Le tome 4 de Hell’s Paradise ne nous avait pas seulement séduit, il nous avait totalement comblé, à la fois par de l’action intense et maîtrisée, mais surtout par un nombre important de révélations, venant complètement chambouler notre vision des événements et de l’univers en place jusqu’à présent. Coupé en plein élan, Hell’s Paradise tome 5 reprend donc exactement là où il nous avait laissé, alors voyons ce que ça donne.
(Critique Hell’s Paradise tome 5 réalisée à partir d’une version fournie par les Éditions Kazé)
Le pitch de Hell’s Paradise (No spoil)
Hell’s Paradise met en scène la tentative de « rédemption » de Gabimaru, un shinobi du clan Iwagakure dans le Japon de l’époque Edo. Arrêté pour un crime dont il semble accepter la sentence, Gabimaru ne cesse d’appeler la mort de ses voeux depuis le fond de sa cellule. Manque de chance ou pas, la maîtrise des arts shinobi lui procure une constitution suffisante afin de résister aux tentatives de décapitation de ses bourreaux.
Mais une exécutrice très particulière surnommée « La Grande Coupeuse de Têtes », intriguée par ce shinobi immortel, va faire le déplacement pour mettre fin à la vie de Gabimaru. Cependant, après avoir jugé de son potentiel, l’exécutrice Sagiri Yamada Asaemon lui proposera un marché qu’il finira par accepter : se rendre sur une île mystérieuse dont nul n’est jamais revenu, afin d’y rechercher un élixir d’immortalité convoité par les puissants de cette époque.
Départ classique, motivations standard pour Gabimaru, ce n’est qu’une fois sur l’île que Hell’s Paradise commence à dévoiler son potentiel et surtout l’originalité qui le démarque des autres. Car tout portait à croire que l’on allait nous servir un énième battle royale sans saveur. Cependant, le mystère de départ se divise rapidement en une myriade d’embranchements intrigants sur fond de surnaturel et de folklore japonais, au coeur d’une île à la beauté paradisiaque mais où le danger peut se cacher dans la moindre particule environnante.
La critique de Hell’s Paradise tome 5 (Voir directement la conclusion pour un avis rapide sans spoil)
Alors que le personnage de Gabimaru avait une place importante dans le tome 4, Hell’s Paradise tome 5 nous fait rapidement savoir que le développement de notre antihéros devra attendre quelques chapitres avant de repartir de l’avant. Mais en attendant, dès les premières pages, ce sont Sagiri, Senta, et Yuzuriha que nous retrouvons là où nous les avions laissés, face à Mudan, l’un des Tensen de l’île. Contrairement aux précédents tomes, la majeure partie de l’action se déroule au même endroit.
Cet aspect réduit grandement la diversité à la fois des lieux, mais aussi des personnalités qui nous sont présentées. Mais pour le coup, c’est plutôt normal, le développement des forces en présence ayant été fait tour à tour, il est maintenant possible de s’attarder plus précisément sur la progression des relations entre les personnages.
Alors que la confrontation avec le Tensen semble inévitable, notre petit groupe se prépare à la bataille, et les 3/4 du tome seront composés de ce combat. Mais à l’instar des grands mangas du genre, nous retrouvons ici une narration par le combat diablement bien maîtrisée, et chaque moment important permet d’apporter un développement pertinent des personnages présents. Nous avons donc Sagiri dont la carapace, qu’elle s’est forgée pour se faire une place en tant que femme exécutrice, continue doucement de se fissurer. Senta qui malgré ses responsabilité, est tombé sous le charme de Yuzuriha, et cette dernière qui continue d’agir suivant le dogme de l’enseignement qu’elle a reçu dans son clan.
Pour autant, même si l’on ressent un rapprochement entre les personnages, d’autant plus qu’ils vont devoir unir leurs forces, l’auteur a toujours le bon goût de ne pas en faire les meilleurs amis du monde pour autant. On garde en tête que cela ne fait que 3 jours qu’ils se connaissent et que l’on ne fait pas confiance aux gens en si peu de temps. L’ombre de Gabimaru se fera d’ailleurs toujours sentir dans l’esprit de Sagiri, alors même qu’il n’est pas présent. Cette opposition est réellement passionnante et l’on ressent tout le poids du dilemme interne des exécuteurs, qui ne savent plus réellement qui sont les méchants dans cette histoire, étant donné qu’ils doivent unir leurs forces contre un ennemi commun.
