deadpool est uniquement bon à balancer de la vanne. Et c’est dommage de ne retenir que cet aspect du personnage qui se veut tellement plus profond dans le comics. Le réalisateur Tim Miller a opté pour une mise en scène mélangeant passé et présent. Ce procédé n’a pas grand intérêt quand on s’y penche réellement mais a le mérite de jouer les cache-misère. Je le disais plus haut, le scénario est des plus simples et le fait de voyager dans le temps, d’avoir des flashbacks permet de gommer (un peu) cette lacune. Autre bon point : la musique. Celle-ci participe activement à l’action frénétique et déjantée du film, mention spéciale à celle de fin qui apporte un décalage complet fort plaisant entre ce qui se passe à l’écran et ce qu’on entend.
Alors objectif accompli ? Oui, Tim Miller et son équipe réussissent à adapter au cinéma ce qui a longtemps été considéré comme inadaptable. L’humour loufoque, la vulgarité omniprésente et le je-m’en-foutisme du personnage sont respectés à la lettre pour le plus grand plaisir des aficionados. Deadpool souffre cependant d’un scénario en manque de profondeur malgré un Ryan Reynolds au top. Mais le plus important reste surtout que le film nous montre que Marvel est maintenant prêt à prendre des risques avec ses héros. Deadpool sort des sentiers battus par rapport aux autres films marvéliens, ce qui donne un véritable vent de renouveau (et d’espoir) à toute la filmographie devenue prévisible et donc par conséquent en perte d’intérêt. Si Deadpool cartonne au box-office (ce qui est probable avec l’annonce récente de Deadpool 2), il y a fort à parier que Marvel continue de prendre de tels risques avec d’autres personnages, une sacrée bonne nouvelle en somme !