Qu’est-ce qui est dessiné en noir et blanc, aux décors en cartons colorés, qui aura nécessité seize années de conception (dont dix de développement), déborde de passion, et saura faire vibrer les âmes d’enfants (petits et grands) férus d’aventures ? Mais oui, mais oui, RPG Time: The Legend of Wright est fini, et c’est bien lui. Fruit d’une petite équipe de développeurs dévoués, regroupés sous la bannière du studio DeskWorks, ce jeu est l’aboutissement d’un projet de fin d’études.
Vous l’aurez deviné, son ambiance écolière nous aura émus, mais derrière son esthétique enfantine triturant nos cordes nostalgiques, cette ode à l’imagination aura-t-elle su nous amuser jusqu’au bout ?
(Test de RPG Time: The Legend of Wright sur PlayStation 5, à partir d’une version fournie par l’éditeur)
L’école du crayon d’argent
Impossible de ne pas être charmé par le style graphique de RPG Time : ses coups de crayons sont simples, et pourtant les décors regorgent de détails qu’on aime prendre le temps d’observer, pour y découvrir un élément insolite. Un tel pied de nez à la course au réalisme ne peut qu’être apprécié, loin d’Horizon Forbidden West ou The Callisto Protocol.
Le jeu ne touche pas tant pour les émotions que suscitent l’histoire du jeu (aussi mignonnes soit-elles), mais plutôt par la justesse de ce que l’œuvre propose, à savoir un retour en enfance par le prisme d’un sujet universel et efficace, l’école, et dans le même temps, l’imaginaire débridé des enfants.
C’est d’ailleurs un élève, Kenta, qui sera le Maître du jeu de vos aventures. Vous interpellant à la fin des cours, il est à la fois la personnification du créateur et le vrai moteur du récit, se donnant corps et âme pour vous faire vivre cette épopée dessinée. Quel dommage que le jeune public français n’ait pas le droit à une traduction locale, tant ce jeu est une merveilleuse introduction au jeu de rôle. Il faudra pour l’heure se contenter de l’anglais, du chinois (curieux choix…) ou du japonais pour les plurilingues.
Dès les premières notes du thème principal, tout aussi simple et réussi que le reste du jeu, la voix de Kenta traverse ses bulles de texte pour stimuler l’élève qui sommeille en nous tous. Cette constante double mise en abîme – le joueur/jeu dans le joueur/jeu – est une mécanique centrale de RPG Time: The Legend of Wright, qui fait sens et fonctionne jusqu’à la fin du jeu, malgré la légèreté de son gameplay. Ou plutôt de ses gameplays…
Random Access Game Memories
En écho à son contexte scolaire, l’amusement est au cœur du jeu : que ce soit celui du joueur, du maître du jeu, et (on imagine) celui des créateurs. Pour appuyer cette idée, The Legend of Wright cache sous son statut annoncé de RPG une ribambelle de mini-jeux aux genres variés.
Du shoot’em up au jeu de combat, en passant par le jeu de plateau, cette intrication de jeux si simples produit un rendu merveilleux. Tout d’abord parce qu’ils sont bien dosés, jamais trop longs pour qu’on s’en lasse. Ensuite, parce que chaque mini-jeu est un hommage parfaitement maîtrisé à un genre, qui plonge les plus âgés dans leurs souvenirs d’enfance, et s’avère être une introduction réussie pour les novices. RPG Time fait ressortir la beauté dans le regard du spectateur, et le divertissement dans l’âme du joueur.
Impossible de ne pas mentionner son final en apothéose, se réappropriant des matériaux du quotidien scolaire pour en faire le site d’un combat épique. Pour une fois que les multiples formes du boss de fin d’un RPG ne proposent pas un gameplay similaire, il serait bien dommage de ne pas aller au bout de cette aventure.
Si RPG Time aura réussi son pari de nous faire rêver tout du long de celle-ci, c’est probablement parce que ce jeu est lui-même issu d’un rêve de longue date (et d’un travail acharné).
Game Holes & Revelations
RPG Time: The legend of Wright aura pris son temps avant de sortir, et c’est là à la fois une des clefs de sa réussite, et une leçon pour l’industrie vidéoludique. C’est un pari de prendre son temps pour créer une œuvre pareille, un temps qui limitera forcément la production d’autres potentiels jeux par le studio. Mais cela reste souvent essentiel pour que le résultat puisse se montrer unique, marquant, et inciter les autres créateurs à se dépasser.
En plus de déborder de bonnes idées, le jeu transpire une passion créative qu’il parvient à partager. Il propose une réflexion derrière ses décors faits au crayon, sur un cahier et des bouts de carton, avec ici et là des aimants et des perles. En mettant à l’écran des matériaux familiers, les concepteurs du jeu donnent envie de retrouver le goût du jeu dans tout ce qui nous entoure, surtout dans l’anodin.
Cette passion se ressent particulièrement dans les différents storyboards et prototypes cartonnés du jeu, intégrés par la suite avec Unity pour obtenir ce rendu à la fois réaliste et merveilleux.
On ne peut que rester coi devant l’investissement des créateurs, admiratifs de leurs brouillons tout autant que du résultat final. Ce serait un plaisir que d’avoir plus de photos des coulisses de la réalisation du jeu, mais vous pourrez déjà commencer par ce récent making-of qui nous donne un bon aperçu de l’ambiance de travail chez DeskWorks.
C’est avec des étoiles en origami plein les yeux que nous sommes arrivés à l’écran de fin du jeu, indiquant sobrement sur un écran noir : « The End – Until the next RPG Time ! ». Et, comme à une autre époque, il ne nous restait rien d’autre à faire que de digérer ces derniers mots, plus aucune touche ne permettant de quitter ce carton. À la prochaine, donc, RPG Time ! C’est tout ce qu’on souhaite.
RPG Time: The Legend of Wright est une pure merveille, une œuvre témoignant d’une passion sans limites de ses créateurs pour un art avec lequel ils ont grandi, et qu’ils ont fait leur.
Simple, drôle, et surtout amusant, voilà un jeu qui prend du recul sur les mécaniques vidéoludiques, et fera résonner votre âme d’enfant. Si l’anglais ne vous fait pas peur, faites chauffer vos manettes et ouvrez grand vos mirettes pour ce séduisant hommage au jeu vidéo.
*Ces légendes tiennent de l’élucubration et ne sont nullement fondées. Nous espérons qu’elles vous auront un peu amusé.