Tout aussi intéressant dans ce combat, et c’est un point qui nous plaît énormément depuis le début de l’oeuvre, ce sont les techniques utilisées et le côté tactique. Nos exécuteurs n’ont aucune raison de foncer tête baissée puisqu’ils sont préparés pour garder la tête froide, et il en va de même pour notre criminelle qui a été formée au combat tactique. Résultat, malgré le fait que l’on ait découvert le Tao (sorte de ki) dans le tome précédent, son usage n’en est pour autant pas abusé. Les monstres du Tensen le maîtrisent parfaitement, et pour cause, ils s’entraînent depuis plus de 1000 ans, mais ce n’est pas le cas des nos humains qui doivent forcément composer avec une maîtrise partielle. Ce simple fait permet de rendre le tout beaucoup plus intéressant, il y a une grande part de réflexion, et chaque assaut peut potentiellement s’avérer fatal.
Le danger est alors tel une chape de plomb pesant au-dessus de la tête des personnages, et l’on est finalement très loin du shonen classique. Plus le manga avance, et plus la frontière entre shonen et seinen s’amincit, mais l’apport de situations épiques dans les moments les plus désespérés garde Hell’s Paradise du côté le plus lumineux des deux genres.
Et c’est justement le cas avec l’arrivée de Shion et Nurugai, qui débarquent réellement au moment ou tout semblait perdu. On adore ce duo de personnages car ils n’ont en apparence rien à faire ensemble, et pour autant, il y a une relation maître/élève qui s’est mise en place et qui rend leurs échanges vraiment touchants, à l’instar du passage fantasmé par Senta lorsqu’il se trouve aux portes de la mort, et qu’il rêve d’avoir enfin une vie de paix et d’amour avec Yuzuriha. Beaucoup de shonen tentent de susciter de l’émotion auprès des lecteurs sans pour autant jamais y arriver, et dans ce domaine on ne peut que citer en exemple le sympathique Classroom for Heroes, mais qui ne parvient jamais à nous faire ressentir de réelles émotions. Hell’s Paradise tome 5, à l’inverse, nous a touché encore plus que le précédent, et le suivant devrait certainement placer la barre encore plus haut si l’on se fie à la fin du tome.
Justement vers la fin nous retrouvons enfin Gabimaru, et nous apprenons ce qui lui est arrivé après son évanouissement dans le tome 4. Son flux vital semble touché et il se réveille presque complètement amnésique, alors qu’on apprend en parallèle que le rêve de retrouver sa femme pourrait être une sorte d’idée introduite dans son esprit un peu façon Inception, par son maître de clan, qui excellerait dans l’art de l’illusion. Alors déjà, l’idée est juste brillante. Relaté de cette manière cela peut sembler facile, mais quand on vient de passer 5 tomes à croire en quelque chose, et qu’en arrivant à ce point précis, en tant que lecteur, on commence à douter de tout ce que l’on sait, croyez-le, ça fait son petit effet.
Et encore une fois, pour terminer, on apprend que dans le tome suivant, les membres du clan de Gabimaru vont débarquer sur l’île pour tenter de le tuer. Quelques questions germent alors dans notre esprit à ce moment-là. Pourquoi veulent-ils prendre un tel risque pour mettre un terme aux jours de Gabimaru alors que les dangers de l’île pourraient déjà très bien le faire pour eux ? Gabimaru est-il vraiment celui que l’on croit depuis le début ? Gabimaru lui-même, sait-il vraiment qui il est et pour quoi il se bat ? Des questions qui trouveront peut-être des réponses dans le tome 6, que l’on a très hâte de découvrir.
Hell’s Paradise tome 5 continue sur la lancée du précédent, apportant son lot de révélations, posant sur le papier une narration toujours aussi captivante, portée par une mise en scène efficace et réfléchie. On perd un peu en dynamisme puisqu’il n’y a plus de « ping-pong » entre les différents groupes que l’on suivait jusqu’à présent, mais on gagne clairement en intensité, en se focalisant sur un groupe précis.
Beaucoup de choses sont dévoilées, mais de nouvelles questions intéressantes se posent, et l’auteur montre encore une fois qu’il maîtrise parfaitement le rythme de son manga. Espérons que les choses continueront de la sorte, et que comme beaucoup de mangaka, qu’il ne sera pas coupé dans son élan par des soucis de santé.