Nippon Ichi Software (NIS), éditeur et développeur notamment connu pour la série des Ys ou des Disgaea, ainsi que pour sa mascotte, le pingouin Prinny, organise chaque année en interne une sorte de game-jam uniquement destinée à ses équipes. De ce concours sont nés des titres comme htoL#NiQ (Hotaru no Nikki) ou Yowamari: Night Alone, et plus récemment The Liar Princess and the Blind Prince. Mais une bonne idée ne donne pas nécessairement un bon jeu. Le conte de fée The Liar Princess and the Blind Prince finira-t-il sur un happy end ?
(Test de The Liar Princess and the Blind Prince réalisé sur PlayStation 4 via une copie du jeu fournie par l’éditeur)
Sois belle mais tais-toi
Le soir au fond des bois, le Prince n’aime pas tant le chant du cor que celui de l’inconnue qu’il a pris l’habitude de venir écouter. Chaque soir, à la tombée du jour, il vient donc s’asseoir dans les bois écouter ce chant féerique sans rien savoir du propriétaire de cette voix enchanteresse. Et bien heureusement, puisqu’il s’agit d’un redoutable loup. Une louve, même, pour être très précis.
Cependant, l’un de ces soirs où il était venu profiter du concert, le Prince ne résiste pas à la tentation, et décide d’aller voir de l’autre côté de la colline pour rencontrer celle qui illumine ses soirées depuis plusieurs semaines… Ne s’attendant pas à cette visite, la bête panique, et dans un mouvement incontrôlé, lacère le visage du Prince, lui faisant perdre la vue.
Défiguré et handicapé, le Prince est rejeté par sa famille, enfermé dans le donjon. Quand la louve entend parler du sort réservé au pauvre Prince, elle se sent coupable, décide de l’aider à s’échapper, et se jure de permettre au Prince de recouvrer la vue.
Il y a en effet une sorcière qui vit de l’autre côté de la forêt qui saura probablement lui rendre l’usage de ses yeux. C’est cette même sorcière qui “offrira” à la louve, en échange de sa si belle voix, la possibilité de prendre la forme d’une jolie princesse, afin que celle-ci puisse s’approcher du Prince, dissimulant sa véritable identité pour qu’il ne prenne pas ses jambes à son cou…
Le Prince et sa sauveuse – qui fut aussi son bourreau – s’embarquent alors dans un voyage plein de dangers, où les épreuves les plus difficiles ne seront pas celles qu’ils imaginent.
The Liar Puzzle Game and the Blind Platformer
Nous sommes donc au contrôle d’un joli conte de fées, dans tous les sens du terme. La direction artistique est en effet magnifique, les personnages sont très réussis, mignons au possible, tout comme les animations, qui contiennent des petits détails tous aussi charmants les uns que les autres. On sourira notamment devant la Princesse à l’air renfrogné qui se met à sourire dès qu’elle prend la main du Prince !
Le jeu est entièrement réalisé à la façon d’un album jeunesse, tout en crayonné, et on ne peut que tomber sous le charme de sa patte graphique. Les personnages (les sprites, comme on disait à la grande époque des 16 bits) sont de plus très grands pour ce type de jeu, nous permettant de les admirer à leur juste valeur. Les monstres, eux aussi, sont aussi mignons qu’effrayants, un peu comme les “Maximonstres” de Maurice Sendak.
Les décors sont peut-être un peu ternes, manquant de variété (tout comme le bestiaire, soit dit en passant), mais nous rappellent que la ballade n’est pas censée être une promenade romantique.
Là où la direction artistique pêche, c’est peut-être sur la musique, répétitive et entêtante, qu’on aura vite fait de baisser, voire de couper.
Question gameplay, par contre, le jeu est beaucoup moins irréprochable. On est face à un puzzle platformer des plus classiques, avec son lot d’ascenseurs, de barrières, de boutons à actionner ou à bloquer, etc. On contrôle la Princesse, qui a conservé la possibilité de reprendre sa forme de loup pour débarrasser à coups de griffes le chemin encombré de créatures sauvages qui menacent le Prince. Sous la forme du loup, elle est invulnérable, et saute plus haut. Autant d’atouts pour préparer un terrain sûr où le Prince pourra s’aventurer sans risque.
Le Prince, justement, depuis qu’il est aveugle, est complètement dépendant de la Princesse. C’est elle qui le guide en lui prenant la main (en restant appuyé sur Carré). Sans cela, il reste planté comme un CRS devant une agence bancaire un samedi de gilets jaunes. De cette mécanique, on tirera des puzzles comme : Placer le Prince sur un bouton au sol pour ouvrir une barrière – aller seule de l’autre côté de la barrière chercher une pierre – placer la pierre sur le bouton à la place du Prince – franchir la barrière restée ouverte avec le Prince… Bref, rien de très neuf.
En avançant dans l’aventure, le Prince acquerra d’autres capacités, comme celle de porter un objet, voire une toute relative autonomie, lui permettant de se rendre seul d’un point A à un point B désigné par la Princesse.
Le charme que dégage la direction artistique rend l’expérience agréable malgré l’absence totale de proposition au niveau du gameplay. Cependant, en plus d’être déjà vu, le jeu est bien trop facile, et bien trop court. Les puzzles sont évidents, et ne donneront de fil à retordre qu’aux joueurs les moins expérimentés (et par là, nous entendons les joueurs de 6 à 8 ans. Au-delà, il n’y a aucun défi.) ; pour les autres, l’aventure sera bouclée en 4 ou 5 heures.
Seules les énigmes chiffrées qui apparaissent à quelques rares reprises sur le chemin tiendront lieu de véritable challenge. Mais pour le coup, c’en est même trop difficile. De toutes façons, le jeu possède une option qui permet de passer au niveau suivant si jamais vous étiez bloqué à un moment du jeu, par une énigme chiffrée ou à n’importe quel autre étape de l’aventure.
Des collectibles dissimulés ça et là – des fleurs à collectionner – viendront rallonger un peu artificiellement la durée de vie du titre, mais ne représentent finalement pas un grand intérêt.
The Liar Developer and the Blind Publisher
Le plus étonnant avec The Liar Princess and the Blind Prince, c’est qu’il s’agit d’une copie conforme d’un jeu sorti en 2012 sur PS Vita, puis porté depuis sur mobiles et PC : Dokuro.
Dans Dokuro, on contrôle un petit squelette qui a acquis le pouvoir de se transformer en prince charmant le temps de quelques secondes. Armé de cette capacité, il va faire échapper une fragile princesse du château où elle est retenue prisonnière. Charge à lui de balayer devant la princesse les différents monstres et dangers qui la menacent. On est face au même jeu, avec les mêmes mécaniques d’ascenseur, de boutons, etc. , où un personnage va préparer le chemin pour un second sans défense.
Et ce n’est pas tout, Dokuro est également réalisé dans un style “crayonné à la main”, façon craie blanche sur un tableau noir, rendant The Liar Princess and the Blind Prince encore plus ressemblant.
Mais à la différence de ce dernier, Dokuro possède une vraie courbe de difficulté, croissante, et représente un défi bien plus intéressant.
Nous serions des menteurs si nous vous conseillions aveuglément (vous l’avez ?!) The Liar Princess and The Blind Prince. Et si vous êtes l’heureux possesseur d’une PS Vita, tournez-vous plutôt vers Dokuro, qui de plus ne coûte que 3€ ! Pour les autres, et pour ceux qui auraient vraiment été charmés par la direction artistiques de The Liar Princess and the Blind Prince, on le répète : le jeu n’est pas désagréable à parcourir. Il manque juste d’une vraie proposition.